La phagothérapie refait surface
Découverte pendant la Première Guerre mondiale et développée dans les années 1920 et 1930, la phagothérapie est basée sur l'utilisation de virus naturels pour lutter contre des bactéries pathogènes (ces virus sont appelés "bactériophages" ou "phages"). Sans détrôner l'usage des antibiotiques, la phagothérapie peut être utilisée pour traiter certaines infections résistantes bien spécifiques.
Ces virus ont une activité plus limitée que les antibiotiques, ne détruisant que certaines souches d'une bactérie, mais ne provoquent pratiquement jamais d'effets secondaires graves dans l'organisme soigné, indique le Dr Alain Dublanchet, l'un des pionniers de la réintroduction de cette thérapie en France. Celui-ci précise avoir guéri une quinzaine de patients au total ces dernières années. Le traitement est généralement court - deux à trois semaines - et nettement moins onéreux que les antibiotiques. "La phagothérapie pourrait être utilisée dans les infections qui touchent les os et les articulations, mais également dans d'autres infections, urinaires, pulmonaires, oculaires", précise-t-il à l'AFP.
Mais le développement de la phagothérapie se heurte au manque d'intérêt des grands laboratoires parce que les phages sont issus de la nature et donc "non brevetables". "Les laboratoires ont abandonné ce centre d'intérêt parce que le retour sur investissement est jugé trop faible", note ainsi l'infectiologue Jean Carlet, consultant à l'OMS.
Quelques start-ups commencent néanmoins à s'intéresser à ces bactériophages, classés comme des médicaments par l'Union Européenne (UE) depuis 2011. Mais aucun phage n'est encore autorisé chez l'homme en raison notamment de la nécessité de procéder à des essais cliniques dont on attend encore les résultats. Aux Etats-Unis, les seuls phages commercialisés actuellement sont destinés à protéger les aliments contre des infections bactériennes.
Associer la phagothérapie à l'antibiothérapie
L'Union européenne a lancé en 2013 un premier projet dans ce domaine, baptisé "Phagoburn" pour tester des phages contre des bactéries résistantes s'attaquant aux plaies de grands brûlés. Douze patients au total, recrutés en France, en Belgique et en Suisse doivent participer à l'essai.
Sans attendre les résultats de cet essai, l'Agence française du médicament (ANSM) a donné sa première autorisation de traitement à titre compassionnel, en novembre 2015, pour un brûlé grave. Des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) pourraient également à l'avenir être accordées à des groupes de patients "à condition d'avoir un produit de qualité et une présomption d'efficacité", précise Caroline Semaille de l'ANSM.
En attendant, certains malades se rendent en Géorgie, un des rares pays où la phagothérapie est encore proposée. Ce fût le cas de Serge Fortuna, en 2013 (reportage diffusé dans "Le magazine de la santé" en avril 2013). Le traitement qu'il a reçu pendant trois semaines a sauvé sa jambe, rongée par un staphylocoque doré depuis plus de trente ans.
D'autres Français ont eux aussi tenté leur chance. "La plupart sont revenus améliorés, mais il faut souvent faire de la chirurgie", précise le Dr Dublanchet à l'AFP. Pour l'infectiologue, aujourd'hui à la retraite, "il n'est pas question de remplacer l'antibiothérapie par la phagothérapie mais de les associer". Il plaide également la prudence en ce qui concerne l'impact éventuel d'une phagothérapie à grande échelle sur l'environnement.
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