Ces 10 milliards d'euros qui divisent le MEDEF
Nul
n'est prophète en son pays et surtout pas le patron des patrons. Pierre Gattaz
ne s'est toujours pas imposé comme seul maître à bord du vaisseau patronal, et
cela commence à peser sur les négociations. Il a du mal à mettre d'accord
toutes les fédérations qui composent le mouvement. Hier, le numéro 2 du MEDEF,
Jean-François Pillard, a fait une sortie remarquée : une concentration des
allègements de charges sur les bas salaires - comme le souhaite Jean-Marc
AYRAULT – serait, à ses yeux, "inacceptable" car ''cela n'aurait
aucun effet sur la compétitivité des entreprises''.
Pourquoi
le MEDEF est divisé sur cette question ?
D'un
côté, il y a les petites entreprises qui préfèrent les baisses de charges sur
les bas salaires (les emplois peu qualifiés) car elles en comptent davantage,
et c'est cette catégorie qui est le plus touchée par le chômage. De l'autre
côté, il y a les grandes entreprises (industriels pour la plupart) qui
voudraient doper leur compétitivité en favorisant les emplois qualifiés. Ils
défendent l'idée selon laquelle la France a besoin d'une montée en gamme de sa
production pour gagner en qualité dans un monde de plus en plus concurrentiel à
l'international.
Ils
n'ont pas tord. Le problème, c'est que l'effet de la baisse de charges n'a pas
le même impact dans l'un ou l'autre cas. Toutes les études menées sur le sujet
montrent que ce qui profite le plus à la création d'emploi c'est la baisse de
charges sur les bas salaires.
Que
disent les chiffres ?
En
2009, en pleine crise financière, Nicolas SARKOZY avait mis en place le
dispositif "Zéro charge" (annulation complète des charges patronales
pour les entreprises de moins de dix salariés qui embauchaient des personnes
rémunérées jusqu'à 1,6 fois le SMIC). Prolongée jusqu'en 2010, cette mesure a
permis de créer 30.000 emplois en un an. Aujourd'hui, selon l'Institut
Montaigne, si les dix milliards d'euros d'allègements prévus ciblaient
uniquement les bas salaires, ce sont, à terme, 800.000 emplois qui pourraient
être créés.
Et
pourquoi cela ne joue pas sur les emplois qualifiés ?
Il
est prouvé que dans ce cas, 2/3 de la baisse de charges se transforment en
hausses de salaires pour les employés déjà installés et qui n'ont pas de
problème d'emploi ; seulement 1/3 de l'allègement se traduit par des créations
de postes. C'est un fait.
Donc
attention de ne dénaturer ni la mesure, ni le dialogue social. La hausse des
salaires n'est pas critiquable en soi (personne ne crache sur une
augmentation), mais cela serait un comble si elle était obtenue grâce à un
mécanisme initialement destiné à lutter contre le chômage. Cela serait un non-sens
économique et social, une erreur politique (si le gouvernement laissait faire,
il donnerait quitus au lobby industriel), quant au patronat, il ne sortirait
pas grandi de ce tour de passe-passe.
Pierre
GATTAZ parviendra-t-il à trancher ? S'il en a réellement la capacité, que ne
l'a-t-il déjà fait ou, au moins, envoyé quelques signaux en ce sens ? Mettons
l'absence de réponse sur le compte de la poursuite des négociations avec les syndicats
et le gouvernement. Mais tout le monde doit bien garder à l'esprit que le
dialogue social est destiné à défendre l'intérêt de tous, notamment de celles
et ceux qui sont aujourd'hui exclus du marché de l'emploi.
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