Yémen : le piratage filmé d'un navire commercial en pleine mer Rouge veut faire peser les Houthis dans l'alliance contre Israël

Dimanche a eu lieu une scène assez stupéfiante, le piratage en pleine mer Rouge d’un navire commercial par un commando de rebelles houthis. Cette action militaire d’une grande précision est revendiquée par l’organisation comme des représailles à la guerre menée par Israël contre le Hamas.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les Houthis ont saisi le cargo Galaxy Leader transitant par la mer Rouge, après avoir menacé de cibler tous les navires détenus ou exploités par des sociétés israéliennes. Photo émise le 20 novembre 2023 par le centre des médias houthis. (HOUTHIS MEDIA CENTER / HANDOUT / MAXPPP)

Une action commando, documentée comme une opération de communication, a été menée dimanche 19 novembre, par des combattants houthis contre un navire commercial dans la mer Rouge. L'équipage a été fait prisonnier et le bâtiment a été détourné vers la côte yéménite. Il s'agit selon l'état-major, qui opère depuis le sud du Yémen, de représailles contre la guerre menée par Israël contre le Hamas.

Des caméras partout

Avec des micros caméras fixées partout, sous le ventre de l’hélicoptère qui survole le navire avant de s'y poser en douceur, tout près de la passerelle de navigation. Des caméras sur les casques des soldats filment ensuite comment les assaillants menacent les 22 membres de l’équipage, bulgares et philippins, et les font prisonniers sans le moindre coup de feu. Puis ils annoncent par transmission radio depuis la salle des machines le succès de l’opération. Ainsi est montré l’arraisonnage d’un bâtiment de flotte commerciale, opéré par une entreprise japonaise mais propriété d'une société britannique, appartenant à un homme d’affaire israélien.

Le Japon, les États-Unis, Israël condamnent aujourd’hui la saisie de ce navire, mais aucun doute que, seul, Israël est visé dans cette histoire. C'est ce que confirme la revendication immédiate, depuis le Yémen, du haut commandement de la rébellion houthie : "Avec l’aide de Dieu tout puissant, les forces navales de l’armée ont mené une opération militaire en mer Rouge, dont le résultat est la saisie d’un navire israélien et son transfert vers un port yéménite."

L'Iran et l'axe chiite

Il y a quelques semaines, une salve de missiles ballistiques a été tirée par la rébellion houthie depuis le Yémen, en direction de la ville d’Eilat, au sud d’Israël, et interceptée par un destroyer américain. Ces tirs couvrant potentiellement près de 2 000 kilomètres sont considérés par les experts comme une prouesse technologique et sont probablement de fabrication iranienne.

La rébellion houthie, groupe armé chiite qui s’est professionnalisé dans le conflit au Yémen, est une organisation qui n’a cessé de grandir militairement depuis 2015 et son entrée en rébellion contre les forces loyalistes yémenites. Cette guerre toujours en cours a vu les Houthis parvenir à conquérir la capitale Sanaa en 2014. Et le port stratégique d’Hodeïda, situé tout près du lieu de piratage, se trouve dans le détroit de Bab El Mandeb. Tout cela se faisant, c’est officiel, grâce à l’appui financier et militaire de l’Iran.

Un poids accru dans leurs revendications au Yémen

Ainsi, tous les observateurs parlent aujourd’hui des Houthis comme des relais de l’Iran. Au même titre que le Hezbollah, le Hamas, ou des milices pro iraniennes, plus confidentielles mais très actives en Irak et en Syrie, où elles ont attaqué plusieurs bases américaines, les Houthis sont aujourd’hui presque structurés comme une armée professionnelle. Fin octobre, le défilé des forces armées houthies dans les rues de Sanaa l’a d’ailleurs prouvé. Du matériel dernier cri, des blindés, des drones, des missiles longue portée "Toofan", de fabrication iranienne, et surtout 30 000 hommes.

D'après des analystes en stratégie, les Houthis cherchent surtout à renforcer leur position dans les pourparlers de paix avec l’Arabie Saoudite, qui soutient le gouvernement officiellement reconnu du Yémen. Mais les opérations actuelles consistent aussi à montrer leur poids et à informer les Israéliens et les Occidentaux que l’Iran et ses alliés ont les moyens d’atteindre le sud d’Israël tout en contrôlant la mer Rouge.

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