Infertilité : les couples doivent être alertés sur les risques
Lorsqu’aucune grossesse naturelle n’apparaît au bout d’un an, on parle d’infertilité. Sa cause est masculine dans 30% des cas ou liée au deux partenaires dans 30% des cas également. Le « dernier tiers » est d’origine féminine. Des troubles dont Nadine Binart, directrice de recherche à l’INSERM, est spécialiste.
Magazine de la Santé : " L’idée n’est bien sûr pas ici de culpabiliser les couples dont les parcours professionnels freinent le projet parental. Mais le niveau d’information sur la baisse rapide de la fertilité féminine au fil des années est aujourd’hui insuffisant ?"
Nadine Binart, Inserm : " Je crois que non. Effectivement, elles conçoivent plus tardivement leur enfant. Il y a 40 ans de cela c’était 24 ans, maintenant elles ont leur premier enfant autour de 31 ans. Et elles ont oublié qu’elles ont un stock folliculaire qui est constitué pendant leur embryogénèse et que ce stock s’épuise au fil du temps. A la naissance elles n’ont plus qu’un million d’ovocytes alors qu’elles en avaient six millions pendant leur vie embryonnaire. Et ce stock s’épuise très très rapidement. Et il y a aussi des causes qui l’épuisent et elles ne les connaissent pas."
Quelles sont ces causes ? Y a-t-il des femmes qui doivent s’alerter particulièrement tôt ?
Nadine Binart, Inserm : "Il y a plusieurs causes donc, c’est complexe. Dans 30% des cas il y a des causes mécaniques, tubaires ou utérines donc celles là, on ne peut pas les prédire. Une autre cause dont on parle davantage maintenant est l’endométriose, qui est une maladie particulière pour laquelle les femmes sont généralement informées du risque d’infertilité après quelques errances médicales. Et il y a les causes d’infertilité ovarienne dans plus de 30% des cas et là il faut avoir peut-être quelqu’un d’affecté dans sa famille pour pouvoir penser qu’on est peut-être à risque."
Justement, si leur mère a eu des problèmes d’infertilité, doivent-elles s’alerter plus précocément que d’autres ?
Nadine Binart, Inserm : " Oui, elles peuvent s’alerter parce qu’une fois que le stock a disparu la stérilité est définitive dans le cas de l’infertilité qui s’appelle l’insuffisance ovarienne, ou ménopause précoce. Ce sont des femmes chez qui l’âge de la ménopause, normalement autour de 52 ans, arrive beaucoup plus tôt, avant l’âge de 40 ans."
Et concernant les autres maladies qui atteignent l’activité des ovaires, il y a des recherches actuellement ?
Nadine Binart, Inserm : "Oui, parmis ces causes il y a 10% de femmes qui ont des ovaires polykystiques , ça c’est une maladie de l’ovaire, sur laquelle les recherches avancent lentement (ndlr mais il existe des traitements). Et il y a l’hyperplolactinémie, qui est une maladie assez répandue. Il s’agit de la deuxième cause d’anovulation après les ovaires polykystiques et qui est une maladie qui touche une petite glande dans le cerveau qui fabrique la prolactine qui est l’hormone de la lactation.
Et lorsqu’on a une petite augmentation de cette prolactine, l’anovulation arrive. C’est-à-dire qu’il n’y a plus d’ovulation, plus de cycle possible. Donc au laboratoire, on a compris sur le plan moléculaire comment cette maladie fonctionnait. Donc il est possible de rattraper les niveaux normaux de prolactine avec des médicaments. Et pour les femmes résistantes à ce traitement on a trouvé des éléments pour les rendre à nouveau fertiles."
Vous pensez que ces progrès permettront un jour de résoudre toutes les causes d’infertilité féminine ?
Nadine Binart, Inserm : " Je ne crois pas malheureusement. En particulier pour l’insuffisance ovarienne, qui est une maladie finalement relativement rare qui touche 1% de ces femmes. Dans cette insuffisance ovarienne il y a encore plein de causes différentes. Avec des maladies chromosomiques comme le syndrome de Turner par exemple où il manque un chromosome X ou le chromosome X est affecté.
Mais surtout, maintenant, nous avons mis en évidence au laboratoire tout un éventail de gènes nouveaux qui seraient potentiellement responsables de cette maladie. Et ce qui est nouveau également, que l’on a aussi montré dans notre laboratoire, c’est qu’il s’agit d’une maladie polygénique. C’est-à-dire qu’elle fait intervenir plusieurs variants génétiques. Ce qui est encore plus complexe."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.