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Les eaux de Fukushima empoisonnent les relations entre le Japon et la Chine et cachent des tensions plus politiques

Le 24 août dernier, le gouvernement japonais décidait de rejeter au large de ses côtes les eaux traitées de la centrale nucléaire de Fukushima. Une opération sans risque selon les experts scientifiques, validée même par l’Agence de l’ONU pour l’énergie atomique. Mais ces précautions ne suffisent pas aujourd’hui à rassurer les pays voisins, à commencer par la Chine.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Manifestation à Hong Kong contre le rejet des eaux radioactives traitées à Fukushima, 23/08/2023 (DANIEL CENG/EFE/Newscom/ MaxPPP)

Depuis le 24 août, les eaux usées de la centrale de Fukushima ont commencé à se mêler aux vagues du Pacifique. Pour comprendre en quoi Pékin se sent concernée par le rejet de ces eaux de Fukushima, il faut se pencher sur une carte des courants maritimes. Pour toucher les côtes chinoises, cette micro pollution doit dans un premier temps parcourir près de 8 000 kilomètres depuis le Japon en direction des États-Unis, traverser tout le Pacifique Nord, pour ensuite faire une boucle et revenir par le biais de deux courants chauds frôler les plages chinoises.

>> Fukushima : trois questions sur le rejet en mer des eaux contaminées qui vient de commencer et doit durer des décennies

Pékin a très vite évoqué un "acte extrêmement irresponsable et égoïste" qui transmettra "une blessure ouverte aux générations futures de l’Humanité". Selon l’Agence de l’ONU pour l’énergie atomique (AIEA), on parle d’une quantité "négligeable" de tritium relâchée dans l’océan, sept à huit fois inférieure à la quantité pouvant présenter des risques pour la santé.

Un harcèlement à distance sur la population de Fukushima

Mais si le risque est apparemment presque nul, Pékin ne lâche rien et la tension est même montée d’un cran. On ne parle même plus de tensions diplomatiques, mais de harcèlement à grande échelle.  Depuis ce week-end, les habitants, commerçants, restaurateurs de Fukushima reçoivent des milliers d’appels téléphoniques, de mails insultants en provenance de Chine. Pour preuves ces témoignages recueillis par la chaine de télévision japonaise NHK, où une femme visiblement à bout de nerfs dit avoir reçu 30 appels à son domicile en quelques heures. C'est plus d’une centaine pour une deuxième personne dont le téléphone sonne pendant qu’elle témoigne en direct à la télévision.

Un boycott plus politique qu'il n'y paraît

Cet acharnement est visiblement orchestré depuis la Chine. Dès jeudi dernier, préoccupée par la santé de ses consommateurs, Pékin a décidé d’interdire totalement les importations de poissons et de fruits de mer en provenance du Japon. Si l’essentiel des exportations japonaises sont destinées au marché intérieur, la Chine reste le premier client du Japon dans ce secteur. Une sanction commerciale plutôt lourde compte tenu de la faiblesse du risque sanitaire.

La vraie raison est que Pékin condamne surtout l’alignement du Japon sur les États-Unis, la volonté par exemple de remilitariser le territoire nippon, d’accueillir à moyen terme un bureau de l’OTAN... Tous ces projets en cours de réflexion ne plaisent évidemment pas à la Chine. Et elle ne laissera désormais rien passer à tous les voisins qui ont ont choisi de consolider leur alliance avec les Etats Unis.

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