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L'Espagne rouvre le dossier de la mémoire du franquisme

De l'autre côté des Pyrénées, la question de la période franquiste reste un sujet très sensible. Et le gouvernement socialiste vient de dévoiler un projet de loi qui vise à rouvrir ce dossier mémoriel dans tous ses aspects.  

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une manifestation le 24 septembre 2019 devant la Cour suprême de Madrid, pour demander que "les criminels franquistes soient jugés". (JAVIER SORIANO / AFP)

Le texte dévoilé par le Premier ministre Pedro Sanchez s’intitule "Loi de mémoire démocratique". Il s’agit de se confronter à tous les abcès non réglés des périodes de la guerre civile espagnole entre 1936 et 1939, puis de la dictature franquiste de 1939 à 1975. 

Annonce la plus spectaculaire : l’ouverture des fosses communes. L’ancien juge Baltasar Garzon, aussi célèbre que controversé en Espagne, avait il y a quelques années estimé le nombre de personnes disparues à plus de 114 000. Et la plupart se trouvent sans doute dans des fosses communes. Très peu de corps ont été exhumés, à peine 10 000. Par manque de financement, et parce que les démarches sont compliquées. Le gouvernement promet donc de financer directement ces opérations, de faire établir une carte de toutes les fosses communes, et un fichier ADN des victimes portées disparues afin de procéder à l’identification avec certitude. C’est une demande de longue date des familles de disparus. Et Pedro Sanchez s’était engagé, dès son accession au pouvoir, à réhabiliter les victimes du franquisme.  

Plus de 100 000 personnes dans des fosses communes

Ce n’est pas la seule proposition de ce projet. Le texte comporte 66 articles. Et il avance plusieurs autres propositions clés: la création d’un parquet spécial pour enquêter sur les violations des droits de l’homme commises entre 1936 et 1975 ;   l'annulation des condamnations prononcées lors de procès sommaires pendant cette période, donc la réhabilitation d’un certain nombre de victimes ; la révision des programmes scolaires d’histoire et l’interdiction de l’apologie de la dictature, sous peine d’amendes ; la dissolution de la Fondation Franco, qui continue de défendre la mémoire du régime, et reste présidée par un descendant du dictateur ; la transformation en centre mémoriel du site de Valle de Los Caidos qui jusqu’à l’an dernier abritait la dépouille de Franco dans un mausolée à sa gloire.

Une société toujours divisée

Bref, le gouvernement socialiste entend expurger toutes les facettes de la période franquiste. Sauf que c’est loin de faire l’unanimité: l’opposition de droite et plus encore d’extrême droite est vent debout. L’opposition y voit d’abord une manœuvre politicienne du gouvernement, une façon de détourner l’attention du sujet principal, à savoir la mauvaise gestion de l’épidémie de Covid-19. 

Mais plus largement, le sujet du franquisme continue de diviser la société espagnole. Toute une partie de la droite accuse le pouvoir socialiste de chercher à "raviver les plaies du passé". Quant au mouvement d’extrême droite Vox, qui revendique l’héritage franquiste, il voit dans ce nouveau texte "un instrument de persécution politique". Le parcours législatif de ce projet de loi ne fait que commencer. Vous avez compris que les débats s’annoncent houleux.  

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