Services d'urgences fermés : "il y a une dégradation qu'on a jamais vue sur l'offre de soins", dénonce Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins irgentistes
Le président de l'Association des Médecins Urgentistes de France, Patrick Pelloux, dénonce ce dimanche sur franceinfo "une dégradation qu'on a jamais vue sur l'offre de soins au niveau des urgences", alors que plusieurs services ferment partiellement ou totalement ce week-end.
franceinfo : Des urgences fermées la nuit ou le week-end à Carpentras, Vitré, Argentan... Cela va-t-il devenir la norme ?
Patrick Pelloux : C'est un peu la volonté du ministre de la Santé [François Braun]. On pourrait rajouter Carhaix, Pontivy, Lannion, Guingamp... C'est toute la France. On a déjà connu ça l'année dernière. Évidemment, ils ont mis la poussière sous le tapis quand on s'est aperçu qu'il y avait une surmortalité de 50 000 personnes l'année dernière. C'est une première. Maintenant, les services d'urgences, qui sont quand même la garantie du service public, c'est : "débrouillez-vous !". Lorsque vous avez un service d'urgences qui ferme, les secours vont emmener les personnes sur un autre service d'urgences. Donc c'est le jeu des dominos. Il y a une structure qui est tombée, les autres vont tomber car du coup, il y a un encombrement absolument massif dans les services des urgences qui restent.
Y a-t-il des raisons de s'inquiéter pour sa santé ?
Mais oui ! Maintenant, ça ferme de partout, que ce soit la ville ou la campagne. Vous vous dites qu'il y a un hôpital, que vous êtes en sécurité. Là, vous créez l'insécurité et le mécontentement. Quand vous avez des malades suivis dans un hôpital et qui doivent aller dans un autre, il ne faut pas oublier qu'on est au degré zéro de l'informatique et de la collaboration entre les services, donc on n'a pas le dossier, on va refaire les examens, du coup, on va garder le malade. Il y a une dégradation qu'on a jamais vue sur l'offre de soins au niveau des urgences. L'Etat est contradictoire avec la loi de 2013 qui disait que tout Français doit être à 30 minutes maximum d'une structure d'urgence. Ils ont piétiné la loi. Certaines structures sont ouvertes un jour sur deux. Les médecins s'en vont car les statuts ne sont plus attractifs, qu'ils gagnent beaucoup plus dans le privé ou via des systèmes de téléconsultation. Les personnels sont épuisés parce que les conditions de travail se sont aggravées. Les urgences sont la variable d'ajustement de tous les dysfonctionnements du système. Quand le ministre de la Santé dit : "téléphonez au Samu et aux fameux sas de régulation", on dit ensuite aux gens d'aller aux urgences parce qu'on n'a pas d'autre solution.
Les directeurs d'hôpitaux estiment voir leurs services désorganisés par le plafonnement des salaires des médecins intérimaires : ça complique les choses ?
C'était n'importe quoi, on avait mis un système concurrentiel ultra libéral, ce qui fait que vous aviez des médecins hospitaliers qui travaillaient la nuit pour 250 euros, et un qui arrivait par une boîte d'intérim et disait "moi je touche 4 000 euros". Aujourd'hui, ça désorganise les services car derrière, il fallait rendre plus attractifs les métiers, notamment ceux qui font des gardes de nuit. Il n'y a pas que les urgentistes, il y a aussi les chirurgiens. Il y a bien une volonté depuis des années de casser l'attractivité des praticiens hospitaliers et des médecins. Cette année, le Centre national de gestion, qui gère les carrières des médecins hospitaliers, a alerté en disant qu'ils n'ont jamais eu aussi peu de candidats sur les postes de la fonction publique. C'est terrible. pour les gens, à qui on dit : "au lieu de vous emmener au service des urgences qui est à côté de chez vous, vous allez faire 60 kilomètres". C'est d'une violence absolument abjecte pour des personnes âgées, des familles qui n'ont pas de voiture. Le sas de régulation au Samu, c'est un leurre. L'ultra régulation, ça a ses limites. Le ministre répond : "je sais mais on n'a pas d'autres solutions". Je ne suis pas du tout d'accord sur l'évolution qu'il fait prendre au service hospitalier. Nous sommes un service public au service de la population. Et ça, je pense qu'ils l'ont quand même un petit peu oublié.
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