Hausse du tabagisme : "Il faut aider les fumeurs et augmenter les prix"
Après des années de baisse de la consommation de tabac, les fabricants de cigarettes annoncent des ventes en hausse pour la première fois depuis 2009. La directrice du Comité national contre le tabagisme répond aux questions de francetv info.
La cigarette regagne du terrain. Après des années de baisse de la consommation de tabac, les fabricants annoncent des ventes en hausse pour la première fois depuis 2009 : plus 7% entre mars 2014 et mars 2015. De quoi donner du grain à moudre aux parlementaires, en plein débat sur la loi Santé, qui prévoit de nouvelles mesures anti-tabac. Pour comprendre les raisons de cette hausse, francetv info a interrogé Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité national contre le tabagisme.
Francetv info : Comment expliquez-vous cette reprise de la consommation de tabac en France ?
Emmanuelle Béguinot : Nous ne sommes pas surpris par ces résultats. Après une baisse tendancielle de la consommation de tabac, surtout chez les hommes, notamment grâce au plan cancer des années 2000, les enquêtes de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ont constaté une stagnation de la consommation, puis même une légère hausse.
De fait, aucune stratégie récente de lutte contre le tabagisme n'a été mise en place. C'est pourquoi nous attendons avec impatience l'adoption de la loi Santé, qui sera bientôt en discussion au Sénat. Le projet de loi prévoit notamment l'adoption des paquets neutres, l'interdiction de fumer dans une voiture en présence d'un enfant de moins de 12 ans ou sur les aires de jeu, et une plus grande attention portée à la traçabilité des cigarettes.
Les campagnes de sensibilisation existent toujours, pourtant. Sont-elles efficaces ?
Oui, mais nous alertons sur le fait qu'il ne faut pas seulement envoyer un message, il faut aussi accompagner les fumeurs. Prenons l'exemple des images fortes sur les paquets. Elles ont marqué l'esprit des fumeurs, mais en même temps, ils n'ont pas assez été sensibilisés au fait qu'ils pouvaient se tourner vers des personnes qui pouvaient les aider à trouver une issue sans tabac, loin de ces images si peu glamour.
Par ailleurs, il faut agir en termes de politique fiscale, en augmentant les prix de tous les produits (tabac à rouler y compris) plus souvent et de façon plus importante. Le prix doit être dissuasif, d'une part pour freiner les jeunes qui souhaiteraient commencer à fumer, et d'autre part pour encourager l'arrêt chez les personnes déjà fumeuses. Selon la Banque mondiale (PDF, p. 43), une augmentation de 10% du prix du paquet de cigarettes équivaut à une baisse de 4% de la consommation.
Ce sont toujours les mêmes personnes qui fument depuis une dizaine d'années ?
On constate une évolution très claire : la cigarette devient un marqueur social très fort. De plus en plus de personnes appartenant aux classes moyennes ou supérieures abandonnent la cigarette. Peut-être justement parce que l'image qu'on associe au tabac est de moins en moins attirante. Les personnes au statut social plus précaire sont plus exposées, même si elles ont autant envie d'arrêter que les autres.
La cigarette électronique a-t-elle eu un effet sur la consommation de tabac ?
On dispose de données encore limitées à ce sujet. Mais on sait d'ores et déjà que les gens qui vapotent sont généralement déjà fumeurs. Peu de personnes se contentent de vapoter. C'est tout le problème de ce produit. Quand une personne dépendante au tabac a besoin de sa dose de nicotine, elle a envie d'être immédiatement satisfaite. Or, le "shoot" de nicotine le plus rapide reste la cigarette classique.
Il faudra voir dans le temps comment les choses évoluent, mais on peut imaginer que l'engouement pour ce produit va perdre de l'ampleur, d'autant que la législation restreint de plus en plus le droit de vapoter dans des lieux déjà interdits à la cigarette. Les vapoteurs pourraient être tentés de reprendre leurs anciennes habitudes.
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