Crise de la pédiatrie : à Marseille, "on ne fait plus de chirurgie non-urgente" chez les enfants, annonce le professeur Jean-Luc Jouve
Le professeur Jean-Luc Jouve, chirurgien-pédiatre a fait annuler une centaine d'opérations non urgentes d'enfants à Marseille, les services de chirurgie étant saturés d'enfants atteints de bronchiolite.
"On ne fait plus de chirurgie non-urgente actuellement chez nous. J'ai fait annuler toutes les interventions chirurgicales chez des enfants qui n'étaient pas urgentes", affirme mercredi 30 novembre sur franceinfo le professeur , chirurgien-pédiatre, président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HM, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille. Il fait partie des 10 000 soignants signataires de la lettre adressée à Emmanuel Macron dans le journal Le Monde qui alerte sur la crise de la pédiatrie.
"Les blocs opératoires sont déserts et les services de chirurgie sont pleins d'enfants porteurs de bronchiolites", ajoute le médecin qui parle donc d'une "centaine" d'annulations par semaine. Ces mesures sont les mêmes que celles mises en place pendant le Covid mais avec une différence, selon Jean-Luc Jouve, "c'est que cette épidémie [de bronchiolite] elle est annuelle, régulière, attendue mais on n'a aucun pool de réserve cette année qui nous a permis de l'encaisser."
Pour faire face à la situation, le médecin n'attend donc pas de discours "ni de grandes assises avec un Ségur ou un Grenelle de la pédiatrie ou de l'hôpital public, ce qu'on attend ce sont des réformes de fond qui doivent s'étaler sur un ou plusieurs quinquennats mais il faut des signaux forts."
Donner envie aux jeunes générations de venir
D'après lui, il faut surtout redonner envie aux jeunes générations de se lancer et aux soignants de rester.
"Actuellement, chez moi, il manque 50 infirmières sur 250 à l'hôpital d'enfants et donc la conséquence c'est qu'on a 20 lits fermés."
Le professeur Jean-Luc Jouve, chirurgien-pédiatre à l'AP-HMà franceinfo
Le professeur le repète, "il faut donc une réforme de fond qui passe par une refonte des relations qu'on a avec le libéral qui doit participer et venir en appui de l'hôpital public." Mais pas seulement, la "formation, l'attractivité des carrières" sont aussi des leviers à actionner. Si rien n'est fait, les conséquences seront sans appel.
Le professeur s'appuie sur des exemples concrets de son quotidien au travail pour étayer son propos : "Dans mon service, tous les matins les infirmières nous disent 'Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on reste ?' On a beaucoup de mal à les faire rester, on se parle beaucoup et il n'y a pas que les infirmières, il y a aussi mes jeunes assistants qui me disent 'Que fait-on si on ne peut pas opérer ?'" Des questions qui montrent bien la complexité du contexte actuel. Un contexte qui "terrifie" Jean-Luc Jouve. "Ce n'est plus 2019 où on descendait dans la rue. On est dans une période de résignation. C'est-à-dire qu'un matin, une infirmière, après la visite, passe dans votre bureau pour vous dire qu'elle s'en va pour s'installer en ville parce qu'elle n'en peut plus", explicite Jean-Luc Jouve.
Une situation alarmante qui peut encore être résolue : "Ce n'est pas impossible à arrêter, il suffit d'avoir des réformes fortes qui ne se limitent pas à un discours mais à des réformes. On a l'impression d'aller de rustines en rustines alors que si on veut garder la qualité de soins que l'on a, il faut des réformes de fond."
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