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L'agriculture française est à bout de souffle car en bout de chaîne

Manuel Valls promet de nouvelles aides aux agriculteurs avec une baisse des cotisations sociales. Sept points de baisse immédiate, en réalité année blanche : le non prélevé cette année sera reporté sur les années suivantes. Preuve que cette énième mesure d’urgence ne règle rien sur le fond du malaise agricole
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (manifestation d'agriculteurs à Rennes le 17 février 2016 © Maxppp)

Face à une situation bien compliquée qui lui échappe en grande partie, l’Etat joue au pompier mais son fourgon pompe-tonne est presque vide.

Ne parlons pas du tonneau des Danaïdes… cette baisse des cotisations sociales coûtera 500 millions d’euros à l’Etat.

La question n’est plus celle des subventions ou des baisses de charges épisodiques. C’est tout un système qu’il faut reconstruire.

 

Une fois que l’on a dit cela, que fait-on ?

Sans dresser de plans sur la comète, on peut déjà viser le court terme. A commencer par la révision des équilibres de la distribution.

Un rapport de l’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges, consultable sur le site du ministère des Finances, est accablant pour le système tel qu’il existe aujourd’hui.

Il montre que, tous produits agricoles confondus, quand on remplit notre caddy de 100 euros, seuls 8 euros 20 reviennent aux producteurs. Ecoutez la suite : le commerce (dont la grande distribution) prend 19,80€, les matières premières, les producteurs d’engrais 15,30€. 13,20€ vont à l’industrie agro-alimentaire, les taxes représentent 9,20€.

Le système est à bout de souffle, inopérant, assassin pour les agriculteurs, pas pour les intermédiaires.

 

Quid des mesures de long terme ?

 Considérer que l’agriculture française a de nombreux atouts et que l’essai peut encore être transformé.

Arrêter de conseiller aux agriculteurs de se recycler dans le tourisme en transformant leurs corps de fermes en gîtes ruraux mais les considérer, pour beaucoup, comme des producteurs de haute technicité.

Renforcer la formation pour aller vers des productions à plus haute valeur ajoutée, respectueuses de la santé, de l’environnement et permettant d’assurer des niveaux de revenus respectables sans attendre les perfusions européennes.

 

Tout cela est-il jouable dans le contexte de mondialisation ?

 Nous avons opté pour une politique de productivité et de  rendement à outrance avec des structures qui ne le permettent pas (taille limitée des exploitations, mauvaise coordination entre filières et distribution).

Ailleurs en Europe – Espagne, Allemagne, Danemark, Pays Bas –, la plupart des agriculteurs sont désormais salariés de l’agro-alimentaire.

D'ailleurs, faut-il y voir un signe : aujourd'hui, les agriculteurs français sont défendus par un super industriel des céréales, des huiles, des protéines, gros importateur de poulets brésiliens. Il est à la tête du premier syndicat agricole - la FNSEA pour ne pas la citer. Cela fait polémique et n'est pas très clair. Avions-nous une ambition ? Nous sommes-nous donné les moyens ?

Notre agriculture est à bout de souffle car en bout de chaîne.

Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu'il risque de faire très chaud au Salon de l’Agriculture qui se tiendra Porte de Versailles, à Paris, à partir du 27 février prochain.

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