En Estonie, l'extrême droite fait son nid
Tous les jours, dans "Un monde d'avance", un coup de projecteur sur une actualité à l'étranger restée sous les radars. Aujourd'hui, l'entrée au parlement estonien d'une formation d'extrême droite à l'occasion des élections législatives de dimanche.
On peut être un pays réputé europhile, ultra-technologique et ouvert, un pays doté d'une croissance très forte (3,9% en 2018), d'un taux de chômage très bas (moins de 5%)... et céder malgré tout aux sirènes des populistes et des eurosceptiques - qui ont le vent en poupe sur le continent.
À l'occasion des élections législatives du dimanche 3 mars, dans ce pays à peine plus grande qu'une grande ville (1,3 million d'habitants), c'est en effet une formation d'extrême droite qui vient brusquement de faire son entrée au parlement estonien.
Le parti populaire conservateur Ekre n'a pas remporté le scrutin mais, avec près de 18% des voix, il multiplie quasiment par trois son score d'il y a quatre ans, lors des élections précédentes.
Un parti anti-migrants
Ekre est d'abord un parti aux promesses généreuses : réductions d'impôts et de taxes, augmentation des dépenses sociales... Ses dirigeants ont habilement exploité le mécontentement des zones rurales qui ont l'impression - plus que d'autres - d'avoir fait les frais des politiques d'austérité de ces dernières années.
Il s'agit surtout un parti anti-migrants, né peu de temps avant la grande crise de 2015 - qui dénonce aussi l’immigration des pays slaves.
Ekre veut notamment mettre fin aux nombreuses écoles en langue russe héritées de la période soviétique. En Estonie, un quart de la population est en effet russophone. Un discours qui trouve de l'écho dans la population, frileuse face à l'inconnu et à l'étranger. Quand on interroge les Européens sur ce qui est pour eux le problème principal de l'Union, les Estoniens sont les plus nombreux à répondre que c'est l'immigration. Ils sont même plus nombreux même que les Tchèques et les Hongrois, qu'ils ont soutenus quand Prague et Varsovie ont refusé d'accueillir des réfugiés dans le cadre de la répartition européenne.
Pour le symbole, Ekre réclame enfin, comme les Britanniques en 2016, un référendum sur un "Estxit", c'es-à-dire une sortie de l'Estonie de l'Union européenne. Ce projet semble toutefois assez peu convaincant aux yeux des électeurs.
Exclu du gouvernement
Malgré sa toute nouvelle popularité, Ekre devrait malgré tout être exclu du gouvernerment. En effet, au nom du front républicain, les autres partis refusent toute collaboration, notamment la grande gagnante du scrutin, la dirigeante du parti "Réforme" de centre droit. Ancienne députée européenne, Kaja Kallas aura beau avoir du mal à monter sa coalition, elle a expliqué en europhile convaincue qu'elle allait "gérer le pays avec du bon sens".
Elle se dit prête à étudier toutes les options sauf celle d'une alliance avec l'extrême-droite, dont les députés auront sans doute du mal à peser sur les choix politiques du pays. La future chef de gouvernement a d'ailleurs plusieurs fois défendu, dans l'enceinte européenne, l'impact positif de l'immigration sur la croissance économique et l'emploi, surtout dans un pays comme l'Estonie dont la population vieillit.
Une leçon de parité
Si Kaja Kallas devient la première femme Premier ministre de l'histoire de l'Estonie, le pays sera alors dirigé par un tandem au féminin, puisque depuis 2016 le chef de l'Etat est une "Cheffe", Kersti Kaljulaid. Une singularité en europe.
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