Billets non remboursés en cas d'annulation de vol : "Hallucinant" dans un "État de droit", juge UFC-Que choisir
Pour Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir, il y a "une politique qui n'est pas claire et qui ne donne pas confiance aux consommateurs".
Les compagnies aériennes rechignent encore très souvent à rembourser les voyageurs quand leurs avions sont annulés en raison de l'épidémie de coronavirus. Pourtant, la Commission européenne a réaffirmé l'obligation pour les compagnies aériennes opérant en Europe de rembourser les billets des milliers de vols annulés, à tous les passagers qui en font la demande. Les avoirs doivent rester facultatifs et si possible, assortis de garanties.
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Pour Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir, invité de franceinfo vendredi 15 mai, la politique des compagnies aériennes "ne donne pas confiance aux consommateurs". Il s'étonne qu'elles "s'entêtent et jouent avec le feu". Selon Alain Bazot, c'est "hallucinant" dans un "État de droit".
franceinfo : L'étude de l'UFC-Que Choisir montre que parmi 76 compagnies étudiées, il y en a 50 qui imposent ces fameux avoirs aux clients.
Alain Bazot : Plutôt que de présenter cela comme étant une faculté, quelque chose que l'on propose aux passagers, c'est quelque chose en réalité que les compagnies imposent. Et ce n'est pas du tout conforme aux règlements communautaires qui prévoient un droit à remboursement lorsque la compagnie annule le vol. Il y a là un manque d'honnêteté patent quand on dit que vous serez remboursé à l'issue d'un an dans les conditions de votre billet initial. Si on ne prend pas la peine de regarder le billet initial, s'il est marqué qu'il est ni remboursable, ni échangeable, et bien on se fait avoir. Donc, il y a une politique qui n'est pas claire et qui ne donne pas confiance aux consommateurs. Je ne comprends pas comment les compagnies aériennes, et notamment Air France, s'entêtent et jouent avec le feu. Je vous assure qu'on a des témoignages de gens qui nous disent 'on n'est pas près de revoler avec ces compagnies'.
Est-ce que les institutions européennes ont un moyen de pression sur ces compagnies ?
Le moyen de pression est d'abord sur les États, Il y a des compagnies dans lesquelles l'État est actionnaire. C'est l'État qui est complice de ce comportement. J'entends encore régulièrement le ministre des Transports qui dit qu'effectivement, les consommateurs doivent accepter un avoir. Le paquet tourisme qui a été évoqué par le Premier ministre, à aucun moment le Premier ministre rappelle les compagnies à leurs obligations. Nous, on ne dit pas qu'il faut nécessairement rembourser si les consommateurs peuvent faire un report ou accepter un avoir. Mais la condition, c'est d'avoir une garantie. Et pour la garantie, il faut qu'il y ait un fonds de garantie. La balle est dans le camp de l'État. Est-ce que l'État met en place un fonds de garantie comme on l'a mis en place pour les agences de voyages ? Parce qu'autrement, votre avoir, ça risque de disparaître en fumée si la compagnie se porte mal à l'issue de l'année de validité de votre avoir.
L'Association internationale du transport aérien, qui chapeaute tout le secteur dit qu'il n'y a finalement pas le choix, puisque si on rembourse à tout le monde, c'est la faillite. C'est un argument qui est entendable ?
Non, il n'est pas entendable. Parce que qu'est-ce qu'elles font pour rendre très attrayant auprès des consommateurs le fait de ne pas obtenir de remboursement ? C'est trop facile de piétiner les droits des consommateurs. Il faut que cet avoir ait de la souplesse, qu'on puisse changer de vol et éventuellement de compagnie, que l'on puisse avoir des bagages en surplus qui ne seraient pas payants. Bref, il faut peut-être que la mariée soit un peu attractive. La responsabilité est dans le camp des compagnies. Plutôt que ça, elles préfèrent dire au consommateur, on viole purement et simplement votre droit. Comment la confiance peut se rétablir, si les compagnies aériennes ont cette attitude ?
Air France et KLM ont obtenu des assurances de prêts bancaires à hauteur plusieurs milliards d'euros par la France et les Pays-Bas. Respecter le droit des consommateurs aurait dû être une condition fixée par Bercy ?
Clairement. Je suis atterré de voir que l'on va donner 7 milliards d'euros à Air France pour la recapitaliser. Moi, je n'ai rien contre. Mais la moindre des choses, c'est quand même que la compagnie respecte le droit, respecte le droit des consommateurs. Donc cela va être la double peine. En tant que contribuable, on va renflouer Air France et en tant que consommateur, le billet d'avion passe par les pertes et profits et les pertes sèches pour les consommateurs. C'est quand même hallucinant d'être dans un État de droit qui ne fait pas respecter le droit élémentaire. Ça aurait dû être une condition pour qu'Air France reçoive de l'argent public, qu'il respecte le Code de la consommation et les règlements communautaires.
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