Reportage  "Est-ce que je suis capable d'appuyer sur le frein ?" : un simulateur permet à des personnes handicapées ou diminuées de tester leur capacité à conduire

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un simulateur de conduite présenté par Benjamin Malafosse, le directeur général du Ceremh, et l'ergothérapeute Marie Gawalkiewicz, à Plaisir dans les Yvelines. (ANNE-LAURE DAGNET / RADIO FRANCE)
Grâce à un simulateur développé par des chercheurs, des patients victimes d’un accident physique ou de maladies cognitives peuvent tester leurs capacités à conduire dans une trentaine de centres de rééducation.

Peut-on continuer de conduire quand on est diminué, après un accident ou à cause d'une maladie ? En France plus de 20 000 personnes auraient besoin chaque année d'une évaluation pour déterminer leurs capacités à conduire en toute sécurité pour eux et pour les autres. Des chercheurs ont mis au point un simulateur de conduite très précis qui leur permet aussi de bénéficier d'aménagements sur mesure dans leur véhicule.

Cela ressemble aux simulateurs de conduite qu'on trouve dans les salles de jeux vidéo avec un grand fauteuil noir, un volant et trois écrans mais cela n'a rien d'un jouet. La machine est équipée d'un logiciel haut de gamme et de toutes les options nécessaires pour les handicapés : joystick, cercle au volant, inversion de pédale. Elle a été mise au point par des spécialistes de la robotique.

Ce simulateur de conduite est utilisé dans une trentaine de centres de rééducation, comme à l'hôpital de Plaisir (Yvelines), où l'ergothérapeute Marie Gawalkiewicz teste les capacités d'un patient qui souffre de troubles cognitifs après un AVC. "Vous allez entendre un bruit. Lorsque vous entendez ce son, vous appuyez très vite et très fort sur la pédale de frein", explique l'ergothérapeute. Résultat du test : le temps de réaction est un peu long et le patient a eu du mal à appuyer sur la pédale de frein.

De nombreuses pathologies concernées

Ce sont les centres de rééducation qui ont réclamé un outil pour mieux tester les capacités de leurs patients. Après un accident qui laisse des séquelles physiques, mais aussi après un infarctus, un AVC, en cas de diabète ou d'épilepsie, une évaluation est obligatoire avant de pouvoir conduire c'est la loi. Il y a toute une liste de pathologies concernées.

La plupart du temps, ce sont des médecins agréés qui examinent le patient et qui demandent éventuellement un test de conduite dans une auto-école spécialement équipée. Mais les résultats sont loin d'être aussi pointus qu'avec ce simulateur, mis au point par le centre de ressources et d'innovation mobilité handicap (Ceremh) une association qui défend la mobilité des handicapés. "On va regarder si vous êtes capable de suivre une cible, de maintenir le volant ou d'appuyer sur les pédales et sur un joystick", explique le président du Ceremh, Eric Monacelli. Ce professeur à l'université de Paris-Saclay, spécialiste en robotique interactive, a imaginé cette machine.

"On va regarder aussi les doubles tâches : par exemple, est-ce que je suis capable d'appuyer sur le frein lorsque je tourne le volant ? Et là, on commence à rentrer dans des choses qui sont un peu plus cognitives. Donc on va définir des profils et on va définir des adaptations. Et tout ça se retrouve dans le véhicule."

Eric Monacelli, président du Ceremh

à franceinfo

Pour bénéficier de ces aménagements dans leur voiture, les personnes qui rencontrent des difficultés à conduire doivent souvent se débrouiller toutes seules. Antoine Vernier enseigne la conduite au Ceremh, et il voit bien l'utilité de ce simulateur : "Il y a des personnes qui sortent du centre qui ont été évaluées sur le simulateur mais qui ne trouve pas d'autos-écoles adaptées avec des aménagements qui leur correspondent. Souvent elles vont voir directement l'équipementier qui va aménager le véhicule et il y a la possibilité de régulariser son permis auprès de l'inspecteur avec son propre véhicule."

Des réticences chez certains patients

Ce simulateur de conduite va donc aider les personnes qui ont des handicaps, mais ce n'est pas forcément comme ça que les patients l'appréhendent. Car c'est à la fois une aide à la conduite et un couperet qui définit si oui ou non vous pouvez conduire. Or il faut se faire évaluer dans de nombreux cas de figure, pas seulement après un accident qui vous laisse paralysé. C'est vrai aussi en cas de maladie d'Alzheimer ou de sclérose en plaques, toutes les maladies dégénératives sont visées.

Marie Gawalkiewicz voit bien que chez certains patients, il y a une forme de déni. "Il y a des patients qui sont plutôt contents d'avoir une évaluation sur un outil qui leur permet performant, raconte l'ergothérapeute. Et puis il y a des patients qui sont réticents et qui ont peur de ce que ça implique derrière au niveau du coût financier ou du changement dans les habitudes de vie qui sont là depuis longtemps. On a quelquefois des gens qui nous disent qu'ils conduisent depuis 30 ans et qu'ils savent conduire. Mais là n'est pas la question."

"Avec les difficultés médicales ou l'âge tout simplement, il y a quelquefois des aptitudes qui changent  au niveau visuel ou moteur. C'est ce que l'on teste sur le simulateur."

Marie Gawalkiewicz, ergothérapeute

à franceinfo

Ce super simulateur va être perfectionné pour capter tous les signaux physiologiques du conducteur : son activité cérébrale, cardiaque ou musculaire. À terme, il pourra être utilisé pour tester les capacités des personnes âgées à conduire. En France il n'y a pas d'âge limite pour conduire, ni de visite médicale obligatoire. Les plus de 75 ans peuvent passer des tests de conduite sans y être contraints pour l'instant.

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