Reportage "C'est une bombe à retardement" : des soignants marseillais alertent sur la fermeture de lits en hôpital psychiatrique

Alors que le Premier ministre Michel Barnier est en visite jeudi à Poitiers pour parler de la santé mentale, grande cause nationale de l’année 2025, le secteur psychiatrique s’enfonce dans la crise avec une pénurie de personnel et de moyens.
Article rédigé par Mathilde Vinceneux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'entrée de l'hôpital Edouard-Toulouse, à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 28 décembre 2008. (MICHEL GANGNE / AFP)

Derrière ses grandes grilles blanches, le centre hospitalier Edouard-Toulouse est à Marseille le seul établissement à prendre en charge les malades psychiatriques des quartiers nord, qui sont parmi les plus pauvres de France. Mais malgré des besoins criants, une unité d’admission va bientôt y fermer ses portes, en raison du départ récent d’un médecin psychiatre.

"On va fermer douze lits. Que va-t-on faire avec les patients qui ont besoin de soins et qui sont en attente ?", demande Yasmina, infirmière de nuit dans l’unité concernée. Elle alerte sur les risques de voir des patients rester dehors : "On a l'exemple d'un monsieur qui a mis son matelas devant l'hôpital et a dormi devant l'hôpital cette nuit. Ça veut dire 'j'ai besoin d'être hospitalisé, je ne suis pas bien'. Mais comme ce n'est pas le pire, on va différer l'urgence", explique-t-elle. "Si nous on n'existe pas, les patients vont de plus en plus mal et les patients qui vont mal, dans le cas d'un schizophrène, généralement, il va s'en prendre à lui-même, ajoute Yasmina.

"Il y a des patients schizophrènes qui finissent par avoir peur de l'autre. Et pour se défendre, ils prennent un couteau et ils 'plantent'."

Yasmina, infirmière à l'hôpital psychiatrique Edouard-Toulouse

à franceinfo

La fermeture de lits psychiatriques met en danger les patients, les soignants, mais aussi la société, martèle Kader Benayed, du syndicat Sud-Santé à l’hôpital Edouard-Toulouse. "Aujourd'hui, c'est devenu une bombe à retardement parce qu'on fait sortir des patients non stabilisés pour faire entrer des patients plus en crise, prévient-il. On déplace les problèmes et aujourd'hui, ça se répercute beaucoup en faits divers. Je peux vous dire que j'ai peur pour ma ville". 

Une prime pour attirer les soignants dans les secteurs difficiles ?

De son côté, la direction assure que la fermeture des lits n’est que provisoire, le temps de recruter des médecins dans l’unité concernée. La situation est devenue intenable, avec seulement cinq psychiatres en poste, lorsqu’il en faudrait 12. "On n'arrive plus à faire face", confie la cheffe du pôle Littoral Nord d'Edouard-Toulouse. Il n’y a pas d'autre choix, explique Thierry Acquier le directeur de l’hôpital. "On ne peut pas garder ouvert un service sans médecin, confirme-t-il. C'est impossible en psychiatrie, particulièrement sur les quartiers nord, qui sont souvent des malades un peu difficiles".

Des malades de plus en plus difficiles, affirme même Yasmina, pour qui la psychiatrie n’est que le miroir de la dégradation des conditions de vie dans ces quartiers. "On paye la paupérisation des quartiers. Nous, ça fait des années qu'on réclame une prime pour attirer les soignants". Une prime spécifique pour les soignants dans les secteurs difficiles : la demande est soutenue par la direction de l’hôpital, mais jusqu’ici il n’y a jamais eu de réponse politique. 

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