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Lycéens pris de malaises et de convulsions dans le Jura : un médecin explique le "syndrome psychogène collectif"

Lors d'un cross scolaire en octobre dernier, dix-sept collégiens ont été pris de douleurs inexpliquées. L'enquête a finalement conclu lundi à un "syndrome psychogène collectif". Nous avons interrogé Stéphane Erouart, médecin de santé, sur cet effet de groupe. 

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
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Stade attenant au collège Pierre-Hyacinthe Cazeaux, à Morbier, le 4 octobre 2019. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Ils étaient quatre-vingt-dix élèves du collège Pierre-Hyacinthe Caseaux, à Morbier (Jura), à s'élancer dans la course, le 3 octobre dernier. Soudain, dix-sept d'entre eux ont ressenti des douleurs, pris de convulsions et de malaises, après avoir bu à un stand de ravitaillement. Face à l'ampleur de la crise, le cabinet du préfet a activé le dispositif Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile). Cinq collégiennes ont été hospitalisées, dont une avec un pronostic vital engagé. Elle est sortie de l'hôpital quelques jours plus tard.

Une enquête pour "blessures involontaires" a été ouverte et, trois mois plus tard, le 13 janvier, l'affaire a été classée sans suite par le parquet de Lons-le-Saulnier. La piste d'un agent toxique dans les boissons distribuées lors du cross écartée, le procureur a indiqué que les malaises ont été "consécutifs à un syndrome psychogène collectif." Un phénomène sur lequel franceinfo a interrogé Stéphane Erouart, médecin de santé à l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie. Il a notamment corédigé une étude sur le syndrome collectif inexpliqué, pour l'Institut de veille sanitaire (INVS).  

Franceinfo : Qu'est ce qu'un syndrome psychogène collectif ?

Stéphane Erouart : Initialement, on nommait ce phénomène le "syndrome collectif inexpliqué". Aujourd'hui, on parle plutôt de "syndrome collectif". Ce syndrome, face à une situation perçue comme dangereuse, est une façon de réagir au stress et à l'angoisse provoqués par cette perception. Il est composé d'un ensemble de manifestions somatiques avec des signes spécifiques, comme des maux de tête ou de ventre, des malaises ou encore des troubles neurologiques. C'est un peu comme une émotion qui provoque une rougeur sur le visage. 

Le syndrome collectif n'est pas un diagnostic par défaut, il est posé après avoir éliminé toutes les autres causes potentielles.

Stéphane Erouart, médecin de santé à l'ARS

Quels sont les facteurs déclencheurs ?

Souvent, il y a un cas sanitaire au départ, comme une gastro-entérite, une migraine avec vomissement, un malaise vagal ou un accident cardiovasculaire. On retrouve également, comme facteur déclenchant, l'environnement. Si l'événement se déroule dans un milieu fermé, par exemple, avec de fortes odeurs de peinture ou de produits ménagers. Cela peut être aussi renforcé par un contexte social difficile, dans une entreprise qui est en pleine phase de licenciements, par exemple. Autrefois, nous nommions cela le "syndrome du bâtiment malsain".

C'est tout un ensemble de facteurs qui vont amener le développement du phénomène de 'syndrome collectif'.

Stéphane Erouart

Ensuite, la gestion même de l'épisode peut contribuer au développement du "syndrome collectif", comme l'intervention des pompiers ou du Samu auprès du premier cas malade. Car tout ce qui valide l'hypothèse d'un événement grave renforce le phénomène. Par la vue et par la connaissance de ce qu'il s'est passé, les personnes, stressées et angoissées, vont avoir des réactions symptomatiques, des signes physiques ressentis. Ce qui va leur confirmer qu'il y a potentiellement quelque chose de grave.

Y a-t-il des publics plus exposés ?

Tout le monde peut être concerné par ce phénomène. Cependant, les femmes et les jeunes y sont plus sensibles. Cela arrive réguliérement dans les écoles, comme les gymnases, où le phénomène collectif est impressionnant et peut être accentué par la panique du personnel encadrant. 

Comment les secours gèrent-ils ce type d'événement ?

Sur les lieux, pompiers et Samu doivent d'abord éliminer le plus rapidement possible les causes environnementales (intoxication, microbiologie...). L'idéal pour les équipes de secours, c'est de disposer d'une description factuelle de l'événement avec l'heure, le lieu et le facteur déclencheur. Car tout le temps écoulé à comprendre ce qui se passe contribue à la montée du phénonème sur les autres personnes présentes. 

La psychose peut s'étendre rapidement sur une journée. Il peut même y avoir des phénomènes de récidive plusieurs mois après l'acte initial. Chaque nouveau phénomène venant valider qu'il se passe quelque chose de grave.

Stéphane Erouart

Une fois que les patients sont sortis du contexte angoissant, voire placés en milieu hospitalier, les phénomènes physiques disparaissent. Le fait de leur expliquer ce qu'est le "syndrome collectif" les rassure. Une meilleure connaissance de ce phénomème fait aussi que nous avons de moins en moins besoin de mettre en place des investigations, comme ce fut le cas pour les élèves du collège jurassien.

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