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Agnès Buzyn et son mari, Didier Raoult et la chloroquine… On a examiné au microscope les 20 affirmations d'un message censé prouver un "scandale d'Etat"

Les allégations contenues dans un message devenu viral sur les réseaux sociaux sont soit fausses soit imprécises. Mais, surtout, elles ne prouvent rien.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 27min
Didier Raoult, directeur de l'IHU Méditerranée Infection de Marseille, le 26 février 2020 dans son bureau. (GERARD JULIEN / AFP)

"Si tous ces faits sont confirmés, nous allons vers l'un des plus grands scandales d'Etat que la France ait connus", affirme le message qui s'est propagé sur les réseaux sociaux, tel un coronavirus en pleine pandémie. La publication, dont la "source" serait un certain "Christophe Brochard", se résume à une longue liste de vingt affirmations, au sujet de la polémique chloroquine et des travaux controversés du médiatique chercheur marseillais Didier Raoult sur ce médicament présenté par certains comme un remède au Covid-19. Ces allégations disent-elles vrai ou "fake" ? Voici les réponses de franceinfo.

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1"Le mari d'Agnès Buzyn, monsieur Lévy, participe à l'inauguration du laboratoire P4 à Wuhan d'où le virus est sorti."

En partie faux. L'Institut de virologie de Wuhan dispose bien d'un laboratoire classé P4, c'est-à-dire "pathogène de classe 4", dans lequel les chercheurs chinois peuvent étudier en toute sécurité les micro-organismes les plus dangereux de la planète, comme le virus Ebola. La construction de ce laboratoire P4, le premier du genre en Chine, a été décidée après la meurtrière épidémie de Sras de 2003. Le projet a vu le jour grâce à un partenariat avec la France, et plus précisément l'Inserm, qui dispose d'un laboratoire de ce type à Lyon.

Le laboratoire P4 de Wuhan a ouvert en 2015 et a obtenu son accréditation deux ans plus tard, en 2017. A cette occasion, le Premier ministre de l'époque, Bernard Cazeneuve, a visité les lieux en compagnie d'une délégation française. Le président-directeur général de l'Inserm, Yves Lévy – qui est aussi le mari d'Agnès Buzyn – était présent, comme l'indique le texte du discours prononcé par le chef du gouvernement et comme le prouve une vidéo filmée sur place et mise en ligne sur le site de Matignon (à 00:10). Yves Lévy n'a en outre été nommé à la tête de l'Inserm qu'en 2014, comme l'atteste le décret de nomination. Soit un an seulement avant l'ouverture du laboratoire et, surtout, plus d'une décennie après le lancement du chantier.

Quant au laboratoire P4 de Wuhan, il permet, comme son nom l'indique, de manipuler des agents pathogènes classés 4. Or, le coronavirus Sars-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19, est un virus de classe 3. Il n'a donc aucune raison de se trouver dans un laboratoire P4 ; un P3 – comme il en existe dans les hôpitaux universitaires – suffit, a expliqué à franceinfo Astrid Vabret, cheffe du service de virologie du CHU de Caen. L'Institut de virologie de Wuhan a également démenti "ces rumeurs [qui] ont gravement nui à [ses] chercheurs en première ligne et sérieusement perturbé [sa] mission de recherche pour combattre l'épidémie".

Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, visite le laboratoire P4 de Wuhan (Chine), le 23 février 2017. Yves Lévy, président-directeur général de l'Inserm, est présent à sa gauche à l'arrière-plan. (JOHANNES EISELE / AFP)

2"Avant cela, le même mari d'Agnès Buzyn s'est fâché avec Didier Raoult, en refusant les labels de l'Inserm au centre de recherche mondialement réputé (IHU) dirigé par le professeur Didier Raoult."

A nuancer. En 2018, l'Inserm, présidé par Yves Lévy, a retiré à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, dirigé par Didier Raoult, son label, qui plaçait le centre de recherche sous la tutelle de l'institution parisienne, tout en lui assurant une dotation budgétaire.

Pour le journaliste Hervé Vaudoit, auteur d'un livre sur l'IHU de Marseille et cité par Le Monde, les critiques de Didier Raoult à l'encontre d'Agnès Buzyn et d'Yves Lévy, suspectés de conflit d'intérêts, ne sont pas étrangères à la perte de ce label. L'Inserm explique pour sa part au Monde que la décision a été prise après des évaluations de commissions scientifiques.

Cette même année, le CNRS – qu'Yves Lévy n'a jamais dirigé – a également retiré son label à l'IHU de Marseille. Là aussi, après des rapports d'expertise, indique Le Monde. Avec, en toile de fond, une affaire, révélée par Marsactu, de harcèlement et d'agression sexuelle impliquant un chercheur qui a depuis quitté l'IHU.

3"En octobre 2019, il faut savoir que monsieur Lévy, président de l'Inserm et mari de la ministre, a révoqué le statut de 'fondation' des IHU, pour reprendre le contrôle sur leurs recherches – le professeur Raoult dirige l'IHU de Marseille et est visé directement par cette directive."

Faux. Un différend a bien opposé Yves Lévy à Didier Raoult. Lorsqu'il présidait l'Inserm, de 2014 à 2018, le premier était hostile au statut de fondation qui confère une certaine autonomie aux IHU, comme l'IHU Méditerranée Infection de Marseille, dirigé par le second. 

D'après le journaliste Hervé Vaudoit, Yves Lévy "plaidait" pour l'abandon de ce statut. Didier Raoult, lui, le défendait. "Les IHU sont une réussite internationalement reconnue, avant tout car nous avons une souplesse de fonctionnement", estimait-il dans Marianne, avant de dénoncer : "Les IHU sont un enjeu d'autorité et de territoire pour Yves Lévy. Il voudrait les diriger depuis Paris."

En 2017, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et sa collègue de la Recherche, Frédérique Vidal, annoncent, au détour d'un communiqué, que les nouveaux IHU ne bénéficieront plus de ce précieux statut. Or Agnès Buzyn n'étant autre que l'épouse d'Yves Lévy, le soupçon du conflit d'intérêts plane, comme le rapporte alors Le Monde. Matignon finit par intervenir, désavouant la ministre, relate Marianne.

Les IHU comme celui de Marseille ont donc toujours le statut de fondation. En 2018, Yves Lévy a été candidat à sa propre succession à la tête de l'Inserm. Mais son épouse, Agnès Buzyn, étant toujours ministre de la Santé, les accusations de conflit d'intérêts ont redoublé, jusque dans les colonnes des revues scientifiques internationales The Lancet ou Nature. Yves Lévy a fini par renoncer et a quitté l'Inserm.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, accompagnée de son époux, Yves Lévy, le 1er juillet 2018 à Paris, lors de l'entrée au Panthéon de Simone Veil. (LUDOVIC MARIN / AFP)

4"Le professeur Didier Raoult montre que le classique médicament de la chloroquine soigne 90% des cas de coronavirus s'ils sont dépistés assez tôt, il s'oppose au confinement généralisé des porteurs sains qu'il juge digne du Moyen Âge. Il prône un dépistage généralisé, et un traitement rapide avec la chloroquine, et avec confinement des seuls malades."

En partie faux. Les travaux sur l'hydroxychloroquine – ce dérivé de la chloroquine, un médicament contre le paludisme publiés par Didier Raoult n'aboutissent pas à cette conclusion. Dans la première étude, qui porte sur un échantillon de 20 malades soignés au sein de l'IHU marseillais, il est indiqué qu'après six jours de traitement, "70% des patients traités par l'hydroxychloroquine étaient guéris virologiquement". Dans la seconde publication, qui porte cette fois sur 80 patients, il est écrit que "la majorité des patients (81,3%) avaient des résultats favorables et sont sortis de notre unité avec de faibles scores infectieux".

Les travaux de Didier Raoult et de son équipe sont en outre critiqués pour leurs faiblesses méthodologiques. Deux études chinoises récentes ont montré que "dix jours après le début des symptômes, 90% des gens qui ont une forme modérée ont une charge virale contrôlée", explique à l'AFP l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherche à l'Inserm. Le fait d'aboutir à des résultats similaires sous hydroxychloroquine "ne plaide pas pour un effet majeur de l'hydroxychloroquine sur la charge virale".

Une vaste partie de la communauté scientifique et des organisations sanitaires, notamment l'Organisation mondiale de la santé ou le Haut Conseil de santé publique en France, appellent à attendre une validation scientifique rigoureuse, et mettent en garde contre les risques possibles pour les patients.

Didier Raoult est également à contre-courant des politiques sanitaires nationales et internationales. Il est en effet hostile au confinement. "L'idée du cantonnement des gens pour bloquer les maladies infectieuses n'a jamais fait ses preuves. On ne sait même pas si ça fonctionne", assure-t-il dans Le Parisien. Et son IHU propose le dépistage systématique de toutes les personnes "fébriles" qui s'y présentent.

5"La chloroquine coûte 10 centimes le comprimé ; il est sûr que les laboratoires qui financent l'Inserm cherchent des solutions bien plus coûteuses."

Faux. En France, l'hydroxychloroquine est commercialisée par le laboratoire Sanofi sous le nom de Plaquenil. La boîte de 30 comprimés coûte 5 euros, d'après la base de données publique des médicaments. Elle est actuellement remboursée à 65%.

L'essai clinique européen en cours teste l'hydroxychloroquine, le remdésivir (un traitement mis au point pour le virus Ebola) et le Kaletra (un antirétroviral utilisé contre le VIH). Soit seuls, soit en combinaison avec l'interféron bêta (une protéine d'origine naturelle produite par l'organisme en réponse aux infections). Le remdésivir est produit par le laboratoire américain Gilead et le Kaletra par le laboratoire Abbvie, branche du groupe américain Abbott. Le premier n'est pas commercialisé en France. Le second coûte 434 euros ou 186 euros sous sa forme générique pour une boîte de 120 comprimés, remboursée à 100% par la Sécurité sociale.

L'Inserm est certes en partie financé par l'industrie pharmaceutique, mais à hauteur de 7% seulement de son budget. L'Union européenne (23%), l'Agence nationale de la recherche (18%) et les associations et fondations (14%) sont ses principales sources de financement.

Un membre du personnel médical de l'IHU Méditerranée Infection de Marseille montre des plaquettes de Nivaquine et de Plaquenil, le 26 février 2020. (GERARD JULIEN / AFP)

6"Le 13 janvier 2020, alors que l'épidémie se répand en Chine, Agnès Buzyn classe la chloroquine (le fameux remède) dans les substances vénéneuses (disponible seulement sur ordonnance), alors que cela fait cinquante ans qu'elle est en vente libre."

Faux. Comme l'a déjà expliqué franceinfo, l'hydroxychloroquine a bien fait l'objet d'un arrêté en janvier 2020 pour être placée sur la liste II des substances "vénéneuses". La chloroquine, elle, est classée sur cette liste depuis 1999. Cette liste II des substances vénéneuses permet d'encadrer la prescription des médicaments dont "les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale". Cela n'empêche pas sa prescription précise par ordonnance, à un dosage non nocif.

Cette nouvelle classification n'a en outre pas été décidée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Il s'agit de l'application d'une demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) validée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en novembre 2019.

7"Il y a quelques semaines, Agnès Buzyn a dit avoir su que ce serait une hécatombe, et qu'il n'y avait pas de remède."

Faux. Agnès Buzyn n'a jamais tenu ces propos. Après le premier tour des élections municipales, la candidate de la majorité présidentielle à Paris s'est confiée au Monde, revenant sur ses derniers jours de ministre de la Santé en pleine épidémie. "Quand j'ai quitté le ministère, assure-t-elle, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous", raconte-t-elle entre autres.

Le mot "hécatombe" apparaît sous la plume de l'avocat Régis de Castelnau dans un billet d'opinion sur le site de Marianne, revenant sur les déclarations de l'ex-ministre. "On peut déduire de ses propos le caractère criminel du comportement des décideurs publics dont c'était la responsabilité de prendre toutes les mesures permettant d'affronter la catastrophe et d'éviter une hécatombe", écrit l'avocat.

Il n'existe à ce jour aucun traitement spécifique contre le Covid-19. Des essais cliniques sont en cours dans le monde entier, notamment autour de l'hydroxychloroquine. Les chercheurs tentent également de créer un vaccin.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 8 février 2020 à Matignon (Paris), à l'occasion d'un point presse sur l'épidémie de Covid-19. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

8"Le gouvernement de Macron fait un confinement généralisé de la population, il ne parle pas de la chloroquine."

Faux. Comme de nombreux autres pays dans le monde, la France a opté pour le confinement de sa population, afin de tenter de contenir la pandémie de coronavirus. La chloroquine, ou plutôt son dérivé l'hydroxychloroquine, n'est pas écartée pour autant par les autorités. Son administration contre le Covid-19 a été autorisée, mais uniquement à l'hôpital et seulement pour les cas graves. La France participe également à l'essai clinique européen Discovery, qui teste notamment l'intérêt de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19. Plusieurs hôpitaux français, à Paris, Lille, Strasbourg, Lyon et Nantes, entre autres, sont impliqués dans ces recherches, qui doivent inclure environ 800 patients français. 

9"Il affirme que les policiers ne doivent pas porter de masques (ils ont été volés pour la plupart, et il n'y en a même pas pour les soignants)."

Faux. La règle pour les policiers est la suivante, comme l'indique l'entourage du ministre de l'Intérieur à l'AFP : "Les forces de l'ordre doivent veiller à respecter les gestes barrières et sont équipées de kits de protection à utiliser uniquement en cas de besoin, lors d'un contact avec une personne présentant un ou des symptômes du Covid."

Le ministère de l'Intérieur a fait le choix de donner son stock de 1,4 million de masques FFP2 au personnel soignant, en accord avec la doctrine gouvernementale. Cette décision a provoqué l'émoi et la colère chez les syndicats policiers, qui ont demandé à leur tutelle de fournir des moyens de protection en remplacement.

Depuis, Christophe Castaner a déclaré sur France 2 avoir livré 800 000 masques chirurgicaux aux forces de l'ordre. Selon l'entourage du ministre, un million de masques doivent arriver de Chine le week-end du 4 avril avant d'être distribués aux policiers et gendarmes. Par ailleurs, 300 000 autres masques ont été récupérés par la place Beauvau, après un don de La Poste, selon un courrier consulté par l'AFP. 

10"Il refuse le dépistage de masse, pourtant pratiqué allègrement en Corée et en Allemagne, avec succès."

A nuancer. L'Organisation mondiale de la santé a mis l'accent sur l'importance des tests dans la lutte contre la maladie. Ces dernières semaines, la Corée du Sud a été citée en exemple, notamment pour sa campagne massive de dépistage. Cette politique a permis à Séoul de freiner l'épidémie et d'éviter les mesures extrêmes de confinement aux lourdes conséquences sociales et économiques. 

Mais pour être efficace, une telle stratégie doit être instaurée rapidement, avant qu'un trop grand nombre de cas ne la rende plus compliquée à mettre en œuvre. Faute d'avoir eu les capacités techniques de dépister massivement la population au début de l'épidémie, la France a testé de manière beaucoup plus limitée. Des voix se sont élevées pour déplorer un nombre de tests trop faibles.

La France prévoit désormais une montée en puissance du dépistage qui devrait coïncider avec la fin du confinement. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, table sur "50 000 tests" classiques par jour d'ici fin avril, auxquels s'ajouteront "plus de 100 000" tests rapides par jour "au mois de juin".

11"Il refuse de fermer les frontières avec les pays contaminés."

Faux. Les dirigeants européens ont décidé de fermer les frontières extérieures de l'Union, le 17 mars, lorsque la France est entrée en confinement, afin de tenter d'endiguer l'épidémie. Seules les frontières de l'Hexagone restent ouvertes. Mais les mouvements de population sont très limités. Le confinement est la règle en Italie comme en Belgique, l'Allemagne a rétabli ses contrôles aux frontières et l'Espagne a fermé les siennes. De toute façon, l'Europe est désormais l'épicentre de la pandémie avec les Etats-Unis. De l'avis des experts, la fermeture des frontières permet tout au plus de retarder l'arrivée d'une épidémie sur le sol national.

Un contrôle de police à la frontière franco-belge, le 26 mars 2020, près de Lille. (SYLVAIN LEFEVRE / HANS LUCAS / AFP)

12"Le journal 'Le Monde' et l'Agence d'Etat de la santé qualifient les recherches du professeur Raoult de 'fake news', avant de se rétracter."

Faux. Le Monde a démenti. Le journal a qualifié de "trompeur" le titre d'une vidéo de Didier Raoult, intitulée "Coronavirus : fin de partie". Le scientifique y estimait que le Covid-19 "est probablement l'infection respiratoire la plus facile à traiter". Dans le cadre de son partenariat de fact-checking avec Facebook, le quotidien a signalé ce contenu litigieux au réseau social. Le titre de la vidéo a par la suite été modifié et Le Monde a retiré son avertissement.

L'"Agence d'Etat de la santé", elle, n'existe pas. Parmi les agences sanitaires françaises, ni la Haute Autorité de santé (HAS), ni l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), ni le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) n'ont utilisé le terme "fake news" au sujet des recherches de Didier Raoult.

13"Le professeur François Perrone révèle il y a quelques jours sur LCI que le stock de chloroquine de la pharmacie centrale française a été pillé."

Faux. Comme l'a déjà expliqué franceinfo, Christian Perronne (et non François), chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), a bien déclaré sur LCI que les stocks de chloroquine avait été pillés, laissant à penser qu'il y avait eu un vol. Mais le médecin a par la suite indiqué à Libération avoir simplement voulu faire état de l'absence de stocks dans les pharmacies centrales de l'AP-HP.

14"Ailleurs dans le monde, la semaine dernière, grâce à un tweet d'Elon Musk, en 48 heures, Donald Trump met à disposition de tous les Américains la chloroquine."

Faux. Le patron de Tesla, Elon Musk, a bien écrit dans un tweet le 16 mars qu'il valait "peut-être la peine de considérer la chloroquine" comme traitement contre le Covid-19, en mentionnant une étude chinoise. Le président américain Donald Trump, lui, vante clairement les mérites de ce médicament, qui "pourrait changer la donne", selon lui. Mais rien ne prouve que le premier milliardaire ait influencé le second. Le locataire de la Maison Blanche n'a pas non plus "mis à disposition" de ses concitoyens ce médicament.

La Food and Drug Administration (FDA), l'organisme fédéral qui supervise la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis, a autorisé dimanche la chloroquine et l'hydroxychloroquine, mais uniquement à l'hôpital. Plus tôt, la FDA avait surtout un peu tempéré l'enthousiasme du chef de l'Etat, en soulignant que le traitement n'avait pas été approuvé pour le coronavirus.

Les propos présidentiels ont même conduit à la mort d'un Américain qui avait ingéré du phosphate de chloroquine contenu dans un traitement contre les parasites d'aquarium. Les autorités sanitaires américaines ont ainsi dû prévenir le grand public qu'il ne devait pas s'automédiquer, redoutant également un risque de pénurie.

Le président américain Donald Trump le 30 mars 2020 à la Maison Blanche (Washington) lors d'un point presse sur le coronavirus. (MANDEL NGAN / AFP)

15"Le Maroc achète les stocks de chloroquine de Sanofi à Casablanca."

Faux. Le Maroc a bien décidé de recourir à la chloroquine pour traiter les patients marocains souffrant de Covid-19. Mais Rabat n'a pas acheté le stock de Nivaquine et de Plaquenil, deux médicaments contenant de la chloroquine, de la filiale marocaine du laboratoire français Sanofi : il l'a réquisitionné.

16"Le Pakistan va accroître sa production de chloroquine à destination de la Chine."

Faux. Le groupe Bayer a fourni gratuitement à la Chine 300 000 comprimés de Resochin, un médicament à base de phosphate de chloroquine, en provenance du Pakistan, au début du mois de février. Cette livraison n'implique par les autorités pakistanaises. Elle s'est faite à la demande des autorités sanitaires de la province chinoise du Guanddong. Un porte-parole du géant pharmaceutique l'a confirmé à l'AFP Factuel.

17"La Suisse exclut elle aussi le confinement généralisé de la population, pratique un large dépistage et traitement rapide, et accuse la France de faire de la politique spectacle."

Plutôt faux. La Suisse n'a certes pas décrété de confinement général, mais elle a ordonné la fermeture des écoles, des cafés, des restaurants et des commerces autres qu'alimentaires, de santé et de première nécessité. Elle a aussi prohibé les rassemblements, y compris "spontanés", de plus de cinq personnes. Et l'amende est de 100 francs suisses (environ 95 euros) par personne. 

"Ce que nous faisons dans le pays aujourd'hui est très proche de ce que font les pays autour de nous, a reconnu le ministre suisse de l'Intérieur, ajoutant : "Mais la différence, c'est que nous ne faisons pas de politique spectacle."

La Suisse ne pratique en outre pas de dépistage systématique. Ses hôpitaux sont confrontés aux mêmes difficultés d'approvisionnement que leurs voisins européens, indique Heidi News.

18"La société Teva en Israël annonce qu'elle va livrer gratuitement plus de 10 millions de doses de chloroquine aux Etats-Unis."

Vrai. Le géant israélien des médicaments génériques Teva a annoncé le 20 mars qu'il allait fournir gratuitement aux hôpitaux américains dix millions de doses d'hydroxychloroquine. La société précise que six millions de doses seront fournies aux hôpitaux américains d'ici au 31 mars, et plus de dix millions d'ici un mois, selon le Times of Israel.

19"Estrosi, soigné lui-même à la chloroquine, sans réponse du gouvernement, a appelé directement Sanofi pour qu'ils livrent la chloroquine aux hôpitaux de Nice."

A nuancer. Le maire de Nice, Christian Estrosi, qui a été testé positif au Covid-19, a déclaré à Nice Matin qu'il prenait de la chloroquine en traitement. L'élu de droite dit également avoir tenté de joindre le ministre de la Santé pour lui demander que les pharmacies et le CHU niçois soit réapprovisionnés en chloroquine, et avoir fini par appeler le patron du laboratoire Sanofi. Il s'est félicité dans un tweet d'avoir obtenu satisfaction. 

La réalité est un peu différente. Le CHU de Nice fait partie des centres hospitaliers universitaires français participant à l'essai clinique européen Discovery, testant entre autres l'hydroxychloroquine, comme il le signale dans un communiqué. Quant à Sanofi, il réapprovisionne régulièrement les pharmacies en rupture de stock de Plaquenil, son médicament à base d'hydroxychloroquine jusque-là utilisé pour traiter le lupus et d'autres pathologies inflammatoires.

20"Sous le lobbying intensif du professeur Raoult, un test à grande échelle de la chloroquine a commencé finalement en France, sous la direction de l'Inserm (!), qui veut 'refaire les expérimentations dans d'autres centres médicaux indépendants' : ce qui prendra six semaines de plus… Presque aucun média n'en parle."

Faux. Un essai clinique baptisé Discovery – mentionné précédemment – a été lancé à l'échelle européenne le 22 mars. Il associe pour le moment sept pays : la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. Ce programme va inclure 3 200 patients, dont au moins 800 en France. Uniquement des patients hospitalisés et gravement atteints. L'objectif est de tester sur eux quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19, dont l'hydroxychloroquine. En France, l'essai va être coordonné par l'Inserm. Un autre essai clinique international, dénommé Solidarity, sera lancé sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.

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