Guerre en Ukraine: les Occidentaux inquiets sur le recours à des armes chimiques ou biologiques par la Russie
Les États-Unis comme l’Otan affirment redouter cette hypothèse. Cette crainte, même si elle n'est pas avérée, repose sur quelques éléments tangibles.
Les armes chimiques et biologiques ne sont pas de même nature. Les armes chimiques ont un usage localisé : quand elles ont été utilisées par le passé, elles visaient, soit une personne précise, soit un endroit précis. Il y en a de plusieurs types. Certaines, comme le phosgène, s’attaquent aux poumons et créent une détresse respiratoire. D’autres s’attaquent aussi à la peau et aux yeux, on pense au gaz moutarde utilisé pendant la première guerre mondiale. Et puis il y a les agents neurotoxiques, qui visent le cerveau et le système nerveux. C’est dans cette catégorie qu’on trouve le Novichok, utilisé ces dernières années contre l’opposant russe Alexei Navalny ou l’ancien officier du KGB Sergueï Skripal. Dans les deux cas, Moscou, pointé du doigt, a nié toute implication.
Les armes biologiques ont un usage beaucoup plus compliqué. Ce sont des virus, comme Ebola ou la variole. Ou des maladies infectieuses causées par des bactéries, comme l’anthrax. L’Union Soviétique en avait développé énormément dans les années 70 et 80, par le biais d’une agence officielle baptisé Biopreparat. Mais elles sont difficiles à manier : leur propagation est incontrôlable et elle peut donc toucher aussi l’assaillant.
La stratégie de l'inversion des rôles
En théorie, la crainte occidentale d'un recours à ces armes par la Russie n’a pas lieu d’être. L’usage de ces armes est strictement interdit par une Convention internationale de 1997 signée par quasiment toute la planète, 198 pays, dont la Russie. Et Moscou affirme avoir totalement détruit, à 100%, son stock d’armes sales, près de 40 000 tonnes datant de l’URSS. Mais dans la pratique, il y a des doutes, et pas seulement liés aux empoisonnements récents de Navalny et Skripal. Il y a aussi le recours avéré aux armes chimiques par le régime syrien de Bachar el Assad, régime couvert par Moscou.
Et il y a surtout cette affirmation troublante de la Russie, inversant les rôles, il y a quelques jours et accusant, dans l’autre sens, Kiev et Washington de développer des armes sales sur le sol ukrainien. Le fait est qu’il y a évidemment des laboratoires biologiques en Ukraine, comme dans de nombreux pays, a fortiori avec l’émergence de nouveaux virus comme le Covid-19. Mais cette affirmation, qui a conduit à une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU vendredi dernier, ressemble à ce que l’on appelle en anglais "a false flag". C’est en tous cas l’interprétation qu’en font les Etats-Unis. Accuser par avance l’ennemi d’une atrocité que vous vous apprêtez à commettre vous-même. En russe, on appelle cela la technique de la "maskirovka".
Un impact psychologique plus que miiltaire
Il faut préciser que l’intérêt strictement militaire de ces armes est assez faible. En soi, ça ne fait pas gagner une guerre ou conquérir une zone donnée. Mais le calcul est d’une autre nature : il s’agit de susciter de la peur. C’est un peu comme du terrorisme en fait. Un acte tabou, dont l’effet démultiplicateur sur les esprits peut être énorme.
Et comme la guerre tend à s’enliser un peu, que Moscou commence à reconnaître ne pas avoir atteint ses premiers buts de guerre, la tentation peut exister d’une fuite en avant, d’un engrenage dans l’horreur.
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