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Rechercher les avions disparus en mer

Cela fait neuf jours que le vol MS 804 d’Egyptair s’est abîmé en mer, et nous sommes toujours à la recherche des boites noires. Comment se fait-il qu’en 2016, on ne soit toujours pas capable de connaitre la position exacte d’un avion ?
Article rédigé par Gérard Feldzer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Sous-marin de poche © thales)

On sait que le radar a une portée limitée, et au-dessus des océans, cela ne marche plus ! Et en plus on perd la trace de l’avion en basse altitude, mais il y a des systèmes satellitaires à bord des avions comme l’ACARS (Aircraft Communication Addressing and Reporting System).

 

C'est un système qui permet, comme sa boite mail, d'envoyer ou de recevoir des messages, mais surtout il transmet automatiquement une petite partie de l’état de l’avion, et sa position.

C’est comme cela qu’en 2009 on a pu avoir des éléments sur la disparition de l’avion d’Air France qui faisait la liaison Rio Paris, et qu’en 2014 on a pu reconstituer la trajectoire du vol de la Malaysia Airlines (qu’on n’a jamais retrouvé). Enfin, sur le MS 804 on a pu lire qu’il y a eu de la fumée à bord juste avant sa disparition.

Le problème est que cet équipement n’est pas obligatoire, c’est juste une facilité offerte par une société privée anglaise (Inmarsat) qui collecte les messages. Ces messages sont envoyés par paquet toutes les 5 à 10 minutes, mais comme on vole à 15 kilomètres par minute, le résultat reste imprécis.

Mais un nouveau système équipe les avions, bientôt obligatoire celui-ci, nommé ADS-B ( Automatic dependent surveillance-broadcast). C'est un système de surveillance coopératif pour le contrôle du trafic aérien et d'autres applications connexes. 

Il transmet sa position GPS au mètre près toutes les 10 secondes en croisière et toutes les secondes en approche.

Cela va devenir la norme internationale, car ce système est beaucoup moins cher et beaucoup plus précis que les radars. Et il suffit d’une petite antenne pour recevoir le signal…sauf au-dessus des océans, et il n’y a pas pour l’instant de transmissions par satellite.

Une recommandation émise par le BEA en 2009, suite à la recherche de l’avion Rio Paris, consistait à installer des récepteurs sur les bateaux en mer.

Cette idée a été reprise par une start up française nommée ADSB network. Laurent Duval son président, explique qu’il a déjà expérimenté ce système avec une compagnie maritime et a obtenu une précision de localisation des avions au mètre près jusqu'à son éventuel point d’impact, et ceci jusqu’à 160 kms autour du bateau.

Il y a 40 000 bateaux dans le monde, en équipant 10 % d’entre eux, nous pourrions couvrir le monde entier 

Ecouter l'interview complète de Laurent Duval

Évidemment, si l’avion explose en l’air et n’a plus d’alimentation électrique, cela ne marche plus, il faudrait alors imaginer une balise éventuellement détachable et auto-alimentée, on y pense.

En attendant on recherche toujours le MS 804, des bâtiments, dont un sous-marin sont sur zone. Le vice amiral Patrice Du Puy-Montbrun, qui a commandé des sous-marins nucléaires, nous explique qu’ils sont capables de discriminer tous les "nombreux sons" des océans.

Le monde sous-marin est tout, sauf le monde du silence

Mais le sous-marin n’est pas vraiment adapté pour ce genre de recherche, d’abord, il ne descend pas très profond  (sauf les bathyscaphes) alors que les balises sont à 3 000 m, et ensuite, les fréquences des balises aéronautiques (37,5 khz) ne sont pas adaptées au travail normal des sous-marins.

Nous sommes capables de distinguer un chalutier d’un bateau de commerce ou d’un bâtiment militaire, pour cela nous disposons de machines très sophistiquées, mais aussi de marins bien formés, qu’on appelle les oreilles d’or

Ecouter l'interview complète de Patrice Du Puy-Montbrun

 

Il faut donc profiter de ce que les balises émettent encore des signaux pour faire les recherches. Pour cela on place des micros sous l’eau, qu’on appelle hydrophones, qu’on tire derrière un bateau au bout d’un câble qui s’enfonce dans l’eau pour se rapprocher du fond.

Quand les balises cesseront d’émettre, comme dans le cas de la disparition de l’Airbus du Rio Paris, on doit alors faire appel à des sonars, sortes de radar sous l’eau qui émettent des sons qui se réfléchissent sur le métal

Jean-Paul Troadec, ancien patron du BEA  avait ainsi réussi à localiser l’avion du Rio Paris, et cela a pris 2 ans. Il nous explique toute la technologie mise en œuvre à l’époque.

Le coût d’une telle opération : quelques dizaines de millions d’euros. Dans le cas du Malaysia MH 370 (toujours pas retrouvé) l'Australie en est à plus de 120 millions de dollars

Ecouter l'interview complète de Jean-Paul Troadec

Ces sonars peuvent être télé-opérés par des câbles depuis les navires de surfaces, ou bien être autonomes car placés sur des drones sous-marins. Ils explorent ainsi les fonds en automatique.

Une fois localisées, il faut remonter les boites noires et aussi les corps pour les authentifier, pour cela on utilise exclusivement des robots ; car la profondeur est excessive pour des plongeurs (le record est détenu par la Comex avec 710m). C’est moins dangereux, plus efficace. Ils possèdent des bras manipulateurs télécommandés depuis le bateau en surface.

Ma séquence insolite de cette semaine est un mystère enfin résolu quant aux disparitions et légendes qui entouraient le triangle des Bermudes. Cette zone située au large de la Floride où ont disparu de nombreux bateaux et avions, on a longtemps parlé de malédiction.

C’est moins glamour que "Allo tango papa charlie",  la chanson de Mort Shuman, mais les scientifiques ont remarqué que du gaz méthane se libérait d’un coup du fond des océans, et ainsi diminuait la densité de l’eau. Ceci peut entraîner le naufrage d’un bateau passant là au mauvais moment. De même cela peut provoquer des turbulences dans l’air pour des avions malchanceux.

 

Encore un mystère levé tout comme celui de mon coup de cœur de cette semaine : l’avion de Saint-Exupéry, l’auteur du Petit Prince qu’on a retrouvé au bout de 60 ans  

 

Pierre Becker,Vice-Président de « Marine Tech » a passé sa vie à travailler sous l’eau en plongée ou aux commandes de drones, il a retrouvé des avions, réparé des fuites de pétrole, trouvé au fond des mers des sources d'eau douce, etc... mais sa plus belle découverte a eu lieu au large de Marseille.

Son voisin et ami Monsieur Bianco avait un chalutier et a ramené dans ses filets la gourmette de Saint Exupéry.

Des recherches sur l’authenticité des pièces de l’avion se sont avérées positives. Ces pièces sont maintenant visibles au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.

Lorsque j’en étais à l’époque le directeur, le pilote allemand s’est manifesté en racontant dans le livre de Jacques Pradel : "Maintenant je suis sûr que c’est moi qui ait descendu le P 38 de saint Exupéry, et je le regrette, si j’avais su, je n’aurais pas tiré."

 

Ecouter l'Interview complète de Pierre Becker

 

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