Ce que l'on sait de la vente en France d’œufs contaminés à l'insecticide fipronil
Cinq entreprises françaises "ont reçu des oeufs contaminés" au fipronil provenant des Pays-Bas et de Belgique, a indiqué le ministère de l'Agriculture.
Après les Pays-Bas, l'Allemagne ou la Suède, la France est, elle aussi, touchée par l'affaire des œufs contaminés à l'insecticide fipronil. Cinq établissements d’ovoproduits "ont reçu des œufs contaminés en provenance des Pays-Bas et de la Belgique", annonce un communiqué du ministère de l'Agriculture, publié mardi 8 août. Un élevage du Pas-de-Calais a également "été placé sous surveillance", selon le ministère.
Comment des œufs contaminés ont-ils pu se retrouver en France ? Qui sont les établissements concernés et quels sont les risques pour les consommateurs? Franceinfo revient sur les dernières informations concernant cette contamination.
D'où viennent les œufs contaminés ?
Ces œufs ont été importés des Pays-Bas, où 180 élevages de volailles "ont été bloqués en raison de la présence suspectée de fipronil due à l'utilisation possible de l'antiparasitaire DEGA 16 dans ces élevages", explique le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.
La société néerlandaise ChickFriend, spécialisée dans la désinfection d'élevages, est visée. Les exploitations touchées affirment que la substance a été introduite lors d'un traitement effectué par ChickFriend contre le pou rouge, un parasite très néfaste pour les poules pondeuses. Selon les médias belges et néerlandais, ChickFriend aurait acheté son produit auprès de la société Poultry-Vision, dans le nord de la Belgique. D'après Le Monde, les enquêtes ouvertes en Belgique et aux Pays-Bas se penchent aussi sur une entreprise en Roumanie qui compte parmi les fournisseurs de Poultry-Vision.
C'est quoi le fipronil ?
Le fipronil est un biocide destiné à détruire des organismes nuisibles. Synthétisé par le groupe français Rhône-Poulenc, il est commercialisé en 1993. Cet antiparasitaire est couramment utilisé dans des produits vétérinaires destinés aux animaux de compagnie. Il permet de lutter contre les puces, les poux, les tiques et les acariens.
Accusé de provoquer une surmortalité des abeilles, l'usage du fipronil contre les insectes ravageurs de récoltes est interdit en agriculture depuis 2004 en France, ainsi que dans la plupart des pays européens.
Son utilisation est aussi strictement interdite sur les animaux destinés à la chaîne alimentaire dans l'Union européenne, dont les poules pondeuses. Cette molécule insecticide est jugée "modérément toxique" pour l'homme, selon l'Organisation mondiale de la santé (lien en anglais).
Quels autres pays ont été touchés ?
Au total, sept pays européens sont pour l'instant touchés. La Belgique est le premier pays de l'Union européenne à notifier le 20 juillet la Commission européenne, via le système d'alerte mis en place pour prévenir les risques sur la santé des consommateurs européens. Les Pays-Bas suivent le 26 juillet, puis l'Allemagne le 31 juillet.
Ce n'est que début août que les autorités nationales commencent à communiquer auprès du public. Les chaînes de supermarchés concernées en Allemagne, aux Pays-Bas, et dans une moindre mesure en Belgique, se sont débarrassés de plusieurs millions d'œufs la semaine dernière. Aux Pays-Bas, 300 000 poules ont déjà été abattues. A terme, un à plusieurs millions de poules pourraient être tuées, annonce Le Figaro.
Les Pays-Bays ont fait savoir que des œufs contaminés avaient aussi été livrés en Suède et en Suisse. L'Allemagne a, quant à elle, précisé que des lots ont aussi été distribués en France et au Royaume-Uni. D'autres pays européens tels que l'Autriche, la Pologne, le Portugal, la Bulgarie et la Roumanie ont assuré procéder à des analyses par mesure de précaution.
Pourquoi la Belgique a-t-elle mis tant de temps à notifier ses voisins ?
L'Agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) avait connaissance depuis juin d'un "problème de fipronil dans le secteur avicole". Dès le mois de juillet, elle entreprend de faire retirer des œufs de certains supermarchés, en toute discrétion. Mais Bruxelles a attendu le 20 juillet pour enclencher le système d'alerte européen.
L'Afsca a mis en avant le "secret de l'instruction" pour justifier sa discrétion, une explication que n'a pas avalée le ministre de l'Agriculture belge, Denis Ducarme. "Ce n'est pas un argument : c'est la protection du consommateur qui doit prévaloir, et le principe de précaution", a-t-il tonné lundi sur la radio publique La Première. Face aux demandes d'explication de son homologue allemand, il s'est engagé à "faire la transparence la plus complète" et a commandé un "rapport circonstancié" sous 48 heures à l'Afsca.
Quels établissements ont été touchés en France ?
Selon un premier communiqué du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, publié lundi 7 août, "treize lots d’œufs contaminés en provenance des Pays-Bas ont été livrés à deux établissements de fabrication d’ovoproduits" de la Vienne et du Maine-et-Loire, entre le 11 et le 26 juillet. Ces entreprises fabriquent des produits à base d'œufs (ils enlèvent la coquille et la membrane de l'œuf), qui entrent ensuite dans la fabrication de plats cuisinés ou de gâteaux industriels, notamment. Selon la sous-directrice de la sécurité sanitaire des aliments Fany Molin, interrogée par Le Parisien, "le premier établissement a reçu 30 000 œufs et le second, 200 tonnes".
Le premier établissement d'ovoproduits est Igreca, basé à Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire). Dans un communiqué, son codirigeant Ludovic Justeau a assuré avoir "identifié les lots de produits finis fabriqués à partir des matières premières concernées." Il a précisé que "les meilleures dispositions sont prises. Nous travaillons en lien étroit avec les parties prenantes et les autorités, ainsi que nos fournisseurs et les clients, pour régler au plus vite et au mieux cette situation".
Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a aussi précisé qu'un élevage du Pas-de-Calais "a été placé sous surveillance immédiatement après le signalement par l'éleveur" de l'utilisation de fipronil par son fournisseur belge.
Il a par la suite ajouté, mardi 8 août, que trois autres établissements, situés dans le Pas-de-Calais, le Nord et le Morbihan, étaient concernés. "L’ensemble des produits encore présents dans ces établissements a été bloqué", précise le ministère.
Comment savoir si j'ai acheté des œufs contaminés ?
Pour l'instant, aucun œuf contaminé ne semble avoir été directement mis en vente dans les supermarchés en France. Le ministère affirme que "les autorités françaises n'ont pas, à ce jour, d'informations de contamination d’œufs en coquille et de viande destinés à la consommation".
Et qu'en est-il des œufs livrés aux deux entreprises de fabrication d'ovoproduits, dans l'ouest de la France ? Selon Fany Molin, citée dans Le Parisien, les établissements "ont stoppé l'utilisation de ces œufs et sont en train de mener une enquête de traçabilité pour identifier les produits concernés, leur destination et si des produits utilisant des œufs contaminés ont déjà été commercialisés".
"C'est une enquête de très grande ampleur, assez compliquée, reconnaît Fany Molin dans Le Parisien. Les établissements de transformation ont plusieurs fournisseurs, plusieurs recettes de plats ou pâtisseries à base d'œufs et plusieurs circuits de commercialisation", prévient-elle.
Quel est le risque si j'en consomme ?
Pour l'instant, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation se veut rassurant quant aux risques pour les consommateurs. "La présence de traces de fipronil ne constitue pas, en soi, un risque, assure son communiqué. Seules les analyses engagées permettront de déterminer si le niveau de contamination de ces produits est susceptible de présenter un risque pour la consommation." "Il peut y avoir un risque à moyen ou long terme si l'on consomme régulièrement des produits ayant un niveau important de fipronil, explique Fany Molin dans Le Parisien. Mais il n'y a pas de risque de s'empoisonner en mangeant une brioche qui en contiendrait des traces."
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