Pessimisme à l'Élysée après un nouvel échange entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine
Les deux chefs d'État se sont une nouvelle fois appelés jeudi. Et l'Élysée en est ressorti persuadé que Vladimir Poutine veut désormais conquérir la totalité du territoire ukrainien.
Le coup de téléphone, à la mi-journée, a duré 1h30, jeudi 3 mars. Et c’est Vladimir Poutine qui a appelé. Dit comme ça, ça pourrait rendre optimiste. D’autant que les deux hommes, nous certifie l'Élysée, continuent de se tutoyer, par interprètes interposés. D’ailleurs, la veille, lors de son allocution, le président français avait assumé sa décision de continuer à parler avec son homologue russe. Maintenir le fil du dialogue. Dont acte. Et c'est le 13e échange entre les deux hommes depuis mi-décembre. Mais tout ce que l’on sait de ce coup de téléphone montre que c’est un dialogue de sourds.
Vladimir Poutine a répété vouloir aller, selon l'Élysée, "jusqu'au bout". Il a affirmé que les opérations militaires russes se déroulaient "selon le plan prévu". Il a accusé les Ukrainiens de crime de guerre, et réitéré son discours habituel : nous sommes là pour "dénazifier l'Ukraine", les Occidentaux sont responsables. Il veut bien négocier mais à ses conditions uniquement. En face, Emmanuel Macron lui a répondu qu’il commettait une erreur grave sur la nature du régime ukrainien, que les sanctions allaient s’accroître, que la Russie allait être de plus en plus isolée et affaiblie. Et que les conditions de négociation de Moscou étaient inacceptables. Et le plus surréaliste dans tout ça, c’est que le tout se déroule via le tutoiement. Cela donne par exemple, toujours selon l'Élysée : "Vladimir, tu te racontes des histoires en parlant de dénazification, tu cherches un prétexte".
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Résultat des courses, le président français est donc sorti pessimiste de cet entretien. À l'Élysée, comme au Quai d’Orsay, on estime désormais clairement que "le pire est peut-être à venir". L'Élysée pense également que l'objectif de Vladimir Poutine est désormais de conquérir la totalité du territoire ukrainien. Soit 600 000 km2, un peu plus que la superficie de la France. L'hypothèse, un temps envisagée d’un objectif plus modeste (contrôler uniquement l'Est du pays, en élargissant le périmètre des zones séparatistes du Donbass à la frontière russe), cette intention initiale prêtée à Poutine est largement dépassée. Et cette analyse repose très simplement sur un fait objectif : l’offensive russe vient de tous les côtés, par le Nord direction Kharkiv et Kiev, par l'Est via le Donbass, par le Sud et la Crimée, direction Marioupol d’un côté, potentiellement Odessa de l'autre. L'hypothèse de débarquement par la voie navale, au Sud en mer Noire, est plausible. Puisque quatre navires de débarquement ont été recensés dans la zone. Le scénario du pire, c’est aussi le recours potentiel à des armes sales. Et on ne peut pas s'empêcher de penser également à l’énorme danger lié au sarcophage de la centrale nucléaire de Tchernobyl au Nord de Kiev.
L'Ukraine zone tampon selon Poutine
Ce scénario d’une volonté de conquête totale de l'Ukraine n'est pas une surprise. Vladimir Poutine, sur ce point, fait ce qu’il a dit. Il considère l'Ukraine comme une terre russe, qu'il faut donc "dénazifier" et démilitariser. C’est, Emmanuel Macron l'a dit mercredi et il avait raison, une révision de l’Histoire, puisque l'Ukraine a connu de multiples influences au fil des siècles, pas seulement russe. Et que la volonté d’indépendance remonte à deux siècles au moins. Mais Poutine est dans un esprit de conquête. Et pour lui l'Ukraine c’est sa "profondeur stratégique", une sorte de zone tampon pour protéger la Russie de l’Occident. C’est en tout cas l’idée qu’il vend à la population russe. Donc ce n’est pas une surprise.
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