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Allocution d'Emmanuel Macron : derrière les annonces sanitaires, un président déjà en campagne pour sa réélection

Avec la tour Eiffel pour décor, le chef de l'Etat a fait un panégyrique de son action, notamment économique, avant d'esquisser ses projets de réforme... pour un second quinquennat.

Article rédigé par franceinfo
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Le président Emmanuel Macron s'adresse aux Français dans une allocution télévisée le 12 juillet 2021. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Adieu les dorures de l'Elysée ! Pour son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a préféré la tour Eiffel comme décor. Une fois passées les annonces des mesures destinées à juguler l'épidémie de Covid-19, il a dressé un bilan flatteur de son action à la tête de la France, tout en esquissant déjà des axes pour la suite. Mise en scène, éléments de langage, futures réformes… Trois indices qui montrent qu'Emmanuel Macron était déjà en campagne pour l'élection présidentielle de 2022.

Un décor façon "meeting"

Pour s'adresser aux Français, le chef de l'Etat a choisi de déserter le palais présidentiel pour s'exprimer depuis le Grand Palais éphémère. Edifié sur le Champ de Mars, ce bâtiment peut à la fois symboliser le passé (il remplace temporairement le Grand Palais, en travaux, et donne sur la tour Eiffel) et l'avenir (il abritera la compétition de judo aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris). Un choix qui symbolise "la France éternelle" et illustre "la confiance en la suite", a justifié l'Elysée, sollicité par franceinfo.

Pour les spécialistes de communication politique interrogés par franceinfo, un tel décorum annonce surtout une façon de faire campagne. Pour Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l'université Paris 2 Panthéon-Assas, "ce choix de la tour Eiffel derrière, d'une fenêtre ouverte sur Paris, répond à la volonté de marquer la différence avec les précédents discours sur le Covid-19 qui étaient faits depuis l'Elysée". L'expert y voit "une mise en scène façon meeting".

"Ce n'était pas loin d'être un meeting très scénarisé", renchérit le politiste Rémi Lefebvre, professeur à l'université de Lille 2. Le communicant et enseignant à Sciences Po Philippe Moreau-Chevrolet fait la même réflexion. "On avait l'impression d'un fond d'écran moderne, international, où Emmanuel Macron vendait la France, avec cette image de la tour Eiffel", estime-t-il, avant de rappeler des précédents : "Lors de la campagne présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy avait fait son grand meeting de campagne dans le décor théâtral du Trocadéro." Quant à Emmanuel Macron, il avait "déjà utilisé le décor grandiose de la cour du Louvre, pour son intronisation en 2017. Il manie ces symboles avec facilité".

Un discours adressé aux électeurs de droite

Autre indication d'une campagne déjà entamée : les éléments de langage. Dans la deuxième partie de son allocution, le chef de l'Etat a fait l'éloge de son bilan ("Nous sommes depuis deux ans la première nation européenne du numérique et de la technologie") et tracé les contours des réformes économiques à venir "où l'on voyait se dessiner un discours politique vraiment à droite qui est celui des Républicains", estime Arnaud Mercier.

Le président de la République a ainsi parsemé son discours de plusieurs signaux adressés à la droite traditionnelle, sur les thèmes de l'"assistanat", de la sécurité ou de la "grandeur" de la France. "La réforme de l'assurance-chômage sera pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre", a notamment asséné le chef de l'Etat lundi soir, avant d'ajouter : "En France, on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu'en restant chez soi, ce qui n'est actuellement pas toujours le cas."

"Emmanuel Macron marche sur les brisées des Républicains. Son discours aurait pu être prononcé par Xavier Bertrand."

Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique

à franceinfo

Tombée aux oubliettes, la posture de 2017 où Emmanuel Macron se targuait de n'être "ni de droite, ni de gauche" ? Le chef de l'Etat est sur une "ligne de crête après avoir ouvert les vannes" pendant l'épidémie "pour que l'économie ne s'effondre pas", analyse Philippe Moreau-Chevrolet. D'où ce "grand écart" entre "des choix orientés à droite, comme la réforme des retraites", et "une relance keynésienne massive et assumée pendant la crise sanitaire". Emmanuel Macron, poursuit-il, a tout de même à nouveau "endossé ses habits de 2017, ceux de la start-up nation, en mettant en avant son bilan économique".

Une projection dans un éventuel second mandat

Dernier indice : en évoquant lundi la réforme des retraites, Emmanuel Macron semble s'être projeté dans un second quinquennat. Après avoir assuré qu'il fallait "changer le système", le chef de l'Etat a souligné qu'il ne lancerait pas cette réforme "tant que l'épidémie ne sera[it] pas sous contrôle et la reprise bien assurée". Or l'épidémie ne sera pas tout de suite sous contrôle, a-t-il également fait savoir, puisqu'il faudra "vivre avec le virus tout au long de cette année 2021 et sans doute pour plusieurs mois de l'année 2022". Ce qui mène, de fait, à l'après présidentielle.

Toutefois, le chef de l'Etat n'est pas encore officiellement candidat, rappelle Rémi Lefebvre. "On est déjà dans la campagne, mais ce n'est pas son discours d'entrée en campagne. Il ne peut pas le faire si précocement parce qu'il va se déclarer tard, en février", avance le politiste. Toutefois, il n'y a guère de suspense.

"Il n'y a pas l'ombre d'un doute sur sa volonté d'être candidat. On voit bien, avec ces phrases mises bout à bout, qu'il se projette dans un second quinquennat."

Rémi Lefebvre, politiste

à franceinfo

De l'avis général, comme ses prédécesseurs, l'actuel chef de l'Etat jouera le plus longtemps possible de l'ambiguïté entre ses actuelles fonctions et sa future candidature. Ses partisans, eux, sont plus explicites. Emmanuel Macron "est le meilleur candidat et je souhaite sa réélection", a ainsi déclaré Bruno Le Maire sur franceinfo, au lendemain de l'allocution présidentielle.

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