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Antiépileptiques dangereux pour les fœtus : si "l'Agence de santé est défaillante", "le principal responsable, c'est quand même le laboratoire"

Marine Martin, lanceuse d’alerte sur les dangers de la Dépakine, a appelé, jeudi sur franceinfo, les mères à déclarer leurs effets secondaires auprès de l'association qu'elle préside, l'Apesac.

Article rédigé par franceinfo
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Marine Martin, présidente de l'Apesac, le 28 mai 2016. (MICHAEL ESDOURRUBAILH / MAXPPP)

Un rapport de l'Agence du médicament révèle que la Dépakine n'est pas le seul médicament antiépileptique qui présente un risque de malformations pour les enfants exposés dans le ventre de leur mère. Si c'est le plus important, cinq autres antiépileptiques présentent un danger "élevé" pour les fœtus. Marine Martin, lanceuse d’alerte sur les dangers de la Dépakine, présidente de l’association Apesac et mère de deux enfants handicapés à cause de la Dépakine était l'invitée de franceinfo, jeudi 25 avril.

franceinfo : Avez-vous été mise en garde lorsque l'on vous a prescrit de la Dépakine ?

Marine Martin : À aucun moment je n'ai été informée des dangers de ces médicaments. Je l'ai appris un petit peu par hasard, parce que mon fils est né avec une malformation génitale et qu'on m'avait parlé des pesticides qui peuvent provoquer des malformations. Puis, je me suis rappelée avoir pris un médicament. Mais c'est vraiment en tapant dans Google "médicament dangereux pour la grossesse" que j'ai découvert la toxicité de la Dépakine, en 2009. Maintenant, il faut que les mères, qui auraient des soupçons, prennent contact avec l'association APESAC. On vient de mettre en place un portail de déclaration de pharmacovigilance. Il faut qu'elles déclarent leurs effets secondaires et leur grossesse sur ce portail parce qu'il n'y a que comme ça qu'on pourra dénombrer, qu'on pourra chiffrer le nombre exact de victimes, et mettre en place la prise en charge, l'indemnisation pour les autres antiépileptiques.

Est-ce que cela a été compliqué de lancer cette alerte ?

C'est très compliqué parce que j'avais du mal à trouver des témoignages de familles qui avaient pris d'autres antiépileptiques que la Dépakine. Elles étaient moins nombreuses. On avait peu d'informations. Donc je suis ravie que l'ANSM sorte cette étude. C'est en comparant effectivement la Dépakine et les autres antiépileptiques qu'on s'est aperçus qu'il y avait aussi beaucoup d'enfants qui souffraient de troubles ou de malformations suite à l'exposition à d'autres antiépileptiques, le Tégrétol, le Gardénal, tous ces vieux médicaments qu'on connaît depuis très longtemps.

Est-ce que votre cas est passé en justice ?

J'ai fait des procédures au civil et devant le tribunal administratif. À chaque fois, le lien de causalité entre l'exposition à la Dépakine et les préjudices de mes enfants, l'autisme et les malformations, a été établi. Mais sur la question des indemnisations, cela fait une dizaine d'années que je suis en procédure et ça se passe très mal. Cela fait deux ans que le dispositif est en place et, à ce jour, aucune victime n'a été indemnisée. Ce système d'indemnisation ne fonctionne pas bien. Le budget n'est pas suffisant et surtout le laboratoire ne veut pas payer. Pour l'instant, c'est à la charge de l'État et, ça, c'est absolument scandaleux alors que le laboratoire Sanofi a été condamné dans une procédure au civil en 2017. Effectivement l'Agence de santé est défaillante. Oui, elle n'a pas réagi suffisamment vite. Mais le principal responsable, c'est quand même le laboratoire. C'est lui qui fabrique le produit, c'est lui qui donne l'information.

Combien de femmes attendent comme vous d'obtenir des indemnisations ?

Aujourd'hui, on sait qu'il y a 35 000 victimes de la Dépakine. On pense qu'il y a, à peu près, 14 000 victimes qui vont avoir le courage, la force, de récupérer tous les éléments nécessaires pour demander une indemnisation. Donc, potentiellement, si on se fie à la décision de justice de la cour d'Orléans qui a versé trois millions d'euros à la petite Camille, on se dit que ce sont des milliards d'euros qui sont en jeu. Il faut donc absolument que le laboratoire participe à cette indemnisation.

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