"C'est là que j'ai découvert pour la première fois de ma vie les PFAS" : dans l'Oise, ces riverains d'usines méconnaissent les risques des "polluants éternels"

Ces molécules, qu'une proposition de loi vise à interdire, sont présentes dans beaucoup de produits et très polluantes, mais restent malgré tout largement méconnues.
Article rédigé par Guillaume Farriol - édité par franceinfo
Radio France
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Une plateforme chimique au bord de l'Oise, à Villers-Saint-Paul. (GUILLAUME FARRIOL / RADIOFRANCE)

Ils sont dans nos vêtements, nos cosmétiques, nos ustensiles de cuisines, les emballages alimentaires. Les PFAS, des substances chimiques résistantes, sont partout. Une proposition de loi écologiste, examinée mercredi 27 mars en commission à l'Assemblée nationale avant d’être présentée le 4 avril prochain aux députés, vise à interdire les PFAS progressivement à partir de 2025. Ces molécules sont très utilisées par l'industrie chimique.

Surnommées "polluants éternels", elles sont très résistantes, ont des effets cancérigènes et sont des perturbateurs endocriniens. Elles restent pourtant méconnues du grand public, y compris par les riverains d'usines qui rejettent des PFAS dans l'eau, comme à Villers-Saint-Paul dans l'Oise. Les cheminées et les cuves des usines Arkema ou Chemours dominent les bords de l'Oise où se promène Christine tous les jours. Elle n'a jamais entendu parler des PFAS qui sont rejetés dans la rivière à quelques pas de chez elle, sans l'inquiéter sur l'emplacement de sa maison. "Ce n'est peut-être pas l'endroit idéal, mais est-ce qu'il y a des endroits vraiment idéaux ? Je n’en sais rien", philosophe Christine.

Comme elle, de nombreux habitants de Villers-Saint-Paul ignorent l'existence de ces polluants éternels. La commune est pourtant considérée comme l'un des "points chauds" de cette pollution en France. Gérard Weyn, maire depuis 35 ans, a découvert, il y a peu, le sujet : "Ça m'est tombé dessus fin février 2023, suite à un article dans Le Monde, se remémore le maire. Je vois Villers-Saint-Paul et ma fierté est un peu disparue. C'est là que j'ai découvert pour la première fois de ma vie les PFAS. Personne n'en a parlé, à ma grande surprise, car on a communiqué, avec les moyens que nous avions, et personne ne m'a posé de questions sur les PFAS."

Des niveaux très hauts de PFAS d'après de nouvelles analyses

L'élu poursuit son travail de sensibilisation auprès de ses administrés, comme le fait Générations futures, en pointe sur cette question. L'ONG a publié le 14 mars dernier de nouvelles analyses de l'eau de l'Oise. "On s'est aperçu ce mois de janvier 2024 qu'on avait des niveaux de PFAS dans la rivière Oise plus de trois fois supérieurs à ce qu'on avait mesuré l'an dernier, explique le directeur de Générations futures, François Veillerette. On sait qu'il y a une variabilité des rejets de PFAS. On est sans doute arrivé à un jour où on était plutôt dans un haut que dans un bas."

"On voit qu'aujourd'hui les pratiques industrielles n'ont pas changé radicalement."

François Veillerette, directeur de l'ONG Générations futures

à franceinfo

L'inquiétude est de voir ces rejets augmenter, avec l'extension de l'usine Chemours de Villers-Saint-Paul, validée mi-mars par l'État. "Là, ça pose un vrai souci, souligne François Veillerette de Générations futures. D'ailleurs, l'autorité régionale environnementale dit aujourd'hui qu'il ne faudrait surtout pas augmenter les rejets dans l'environnement. Or, il n'y a rien qui garantisse qu'une extension ne nous amène pas à la situation contraire, c'est-à-dire à une augmentation des rejets qui polluent l'eau de la rivière", s'alarme-t-il.

De son côté, Chemours assure avoir déjà réduit de 92% ses rejets et porte son objectif de réduction à 99% après l'expansion de son site.

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