Au Canada, la colère des indiens autochtones contre l’Église
La tension est forte dans le pays depuis quelques jours : les populations autochtones sont furieuses contre la hiérarchie du clergé après la découverte d’un millier de tombes anonymes d’enfants indiens. Et la colère se dirige vers les bâtiments des Églises.
En une semaine, cinq églises ont été incendiées dans l’Ouest du pays, dans la province de Colombie-Britannique, près de la côte Pacifique. Le dernier incendie date samedi 26 juin dans le village de Gitwangak : les flammes se sont déclarées au milieu de la nuit à l’entrée de l’Église anglicane St Paul. Personne n’a été blessé, et le bâtiment a pu être sauvé. Mais cela fait donc suite à 4 autres incendies visant des églises, cette fois catholiques, dans la même région, au cours des derniers jours. À chaque fois, ça se passe dans des terres indiennes, gérées par ce que l’on appelle "les Premières Nations" au Canada, 600 nations amérindiennes et inuits, qui regroupent 1 million 700.000 personnes, soit à peu près 5% de la population totale du pays. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes, et la police dit n’écarter aucune piste. Mais toute la presse canadienne voit dans ces incendies des actes de colère et de vengeance après les macabres découvertes de ces derniers jours : un millier de tombes anonymes d’autochtones, essentiellement des enfants. Elles ont été trouvées dans deux sites proches d’anciens pensionnats, l’un en Colombie-Britannique, l’autre dans le Saskatchewan, province du centre du Canada.
115.000 enfants "rééduqués" de force
Et tout indique un lien avec l’évangélisation forcée des populations autochtones pendant un siècle: en gros de 1890 à 1990, 115.000 enfants des "Premières nations" ont été scolarisés de force dans des établissements religieux, le plus souvent catholiques, parfois anglicans ou presbytériens. En termes polis, cela s'appelle un processus d’acculturation, pour leur inculquer la culture, la langue, les croyances des blancs. En termes plus directs, c'est une forme de génocide culturel. Ces dernières années, la vérité apparait progressivement : ces enfants ont été arrachés à leurs familles, souvent maltraités, violés. Et certains ont donc été tués, puis enterrés dans l’anonymat. Ce sont leurs tombes que l’on trouve maintenant, à proximité des pensionnats. Il est probable que d’autres charniers soient découverts à l’avenir. Une commission vérité et réconciliation a travaillé sur le sujet au Canada entre 2008 et 2015. Elle évalue à 3000 ou 4000 au bas mot, le nombre d’enfants portés disparus.
Les silences du Vatican
Le gouvernement canadien a pris conscience du drame, l’Église catholique beaucoup moins. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a présenté "les excuses du pays" aux populations autochtones. Il a débloqué près de 20 millions d’euros pour permettre des fouilles sur les sites des pensionnats. Et il a ouvert la possibilité d’enquêtes pénales sur le sujet. En revanche, la hiérarchie catholique est beaucoup plus timorée. Le mois dernier, le Pape François a exprimé sa "peine pour les enfants morts", mais il n’a pas prononcé d’excuses. Alors que l’Église a empêché toute forme d’enquête depuis des décennies pour éviter l’inculpation de membres du clergé. Justin Trudeau vient donc d’inviter le Souverain pontife à venir au Canada, ce qui lui donnerait l’occasion de formuler des excuses. En attendant, la colère des autochtones est compréhensible, et il est difficile de ne pas faire le lien avec ces incendies d’églises, à répétition. La tension pourrait encore monter cette semaine, à l’occasion de la fête annuelle du Canada qui a lieu le 1er juillet.
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