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La paix avance dans la Corne de l’Afrique

Tous les jours, "Un monde d’avance" donne un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée sous les radars. Aujourd’hui, direction l’est de l’Afrique, où la paix progresse à grands pas, où cela est suffisamment rare pour être souligné.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des Éthiopiens célébrant la réouverture entre l'Éthiopie et l’Érythrée lors d'une cérémonie organisée à cette occasion, le 11 septembre 2018. (STRINGER / AFP)

On dit souvent que la paix se construit lentement. En voici un contre-exemple : en l’espace de quatre mois, deux frères ennemis, l’Éthiopie et l’Érythrée viennent de se réconcilier.
Le dernier épisode en date est le plus symbolique : il s'agit de la réouverture, avant-hier soir, de deux postes frontières entre les deux pays. Ils étaient fermés depuis plus de 20 ans !
Le Premier ministre éthiopien et le président érythréen ont inauguré ensemble les deux postes frontières. Les sacs de sable et les fils de fer barbelés ont été enlevés et la circulation routière est désormais possible par ces deux axes.

Des tensions et une "guerre froide" pour les deux voisins

Nous sommes dans l’est de l’Afrique, une région instable depuis plusieurs décennies. D’un côté l’Éthiopie, et ses 100 millions d’habitants, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. De l’autre le petit Érythrée, seulement 4 millions d’habitants, un pays totalement refermé sur lui-même, une dictature coupée du monde.

C’est peut-être la fin de tensions vieilles de 60 ans. Les origines de ces tensions datent de 1962 : l’éthiopien Sélassié annexe l’Érythrée. Aussitôt, un mouvement indépendantiste voit le jour. La guerre civile dure 30 ans et s’achève par l’indépendance de l’Érythrée en 1993. Les deux pays se disputent ensuite une bande désertique : la querelle fait 80 000 morts à la fin des années 1990.
C'est alors une sorte de guerre froide qui se déroule avec des escarmouches entre les deux armées.

Abiy Ahmed, instigateur de la réconciliation entre les deux pays

Un homme a joué un rôle clé dans cette réconciliation express : le Premier ministre Éthiopien Abiy Ahmed, 42 ans.
Arrivé au pouvoir en avril, il bouscule les habitudes, notamment sur ce sujet de l'Érythrée. En quelques semaines, les ambassades respectives ont été rouvertes, les lignes téléphoniques et les liaisons aériennes rétablies entre les deux pays. Des drapeaux érythréens ont même pu être brandis en Éthiopie.
Le tout jusqu’à cette réouverture de la frontière terrestre de ce 11 septembre 2018 historique.

Une paix aux retombées économiques, politiques et migratoires importantes

Un tel volontarisme politique est rare, même s'il est également dicté par des intérêts économiques. 
Même si il est dicté aussi par des intérêts économiques. L’Éthiopie qui connaît la plus forte croissance d’Afrique cherche des débouchés commerciaux et l’accès aux ports érythréens sur la mer Rouge pourrait l'aider à assurer ce développement. De son côté, l’Érythrée, devenue totalement exsangue économiquement, peut espérer sortir la tête de l’eau.

Cette réconciliation a des intérêts et un impact qui vont bien au-delà de ces deux pays, il y a un symbole pour tout l’est de l’Afrique. Pour le Soudan, pour la Somalie, autant de pays ravagés par la guerre. Il y a ensuite des "parrains" étrangers qui surveillent l’affaire avec intérêt : l’Arabie Saoudite soutient cette initiative. C’est une façon pour elle de contrôler le Yémen qui se situe juste de l’autre côté de la mer Rouge avec qui elle est en guerre. La Chine, qui est déjà le 1er investisseur étranger en Ethiopie, avec pas moins de 700 projets dans le pays, est elle aussi attentive à ce rapprochement. Enfin, il pourrait aussi y avoir un impact sur les flux migratoires vers l’Europe : de nombreux réfugiés fuient cette région d’Afrique.
Si la paix s’y installe, ce sera donc une bonne nouvelle pour beaucoup de monde.

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