Billets non remboursés en cas de vol annulé : "C'est une façon de se sponsoriser" pour les compagnies aériennes, juge un économiste
L'économiste spécialiste du transport aérien Loïc Tribot La Spière trouve cette méthode "assez surprenante" et estime que pour les compagnies, "c'est une façon de faire de la trésorerie."
Les compagnies aériennes rechignent encore très souvent à rembourser les voyageurs pénalisés quand leurs avions sont annulés. Pourtant, la Commission européenne a réaffirmé l'obligation pour les compagnies aériennes opérant en Europe de rembourser les billets des milliers de vols annulés, à tous les passagers qui en font la demande. Les avoirs doivent rester facultatifs et si possible, assortis de garanties.
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Pour les compagnies aériennes, "c'est une façon de se sponsoriser", a estimé vendredi sur franceinfo Loïc Tribot La Spière, économiste spécialiste du transport aérien et délégué général du Centre d’Études et de Prospectives Stratégiques (CEPS). "C'est une façon de se sponsoriser, de faire de la trésorerie", explique l'économiste. "C'est quand même assez surprenant comme méthode".
franceinfo : Est-ce qu'aujourd'hui, les compagnies ont les moyens de rembourser les vols annulées depuis début mars à cause de la pandémie ?
Loïc Tribot La Spière : Globalement, non. On va rentrer dans une période de tergiversation. Les remboursements pourraient atteindre 9,2 milliards d'euros, C'est énorme. C'est comme les banques. Vous déposez un chèque, vous ne le recevez sur votre compte que dix jours après. C'est une façon de se sponsoriser, de faire de la trésorerie. En l'occurrence, ce que souhaitent les compagnies aériennes, c'est de dire, "c'est bien votre argent mais c'est plus totalement votre argent, on va le conserver, on va considérer que c'est comme un avoir". Il y a un droit communautaire qui fait s'il y a annulation, il doit y avoir remboursement. C'est un droit et c'est une obligation. La Commission, consciente de l'extrême difficulté des compagnies aériennes, décoche un nouvel argument disant "oui, mais ça pourrait être un bon d'achat". On est quand même dans un espèce de subterfuge. "Ce serait un bon d'achat, il serait garanti, et si la compagnie disparaissait, l'Etat pourrait se porter garant". Cela montre bien l'extrême difficulté et situation financière des compagnies aériennes, dont la plupart d'ailleurs sont amenées à demander des soutiens des Etats. Certaines pourraient même se faire nationaliser.
Mais pour les compagnies, c'est une bonne solution, ces bons d'achat ?
C'est une bonne réponse pour les compagnies aériennes. Mais pour le consommateur, c'est un prêt obligatoire, sans intérêt. Ce qui fait que vous prêtez, vous n'avez pas d'intérêt. J'aurais trouvé plus conséquent qu'on puisse dire, vous aurez un petit bonus. Là, c'est dire, "on conserve votre argent, c'est un bon d'achat, vous pourrez vous le faire rembourser dans un an, mais vous n'avez pas d'intérêt". C'est quand même assez surprenant comme méthode. On comprend la situation du transport. Elle est légitime. mais il faut se mettre aussi dans la peau des consommateurs qui sont aussi en difficulté.
Certaines compagnies remboursent d'office. D'autres ont directement proposé cette possibilité de bons d'achat. Comment peut-on expliquer ces différences ?
On peut l'expliquer par le fait de la situation financière de ces compagnies. Certaines étaient en bonne santé avant cette pandémie. et avaient une trésorerie. Donc elles ont encore les moyens. Elles peuvent aussi bénéficier du soutien de leurs Etats en demandant une subventions ou autres chose. Ce qui est le cas, entre autres, de Lufthansa. Le soutien apporté par l'Etat fédéral allemand amènera très certainement à une nationalisation, en partie, de la compagnie aérienne Lufthansa.
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