Clonage : "Que les humains soient clonés un jour, j'en ai toujours été persuadé", affirme le généticien Axel Kahn
Au lendemain de la révélation de la naissance de deux singes clonés en Chine, le généticien français Axel Kahn revient, sur franceinfo, sur cette prouesse scientifique et sur la perspective du clonage humain. Et sur les inquiétudes éthiques que cela suscite.
Ils s'appellent Zhong Zhong et Hua Hua. Ce sont deux jeunes macaques comme il en existe des dizaines de milliers à travers le monde, mais ceux-ci ont la particularité d'avoir été clonés. C'est ce qu'a révélé, mercredi 24 janvier, la revue scientifique Cell (en anglais). Des chercheurs chinois ont utilisé la même méthode que celle utilisée pour la brebis Dolly en 1996. Ils y voient une réussite prometteuse pour la recherche médicale et reconnaissent que cela peut ouvrir la voie au clonage des êtres humains.
"L'idée que les humains soient clonés un jour, j'en ai toujours été persuadé", a déclaré, sur franceinfo, jeudi 25 janvier, Axel Kahn, essayiste, médecin généticien, hématologiste et chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
franceinfo : Que pensez-vous de cette première scientifique ?
Axel Khan : Ce n'est pas vraiment une surprise. J'avais été appelé pour faire un article après la naissance de Dolly, il y a une vingtaine d'années. On m'avait demandé de faire cet article était pour envisager les conséquences éthiques du clonage des primates humains. À partir du moment où on arrive, avec cette méthode, à partir de cellules adultes, à cloner un mammifère, on s'attend à ce que rapidement les primates, et notamment le primate humain, soient aussi clonables. En réalité, cela a été plus difficile qu'on ne le pensait. On est déjà parvenu à cloner 22 espèces de mammifères, et les primates ne sont que la 23e espèce de mammifères.
Les primates étant les animaux les plus proches des humains, on se demande forcément si la prochaine étape, c'est le clonage de l'homme ?
La grande question qui se pose est de savoir si les premiers clones humains seront obtenus dans le cadre d'une transgression délictueuse - en d'autres termes : le clonage sera interdit partout, mais il y aura une telle gloire et tellement d'intérêts financiers, pour le premier à transgresser cette règle et cette loi, qu'il le fera néanmoins - ou bien si l'évolution des sociétés fera que les sociétés humaines acceptent que l'on puisse reproduire par étreinte amoureuse entre l'homme et la femme ou par clonage. Que les humains soient clonés un jour, oui, moi, j'en ai toujours été persuadé. Cela fait des décennies que j'en suis persuadé.
Quelle serait la solution la plus acceptable ?
Je suis opposé à la légitimité éthique de cloner les humains. Il faut que l'on limite le pouvoir des géniteurs sur leur progéniture. [Ces géniteurs] décideront de tout du corps d'une progéniture : ils décideront du sexe, de la couleur des yeux, de la texture des cheveux, de la prédisposition à telle ou telle maladie, peut-être de tel trait de caractère, de la taille, etc. Et cela est totalement incompatible avec l'autonomie des personnes. Il y a une agression contre l'autonomie des personnes dans l'idée de faire naître des personnes dont on connaît tout du corps avant même qu'elles ne naissent
Que faire face à ce risque ? Faut-il encadrer davantage la recherche autour du clonage ?
Elle est encadrée, mais vous voyez bien ce qu'il se passe. Des grands laboratoires qui ont pignon sur rue arrivent à cloner des singes. Il y a des indications à cloner des singes. L'indication principale est l'étude pharmacologique : vous testez des médicaments un peu différents, si vous [les] administrez à des jumeaux vrais ou à des clones vrais, la différence observée est liée à la différence de médicaments. Pareil pour étudier tel ou tel aspect des neurosciences du fonctionnement du cerveau. Mais il n'empêche, à partir du moment où la recette est publiée pour cloner des primates macaques, la recette pour cloner des primates humains ne doit pas être bien différente.
Est-ce que ce clonage en Chine est utile ou doit-on parler d'un "coup" des scientifiques qui savent que cette première aura beaucoup de retentissements ?
Je vais être franc : c'est probablement un peu la deuxième réponse. On fait de moins en moins de recherche sur les singes parce qu'il y a un respect croissant pour les singes, donc ce n'est pas l'animal d'expérience idéal. C'est vrai que pour les neurosciences, le singe a nettement plus d'intérêt et je ne vais pas totalement disqualifier cet objectif purement scientifique. Mais la raison pour laquelle il y a un tel retentissement, c'est qu'on s'approche petit à petit de l'interdit absolu : "C'est un primate comme nous, donc c'est bientôt nous !" C'est évident.
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