Haïti : malgré le plan d'urgence, le pays ne semble pas près de sortir du chaos

En Haïti, la situation est désormais qualifiée de "cataclysmique" par l'ONU. Avec plus de 1 500 morts depuis début 2024, un plan d'urgence devait notamment déployer des Casques bleus sur le territoire, mais la démission du gouvernement haïtien rend la situation trop incontrôlable.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Policier haïtien lors d'une manifestation commémorant l'anniversaire de la Constitution de 1987 et exigeant de la Communauté des Caraïbes de la respecter, le 29 mars 2024. (MENTOR DAVID LORENS / EFE/MAXPPP)

Dans son dernier rapport publié le 28 mars, le Haut-commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU décrit un État "au bord de l’effondrement". Depuis la démission du Premier ministre, le 12 mars 2024, qui était exigée par les gangs qui ont pris le contrôle du pays, la situation a encore empiré.

Rétablir l'ordre est devenu une urgence absolue et, pour y parvenir, la feuille de route du Conseil de sécurité de l’ONU est claire et parfaitement ficelée. Il faut procéder selon trois axes : nomination du Conseil présidentiel chargé de superviser la transition, déploiement d’une force multinationale de maintien de la paix, et mise en place d’un pont aérien pour soutenir les Haïtiens. Pour l’aide humanitaire, 130 millions d’euros ont été débloqués par les États-Unis. Sur la sécurité, le Kenya est censé coordonner les 2 500 Casque bleus, et sur le plan politique, les membres de la transition se sont engagés mercredi 27 mars "à rétablir l’ordre public".

Trois axes contrés par la situation explosive

Mais si sur le papier tout est sous contrôle, dans les faits, c’est tout l’inverse. Le document officialisant la création du Conseil présidentiel n’a toujours pas été publié. En interne, des négociations semblent déjà empêcher ce nouvel organe de transition d’avancer. Des désaccords persistent notamment sur l’identité du futur Premier ministre intérimaire.

Autre problème en vue, le déploiement de la force multinationale, qui est la pierre angulaire du plan de sortie de crise. Qui se chargera de maîtriser, de contenir la violence des gangs ? Qui se chargera de remobiliser les milliers d’officiers haïtiens qui ont abandonné leurs postes ? Sur le papier, le Kenya s’y était engagé, là encore, tout était signé. Le président kenyan William Ruto avait même ignoré une décision de justice interne et donné son feu vert. Mais William Ruto temporise désormais, par prudence, sous la pression des partis d’opposition et de la rue kenyane : "Je ne soutiens pas ce projet, explique une opposante. Nos policiers ne maîtrisent pas les techniques de combat. C’est notre police qu’ils veulent déployer, même pas nos militaires ou nos forces spéciales qui sont habituées à ces terrains-là. C’est comme si on les envoyait directement vers la tombe, comme si on leur demandait de se suicider."

Une police haïtienne bien seule

Quant au troisième axe du plan d’urgence pour Haïti, l’aide humanitaire, c'est le même constat. On est encore très loin de l’objectif. L’aéroport de Port-au-Prince est toujours fermé. Si la voie aérienne est impossible à sécuriser, même la voie maritime est compromise : la compagnie CMA-CGM vient de suspendre ses escales dans le port de Lafito. Avec les gangs qui contrôlent 80% de la capitale, impossible de faire entrer quoi que ce soit en Haïti, à part des armes, la seule "chaîne d’approvisionnement fiable", observe l’ONU dans son rapport. Ce trafic illégal permet aux gangs de disposer d’une puissance de feu très souvent supérieure à celle de la police haïtienne. Une police bien seule aujourd’hui pour répondre à l’urgence évoquée dans tous les discours officiels.

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