Charlotte de Vilmorin : "Je suis à la fois religieuse et 100 % femme d’affaire"

Charlotte de Vilmorin, âgée de 34 ans, lutte pour favoriser l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
Article rédigé par Clara Crochet-Damais
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Charlotte de Vilmorin à son bureau à Newav (NEWAV)

Tétraplégique de naissance, Charlotte de Vilmorin se déplace en fauteuil roulant à cause d'une maladie génétique neuromusculaire. C'est une entrepreneuse qui milite pour une meilleure prise en compte des personnes en situation de handicap dans la politique publique. En mars 2024, elle publie chez Grasset un livre intitulé Ceci est mon corps

Franceinfo : Vous vous êtes fait connaître en publiant en 2015 un livre plein d'humour intitulé Ne dites pas à ma mère, que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque. Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Charlotte de Vilmorin : Après mon adolescence rebelle, et beaucoup dans le rejet de tout, j’ai eu besoin d’écrire pour extérioriser le mal-être de mon handicap de naissance.

En 2015 également, vous êtes devenue cheffe d'entreprise. Pouvez-vous ensuite nous raconter cette aventure ?

J’ai créé Weeliz en 2015 juste après le mariage d’une amie dans le sud.J’ai eu tellement de problèmes de transport pour y assister avec mon fauteuil ! J’ai alors décidé de monter un site de location de voitures adaptées aux personnes en fauteuil roulant. Cette histoire s'est arrêtée pour moi quand l’Association des paralysés de France, l’APF France handicap, a racheté Weeliz en 2020.

Début 2016, la Commission européenne vous a décerné le prix du meilleur projet d’innovation sociale en Europe

Je suis fière d'avoir reçu ce prix à 26 ans. J’étais la seule femme parmi les lauréats et la plus jeune ! Dans l’économie sociale et solidaire, il y a plus de femmes que dans d’autres domaines. Mais ces projets doivent être financés et dans la finance en général, il y a plus d’hommes que de femmes parce qu’on fait plus confiance aux hommes qu’aux femmes.

Forte de ce premier succès, vous vous lancez un nouveau défi. C’est ça ?

Oui, mais ma prochaine création, au sein de l'entreprise Newav, est encore top secret ! Elle s'inscrit toujours dans le domaine des transports pour personnes à mobilité réduite. En moins d’un an, j’ai réussi à convaincre des industriels  et des constructeurs du monde automobile. J’ai expérimenté le fait d’être la seule femme dans ce monde masculin de l’automobile. Et j’y ai trouvé ma place, malgré mon handicap, en tant qu’experte : je sais quels sont les besoins d’une personne en situation de handicap, je suis légitime.

Dans votre deuxième livre, Ceci est mon corps, vous racontez qu'il y a trois ans, votre handicap s’est aggravé avec la perte de votre indépendance pour manger

Un soir, avec des amis, mon bras droit s’est paralysé sur mon accoudoir. Impossible de le monter jusqu’à ma bouche… Ce jour-là j’ai su que j’allais être totalement dépendante des autres pour faire une chose que je savais faire depuis toujours comme tout le monde. 

Après l’humiliation que vous avez dû ressentir, la colère, vous expliquez que vous avez découvert une libération

Effectivement, mon handicap, dans mon itinéraire de foi, me donnait accès à un espace privilégié : je pouvais offrir quelque chose aux autres, je pouvais leur donner quelque chose. Dans mon livre d’ailleurs, je reprends les paroles d’un prêtre : "votre handicap nous permet de vous aimer car il nous permet de vous donner". Autrement dit, il met les autres en situation concrète de servir. Cela transforme beaucoup ma relation avec les autres. Cela transforme beaucoup ma foi. j’ai changé de regard sur tout, je me suis débarrassée des préjugés. J’aime trop la liberté de penser !

Vous avez même totalement changer de vie...

J’ai décidé de donner ma vie à Dieu. Je suis entrée dans le plus ancien ordre religieux : les Vierges consacrées. Nous sommes des religieuses au service des plus pauvres, des plus fragiles. Mais nous ne vivons pas en communauté, nous restons indépendantes, autonomes, comme des femmes émancipées qui s’assument.

Comment vous vous définiriez-vous aujourd’hui ?

Je suis à la fois religieuse et 100 % femme d’affaire, sans être dépendante d’un homme ou d’un groupe. Et puis, il y a India, je ne suis rien sans India, mon chien d’assistance ! J’ai une relation forte et non verbale avec ce chien, depuis neuf ans.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.