Le régime sans gluten est-il sans risque ?
Produits sans gluten, restaurant sans gluten, magasin sans gluten… Le « sans gluten » - absent de notre vie quotidienne il y a encore quelques années - est désormais visible partout.
Mais qui doit réellement suivre un régime sans gluten ?
« On assiste à une « mode » du régime sans gluten, qui sème le trouble dans l’esprit du grand public » regrette Nadine Cerf-Bensussan, directrice de recherche à l’Inserm. « Il faut bien distinguer deux pathologies où le rôle du gluten ou du blé est prouvé et bien compris. Ce sont la maladie coeliaque et l’allergie au blé. Ces maladies peuvent être diagnostiquées grâce à des tests sérologiques fiables. La maladie coeliaque doit être traitée par un régime sans gluten très strict et l’allergie au blé doit être traitée par un régime sans blé », poursuit la chercheuse.
A côté de ces entités médicales bien caractérisées, l'hypersensibilité au gluten reste une entité dont la réalité et les mécanismes restent mal compris mais qui conduit aujourd'hui de nombreuse spersonnes à adopetr un régime pauvre ou sans gluten sans que le bénéfice excat de ce régime puisse être facilement cerné.
Distinguer maladie coeliaque et hypersensibilité
Il faut en effet bien distinguer :
- La maladie coeliaque
Elle concerne en France environ 0,5% de la population, soit environ 330 000 personnes.
Elle peut être diagnostiquée par un simple test sérologique prescrit par un médecin traitant. « Elle est facilement détectable dans les formes classiques avec par exemple un retard de croissance chez l’enfant, un amaigrissement et des diarrhées chez l'adulte, note Nadine Cerf-Bensussan, directrice de recherche à l’Inserm, mais il existe des formes frustres avec des symptômes moins connus que les troubles digestifs comme une anémie, des problèmes de fertilité, des douleurs articulaires… Ces cas-là sont mal diagnostiqués ».
Les conséquences pour des malades non traités peuvent être graves : déminéralisation osseuse, apparition d'autres maladies auto-immunes (diabète, cancer), voire de cancer.
Les patients souffrant de cette maladie doivent donc suivre un régime très strict sans gluten. « Dans ce cas, attention au supermarché en achetant des produits sans gluten. Le marketing peut être trompeur, alerte Nadine Cerf-Bensussan. Il ne faut acheter que les produits qui affichent le logo afdiag ».
- L’allergie au blé
Cette allergie aux protéines de blé existe chez les enfants (chez qui elle est transitoire) et chez les adultes. Exposés au blé, les adultes peuvent souffrir d’un œdème de Quincke. Cette allergie peut être détectée par un test sérologique. Un régime sans blé est alors prescrit.
Pas de test fiable pour l'intolérance au gluten
- L’hypersensiblité non coeliaque au gluten ou « intolérance » au gluten
« Il n’existe pas de test objectif pour mesurer cette intolérance » explique Nadine Cerf-Bensussan. Et ceux qui sont parfois proposés aux patients ne sont pas pertinents ».
Cette intolérance se traduit pas des troubles intestinaux (douleurs abdominales, troubles du transit, flatulences etc.) mais aussi par de la fatigue, des maux de tête… « A l’heure actuelle, on connaît mal les mécanismes chez des patients non coeliaques", reconnaît la chercheuse. C'est pourquoi, "il n'existe pas de test objectif pour mesurer cette hypersensibilité. Et ceux qui sont parfois proposés aux patients ne sont pas pertinents. Ce qui est important est - si vous vous pensez intolérants au gluten - est de ne pas commencer un régime sans gluten sans avoir écarté une vraie maladie coeliaque : si vous souffrez de cette maladie et que le test se fait alors que vous suivez un régime sans gluten, il ne sera pas fiable !," prévient la spécialiste.
De plus en plus de personnes intolérantes ?
Le nombre de personnes souffrant d’intolérance au gluten est-il en hausse ?
« C’est impossible à dire, remarque Nadine Cerf-Bensussan. Nous ne disposons pas de données car il n’existe pas de test diagnostic. Des hypothèses circulent sur les causes d’une possible hausse de ces personnes. Parmi elles, un changement du blé induit par la sélection de souches donnant un meilleur rendement. Cette hypothèse est étudiée actuellement dans un programme à l’Institut National de la recherche Agronomique. Une autre hypothèse porte sur la durée de pétrissage de la farine de blé. Cette étape serait aujourd’hui raccourcie, ce qui modifierait le fermentation et donc la présence de gluten. Cette hypothèse n’est pas non plus confirmée » conclut la directrice de recherche.
Pas de carences en cas de régime sans gluten...
Dans tous les cas, « il n’y a pas de risque à suivre un régime sans gluten même si on n’est pas malade, explique Nadine Cerf-Bensussan. Cela ne va pas entraîner de carences. Cela va entraîner une alimentation plus saine car le gluten est très présent dans les aliments transformés où il est utilisé comme liant. Il y a du gluten dans le pain, les pâtisseries, les pizzas etc… Il n’y en a pas dans les fruits, les légumes, les viandes, les poissons !
... mais attention aux apports en lipides et sucres !
Donc un régime sans gluten est sain, mais attention toutefois aux pièges de certains produits sans-gluten, avertit Nadine Cerf-Bensussan, Le défaut de texture lié à l’absence de gluten est parfois compensé par un apport excessif en lipides et sucre. Donc il faut se méfier de l’apport calorique de ces produits sans gluten, en particulier pour les personnes diabétiques.
A l’occasion du congrès sur la maladie coeliaque et les pathologies associées au gluten qui se tient du 5 au 7 septembre à Paris congrès, des experts du monde entier feront le point sur les mécanismes, les nouveaux moyens diagnostics et les nouvelles possibilités thérapeutiques qui pourraient remplacer le régime sans gluten. En marge du congrès réservé aux professionnels, un après-midi informatif intitulé « Le régime sans gluten : pour qui ? pour quoi ? » à destination du grand public, est organisé le samedi 7 septembre 2019 de 14h00 à 17h30, en collaboration avec l'Association Française des Intolérants AuGluten (AFDIAG) au Marriot Rive Gauche à Paris.
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