Prise de pilule en continu : et si on laissait les femmes choisir ?
"Il n’y a aucun bénéfice pour la santé à stopper la prise de pilule contraceptive pendant sept jours. Les femmes peuvent arrêter la prise moins souvent – ou ne pas l’arrêter du tout – afin d’éviter des saignements mensuels, des crampes ou d’autres symptômes", a déclaré la Faculté de santé sexuelle et reproductive britannique (FSRH, l’équivalent du Collège national des gynécologues et obstétriciens français – CNGOF) dans de nouvelles recommandations publiées le 21 janvier. La FSRH a par ailleurs affirmé que réduire les pauses à quatre jours peut diminuer le risque de grossesse non désirée.
La pilule originellement pensée pour être prise en continu
En réaction à ces nouvelles recommandations, le quotidien The Telegraph a relayé les propos du Pr John Guillebaud, médecin et spécialiste de la contraception, qui affirme que la prise de pilule a été pensée sur une période de 21 jours "pour que le pape l’accepte". Si l’assertion peut étonner au premier abord, elle n'est pas si absurde. Le Pr Guillebaud poursuit : selon lui, dans les années 1960, l’Eglise catholique étant très influente, faire accepter le principe de la pilule contraceptive aux sociétés européennes n’était pas chose aisée. Aussi, pour ne pas "dénaturer" la femme, a-t-il été décidé de faire en sorte que celle-ci continue à saigner chaque mois. [N.B. Pour rappel, la pilule contraceptive a été pensée pour être prise en continu, mais faire une pause de quelques jours déclenche de "fausses règles" (voir encadré).]
Toutefois, l’hypothèse du Pr John Guillebaud n’est pas suffisante pour la Dre Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricienne et cheffe de service à la maternité des Lilas. Selon elle, si le facteur religieux est effectivement à prendre en compte, il ne doit pas éclipser les raisons d'ordre psychologique qui ont pu conduire à la commercialisation des plaquettes de 21 jours. Car certaines femmes sont "en demande" de règles". "Je vois beaucoup de patientes qui souhaitent avoir des simili-menstrues", affirme la Dre Brival. Le plus souvent d’ailleurs, les raisons avancées ne sont pas d’ordre religieux : quand celles-ci constatent une absence de règles, elles s’inquiètent. "Dans l’inconscient collectif, une femme doit saigner, se vider de son sang pour nettoyer les impuretés", explique Marie-Laure Brival.
"Une pression sur le corps des femmes"
La gynécologue revient par ailleurs sur les recommandations de la FSRH. Si celles-ci sont indiscutables sur le strict plan médical, la Dre Brival juge qu’elles sont amenées de manière trop abrupte. "On ne se demande pas ce que veulent les femmes. Encore une fois, il y a une pression sur leur corps exercée par la médecine", estime la gynécologue. Pour elle, émettre des avis sans prendre la peine de les expliquer aux principales concernées est contre-productif. Elle remet par ailleurs en cause l’un des arguments principaux de la FSRH, qui affirme que les pauses entres les plaquettes augmentent le risque de grossesse non désirée : pour la gynécologue, c’est avant tout le manque d’information et l’absence de choix qui entraînent de telles grossesses. Et pour cause : certaines femmes, inquiètent de ne pas avoir de règles, arrêtent leur contraception pour les déclencher, et tombent enceintes.
"Certaines patientes veulent cacher leur prise de contraception"
Pour la Dre Marie Msika-Razon, médecin généraliste et membre du Planning Familial, les recommandations du FSRH oublient par ailleurs de prendre en compte les raisons personnelles et physiologiques qui peuvent pousser certaines femmes à faire des pauses entre leurs plaquettes. "Certaines patientes veulent cacher leur prise de contraception car elles vivent dans un milieu familial violent, où on surveille leur cycle. D’autres ne supportent pas la prise de pilule en continu et ont des spottings", note-t-elle. Ce que la médecin constate par ailleurs lorsqu’elle anime des groupes de parole au Planning Familial, c’est qu’il y a autant de femmes qui souhaitent supprimer leurs règles que de femmes qui souhaitent les "garder".
Pour elle comme pour la Dre Brival, le principal est donc d’informer les patientes sur le fonctionnement de leur cycle, afin qu’elles puissent choisir un mode de contraception en connaissance de cause. Pour les deux médecins, en aucun cas imposer la prise de pilule en continu n’est une solution. Pourtant, à lire les recommandations du FSRH, et dans l'hypothèse qu'elles soient un jour partagées par le CNGOF, cette voie pourrait bien être envisagée. D’où un risque, pour Marie Msika-Razon, que les laboratoires finissent par imposer la plaquette de 28 jours, sans que les principales intéressées n’en aient compris l’utilité.
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