Loi alimentation : des espoirs déçus pour de nombreux députés
Le projet de loi Agriculture et alimentation, qui sera soumis au vote des députés le 30 mai prochain, a vu une partie des espoirs qu'il portait déçus par le rejet, dimanche dernier, des amendements visant à limiter voire interdire toute publicité, à destination des enfants, pour les aliments jugés trop gras, trop salés ou trop sucrés, et à imposer l'application du logo nutritionnel Nutri-score aux industriels.
Préserver l'équilibre économique des chaînes de télévision
Anne-Laurence Petel, députée La République en marche (LERM) qui défendait un des amendements rejeté par une majorité de députés, avait pourtant souligné qu'"en France, un enfant sur six est en surpoids" et pointé le "coût pour la société" de l'obésité. "Les industriels usent à l'envi des codes de l'enfance" pour "influencer" les enfants", avait-elle affirmé, évoquant les "nounours" ou autres "bonbons transformés en personnages de BD".
Guillaume Garot, député de la Mayenne, ancien ministre socialiste délégué à l’agroalimentaire (2012-2014) et président du Conseil national de l’alimentation, joint par la rédaction d'Allodocteurs.fr, a, quant à lui, regretté que " le ministre [de l’agriculture, Stéphane Travert, NDLR] [ait] indiqué que cela remettrait en cause l’équilibre économique des chaînes de télévision". Selon lui, "il est tout à fait possible de ménager les recettes publicitaires des chaînes de télévision, mais uniquement pour les produits favorables à la santé, c’es-à-dire répondant aux prescriptions du Programme national nutrition santé " (PNNS). Cette mesure constituerait "un levier efficace pour une transformation continue vers une meilleure qualité alimentaire".
Le député européen Europe-écologie-les-Verts (EELV), Yannick Jadot a, quant à lui, dénoncé, ce lundi, une victoire des lobbies sur ce projet de loi, qualifiant le ministre de l'Agriculture de "prince des lobbies". Selon lui, "Il est très clair que, sur ces questions d'agriculture, de santé, de l'alimentation (...) c'est le lobby de la malbouffe qui a gagné", a-t-il déclaré sur la Chaîne parlementaire.
Réagissant à la déclaration de Cendra Motin, députée LREM qui avait insisté, dimanche dernier, sur "la responsabilisation des parents" plutôt que sur le besoin de légiférer, Guillaume Garot a, quant à lui, rappelé que l'éducation à l'alimentation, à laquelle il est lui-même très favorable, avait d’ores et déjà été rejeté en Commission.
Pas d'obligation pour Nutri-score
Quant au logo nutritionnel Nutri-score, qui restera donc facultatif, le député rappelle qu’"il ne s’agit pas d’une mesure contre les industriels de l’agroalimentaire" et qu’"il existe une demande européenne et même mondiale pour des produits de qualité améliorée ". Selon l’ancien ministre, "il faut engager une transition alimentaire, avec souplesse et réalisme mais également avec une détermination constante". Comme ce fut le cas avec le premier PNNS qui, grâce à un travail avec les industriels, a permis de diminuer la quantité de sel présent dans les baguettes et le taux de sucres dans les boissons raffraîchissantes.
Du bio dans les cantines publiques
Un point positif, cependant : l’article 11 du projet de loi,qui prévoit que, d’ici à 2020, la restauration collective publique proposera au moins 50% de produits issus de l'agriculture biologique ou tenant compte de l'environnement, a été adopté par l’Assemblée nationale samedi 26 mai. Dans les faits, cela signifie que les repas servis dans ces cantines devront intégrer au moins 50% de produits acquis selon des modalités prenant en compte le coût de leur cycle de vie, issus de l'agriculture biologique, bénéficiant de l'écolabel pêche, ou encore issus d'une exploitation ayant fait l'objet d'une certification environnementale. Le bio devra représenter au moins 20% de la valeur totale de cette alimentation.
Pour Guillaume Garot, cependant, "la restauration collective doit, certes, être un levier d’action pour une politique alimentaire forte dans notre pays, mais il ne doit pas être le seul." D’autres secteurs devraient être incités à faire de même. Selon lui, cette décision n’est que le premier pas d’une démarche qui devrait fixer, avec détermination et réalisme, des objectifs clairs en matière de qualité nutritionnelle des aliments, notamment.
"C’est à l’Etat de fixer le cap", insiste le député. "Les produits de meilleure qualité seront gagnants, et la France, qui est le pays du « bien manger », a un temps d’avance sur ce sujet ; c’est donc à notre portée", conclut-il.
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