L'aspirine réduit-elle les risques de cancer ?
Cancers colorectaux, cancers du sein : de nouvelles preuves d'un bénéfice
De nombreux travaux ont déjà établi que les adultes qui prennent quotidiennement de l’aspirine (pour prévenir la formation de caillots sanguins) ont moins de risques du cancer colorectal que les adultes de même âge qui ne suivent pas ce "régime". On estimait jusqu’à présent que, dans les populations étudiées, une prise quotidienne d'un cachet d'aspirine est associé à un risque réduit "de 20% à 40%" – ce que vient confirmer la nouvelle méta-analyse.
Toutefois, comme nous l’expliquions en mai 2016 sur le plateau du Magazine de la santé, tous les consommateurs d'aspirine ne sont pas égaux devant le cancer colorectal : certains profils génétiques tirent plus de bénéfices que d'autres de ce traitement.
En mettant dans l’équation quatorze études observationnelles (suivi de patients sur le long terme), les auteurs confirment "dans la population générale" une diminution du risque de cancer du sein, dans une fourchette de valeur comprise entre 10% et 47%. Notons, là encore, que certains profils génétiques pourraient être défavorisés.
Un effet confirmé contre la propagation des métastases
Plusieurs études éparses suggéraient que, en cas d'apparition d'un cancer, le risque de développement de métastases était inférieur chez les personnes qui consommaient depuis longtemps de faibles doses d’aspirine sur une base quotidienne. La méta-analyse valide très largement ces observations, en établissant une diminution du risque d’au moins 46%.
Des données insuffisantes concernant d'autres cancers
Quelques études optimistes sur le bénéfice de l’aspirine pour la prévention des cancers de la prostate ont été médiatisées ces dernières années. La nouvelle méta-analyse montre toutefois qu’au regard de l’ensemble, rien ne démontre encore formellement d’effet préventif.
Concernant les autres types de cancers, trop peu d’études ont encore été menées pour pouvoir conclure formellement à une association (positive ou négative) entre la prise d’aspirine et leur risque d’occurrence. Un effet semble toutefois vraisemblable concernant certaines leucémies, ainsi que sur la propagation des cancers de l’endomètre.
La méta-analyse ne revient pas sur les soupçons qui pèsent actuellement sur les liens entre prise fréquente d’aspirine et accroissement du risque de cancer du rein.
Mais des risques hémorragiques avérés dans certains cas
La nouvelle méta-analyse s'est penchée sur le risque d’hémorragies chez les patients déjà atteints d’un cancer qui prendraient quotidiennement de l’aspirine (médicament qui a la propriété de fluidifier le sang). Les données recueillies n'ont pas permis de conclure à l'existence de ce risque – sans pour autant l'exclure.
En revanche, l'étude n'aborde pas la question des risques hémorragiques liées à une consommation préventive d'aspirine. Or, selon d’autres travaux, une consommation quotidienne d'aspirine augmente en effet de plus de 50% le risque d'hémorragies intracrâniennes et hémorragies gastro-intestinales, pouvant notamment entraîner anémies et ulcères à l’estomac.
Ces risques hémorragiques sont, jusqu’à preuve du contraire, particulièrement importants pour les personnes âgées, ou celles présentant des antécédents d'hémorragies digestives, des insuffisances rénales ou des problématiques hépatiques, ainsi que pour les grands fumeurs et les personnes consommant beaucoup d'alcool.
Voir également : Aspirine au long cours : des risques pour les plus de 75 ans
Alors faut-il prescrire de l’aspirine de façon préventive contre le cancer ?
Comme le soulignent les auteurs de ces nouveaux travaux, le lien de cause à effet entre prise d’aspirine et diminution du risque de cancer n’est pas encore formellement établi. En effet, il n’est pas à exclure que les pathologies qui rendent nécessaire la prise quotidienne d’aspirine soient, en elles-mêmes, associées à de moindres risques de cancer…
Le rapport bénéfice/risque de la prise quotidienne d'aspirine reste, de fait, toujours très controversé. Une partie des chercheurs juge encore que, pour des patients en bonne santé et ne présentant pas de facteurs de risques particuliers, elle présenterait davantage de risques que de bénéfices.
Quelques études plaident toutefois pour l'intérêt d'un tel traitement "chez les personnes âgées de 50 à 65 ans". Suivi sur 10 ans, il permettrait d'éviter environ 8% des cancers et des AVC dans cette catégorie d'âge. La réduction de la mortalité à 20 ans est estimée autour de 4%. Une analyse de la littérature scientifique a donné lieu, mi-avril 2016, à une mise à jour (très ciblée) des préconisations officielles aux États-Unis (voir cet encadré).
Étude : P.C. Elwood, et al. "Systematic review update of observational studies further supports aspirin role in cancer treatment: Time to share evidence and decision-making with patients?". PLOS One, sept. 2018. doi:10.1371/journal.pone.0203957
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