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ENTRETIEN. Un malade de Parkinson remarche grâce à une neuroprothèse : une technique disponible pour tous "d'ici cinq ans", espèrent ses concepteurs

Un Français, Marc, a retrouvé ses capacités pour marcher grâce à une neuroprothèse, implantée près de la moelle épinière. Six autres patients seront implantés d'ici l'an prochain. Une technique qui pourra s'étendre, selon les chercheurs, aux paralysies de la marche due à des lésions de la moelle épinière.
Article rédigé par franceinfo
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La neurochirurgienne Jocelyne Bloch et le professeur en neurosciences Grégoire Courtine entourent Marc, leur "pilote d'essai". Atteint de la maladie de Parkinson, il re marche grâce à une neuroprothèse, implantée près de sa moelle épinière. (GABRIEL MONNET / AFP)

"On va développer une technologie pour tous les gens qui en ont besoin dans le monde entier", a annoncé mardi 7 novembre sur franceinfo Grégoire Courtine, professeur en neurosciences à l’École polytechnique de Lausanne, coauteur avec Jocelyne Bloch, neurochirurgienne aux hôpitaux universitaires de Lausanne, d’un exploit médical majeur pour les patients atteints de la maladie de Parkison. Un Français, Marc, a retrouvé ses capacités pour marcher grâce à une neuroprothèse, implantée près de la moelle épinière, mise au point par les deux chercheurs franco-suisses.

Des neuroscientifiques et neurochirurgiens ont publié lundi les résultats de cette avancée médicale dans la revue scientifique Nature. "On va stimuler de façon très précise la région de la moelle épinière qui est responsable de la motricité des jambes", explique Jocelyne Bloch, invitée également de franceinfo. "Marc a une petite télécommande qu'il met juste en face de la région de l'abdomen qui contient le stimulateur. Il appuie, la stimulation est allumée. Les effets sont immédiats", décrit Grégoire Courtine. "D’ici à peu près cinq ans, cette technologie pourrait être disponible pour tout le monde", espère-t-il.

franceinfo : En quoi consiste cet exploit médical ?

Jocelyne Bloch : Dans la maladie de Parkinson, beaucoup de personnes développent des troubles de la marche contre lesquels il est difficile d'avoir des traitements classiques tels que la dopamine ou de la stimulation cérébrale profonde. Et là, pour la première fois, on va stimuler de façon très précise la région de la moelle épinière qui est responsable de la motricité des jambes. On va améliorer la marche du patient.

"Les résultats sont immédiats."

Jocelyne Bloch, neurochirurgienne

à franceinfo

On a tout de suite pu corriger ses défauts et lui permettre de marcher beaucoup mieux.

Quelle est la fonction d’une neuroprothèse ?

Grégoire Courtine : ll faut imaginer un champ d'électrodes qui va être placé contre cette région de la moelle épinière qui contrôle les muscles des jambes. Plein de petites électrodes connectées à une espèce d'ordinateur, comme un pacemaker gros comme une boîte d'allumettes, logée dans l'abdomen, qui va donc communiquer sans fil avec un ordinateur intelligent qui va envoyer des impulsions électriques pour corriger la marche. C’est un petit système qui va aller mesurer les mouvements résiduels et les stimuler au bon endroit pour renforcer son activité musculaire, c'est-à-dire corriger ses muscles qui ne sont pas assez actifs du fait de la maladie de Parkinson. C’est le patient qui l'active lui-même. C'est une tablette. Il a une petite télécommande qu'il met juste en face de la région de l'abdomen qui contient le stimulateur. Il appuie, la stimulation est allumée. Les effets sont immédiats. C'est ce que dit Marc : "C’est mon petit bonheur. J’appuie sur le bouton. Je me sens bien".

C’est une opération de pointe. Quel est le degré de précision?

Jocelyne Bloch : Il y a seize électrodes qui sont sur une petite languette de silicone qui fait à peu près six centimètres de longueur. On va l'insérer entre deux vertèbres pour ensuite viser chacune des racines nerveuses qui seront responsables d’activer les muscles. L’intervention en soi n'est pas une intervention dangereuse. On l’a déjà faite pour traiter la douleur chronique, des électrodes sur la moelle épinière. Dans notre situation, la précision est extrêmement importante, car il faut être capable de viser toutes ces racines nerveuses qui vont ensuite contracter chacun des muscles des deux côtés.

Il y a aussi des implants dans le traitement de la maladie de Parkinson sur le cerveau. C’est complémentaire ?

Grégoire Courtine : C’est très important. Il y a une forte synergie entre la stimulation cérébrale profonde, donc les implants dans le cerveau, la pharmacologie, donc la dopamine, et puis une stimulation qui va vraiment régler les problèmes de la marche spécifiquement.

On ne peut pas parler de guérison pour autant pour Marc ?

Jocelyne Bloch : Malheureusement, la maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative qui va progresser. Nous allons améliorer des signes. Tout ce qui se passe au niveau de cette marche va s'améliorer, mais la maladie continue de progresser. Au début d'une maladie de Parkinson, on ne voit pas grand-chose. On est très bien traités avec les médicaments. La stimulation cérébrale profonde aide beaucoup. Petit à petit, on peut apercevoir des troubles de la marche, mais aussi parfois des déclins cognitifs. Le mouvement améliore l'espérance de vie, parce qu'à partir du moment où on est tout le temps dans son fauteuil parce qu'on chute à chaque fois qu'on se lève, d’autres problèmes surviennent.

Votre cette technologie est-elle généralisable ?

Grégoire Courtine : Il faut bien calibrer les attentes. Marc est notre premier pilote d'essai. Ça a très bien fonctionné chez Marc. Maintenant, il faut confirmer les mêmes effets chez d'autres patients qui souffrent de la maladie de Parkinson. Et puis surtout, il faut développer une technologie qui soit adaptée à une utilisation quotidienne pour les gens qui souffrent de Parkinson. On fait ça avec une compagnie qui s'appelle en Onworld Medical qui va développer une technologie de sorte que ce soit disponible pour tous les gens qui en ont besoin dans le monde entier.

À quelle échéance ?

Grégoire Courtine : Dès l'année prochaine, Jocelyne Bloch va implanter six patients supplémentaires.

"On a un soutien de la fondation Michael J. Fox, l’acteur qui a fait Retour vers le futur et qui a eu la maladie de Parkinson très jeune."

Grégoire Courtine, professeur en neurosciences

à franceinfo

On va tester cette nouvelle technologie de Onworld Médical. Si ça fonctionne bien, il y aura un essai pivot, c'est-à-dire avec 60 à 100 personnes. D’ici à peu près cinq ans, cette technologie pourrait être disponible pour tout le monde. Il faut démontrer un, la sécurité, et deux, l'efficacité de cette technologie pour un grand nombre de patients.

D’autres maladies peuvent-elles être concernées par ce type de technologie ?

Grégoire Courtine : Jocelyne et moi, nous sommes plutôt connus pour utiliser la même technologie pour rétablir la marche à la suite à une paralysie due à des lésions de la moelle épinière. C’est la même technologie, en fait, qu'on va utiliser pour ces deux pathologies. Et puis, peut-être, à l'avenir, pour d'autres maladies neurodégénératives comme la sclérose en plaques qui nous intéressent.

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