Incas, bobos et voyage dans l'espace : les coulisses du quinoa, l'ingrédient qui fait recette chez Jean-Luc Mélenchon
Le chantre de la "France insoumise", candidat à la présidence de la République, a vanté les mérites de cette plante dans une interview à "Gala".
Pour commencer une campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a une recette secrète : le taboulé de quinoa. L'ancien leader du Front de gauche a démontré ses talents de cuisinier face à la caméra de Gala, dans une vidéo publiée vendredi 2 septembre. "Des cubes d'avocat, des petits bouts de tomate, de concombre et de crevettes" et le tour est joué : "[Cette salade] a joué un grand rôle pour moi, cet été, et elle m'a aidé à adopter une sorte de régime végétarien. Ça me permet de revenir au meilleur poids pour moi."
Un leader politique dans un magazine people pour parler cuisine, forcément, ça interpelle. "Un triomphe, se réjouit même le candidat sur son blog face aux reprises médiatiques. Tout le monde a eu écho (...) de ce que j'ai dit sur la nécessité de réduire la consommation de produits carnés."
Un vieil aliment désormais dans l'espace
Jean-Luc Mélenchon le confesse : il est "en retard" sur le quinoa. L'homme politique n'est pas tout à fait has-been, mais quand même. La plante est devenue tendance ces dernières années, la star des gastronomes bobos et hispsters, à tel point que l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture a fait de 2013 l'année internationale du quinoa. Comme l'explique le site créé pour l'occasion, la plante n'est pas toute jeune : originaire des alentours du lac Titicaca, elle aurait été domestiquée par les peuples d'Amérique du Sud entre 3 000 et 5 000 ans avant Jésus-Christ et sa culture a été développée sur tout le territoire des Incas.
Pour que le quinoa devienne hype en Europe et outre-Atlantique, il a fallu attendre ces dix dernières années. Le temps que le bien-manger devienne la nouvelle obsession, avec l'explosion des "super-aliments", censés améliorer notre santé. De ce point de vue, le quinoa a de sacrés arguments. La plante a même été repérée par la Nasa en 1993, à l'occasion de recherches pour une éventuelle mission humaine de long-terme dans l'espace. "Pour cette mission, l'équipage aura besoin d'un régime nutrionellement équilibré", écrit l'agence spatiale dans une note technique (PDF en anglais). Et pour partir pour Mars ou d'autres horizons, le quinoa semble une solution toute trouvée : "Elle a une haute teneur en protéine et une composition unique en acides aminés." On en mange désormais dans la Station spatiale internationale.
Un engouement néfaste ?
Sur Terre, la consommation de quinoa a rapidement explosé. Entre 2011 et 2015, les importations des Etats-Unis ont presque doublé, celles de la France ont augmenté de 29%, à en croire les statistiques du Centre du commerce international (en anglais), agence conjointe de l'Organisation mondiale du commerce et des Nations unies. Une croissance trop rapide ? "Il vaudrait mieux que le quinoa ne soit pas trop vite ni trop demandé par les consommateurs des pays riches, s'inquiète Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Car sinon, l’envolée du prix de ce végétal, s’il profiterait aux paysans qui le cultivent, mettrait le quinoa hors de portée des paysans qui le mangent sur place."
Des inquiétudes sur les prix abondamment relayées par la presse ces dernières années. Dès 2011, le New York Times (en anglais) donne la parole à un nutritionniste bolivien. Selon lui, des études montrent que la malnutrition chronique des enfants a augmenté dans les zones de production de la plante. "J'adore le quinoa, mais je ne peux plus me permettre d'en acheter maintenant, explique, par exemple, au journal un vendeur de rue dans un bidonville autour de la capitale administrative bolivienne, La Paz. Je le vois sur les marchés et je fais demi-tour." Interrogées, les autorités ont une autre explication. "C'est une question de culture autour de la nourriture, répond un responsable du ministère de l'Agriculture. Si vous donnez aux enfants de l'eau bouillie, du sucre et de la farine de quinoa dans une boisson, ils préfèrent du Coca-Cola."
Du quinoa made in Anjou
En réalité, à en croire une étude (en anglais) du Centre du commerce international datant de mai, la hausse du prix du quinoa a amélioré les conditions de vie des communautés rurales pauvres du Pérou, précise le Guardian (en anglais) : la valeur des biens et services consommés par ces foyers aurait bondi de 46% entre 2004 et 2013. La culture du quinoa serait également une bonne nouvelle pour la condition des femmes dans le pays, puisque, selon des chiffres gouvernementaux cités par le quotidien britannique, 40% des producteurs de quinoa au Pérou sont des productrices.
Mais tout n'est pas si merveilleux dans le monde du quinoa. En consommer est certes bon, mais ce n'est pas forcément génial pour l'environnement. Le commerce florissant s'est accompagné d'une réduction de la diversité des plantes. Une vingtaine de variétés seulement ont les faveurs des consommateurs, avec des grains plutôt larges et de couleur claire, explique le Guardian. Surtout, le quinoa traverse souvent l'océan Atlantique avant d'arriver dans nos assiettes, puisque le Pérou et la Bolivie représentent toujours près de 80% de ce marché. Pas de quoi limiter son empreinte carbone. Heureusement pour les amateurs, une production s'est mise en place en France, notamment en Anjou. "Il existe une production française de quinoa", salue Jean-Luc Mélenchon. Qu'on se rassure, c'est celle qu'il consomme.
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