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"C'est maintenant que les angoisses commencent" : l'inquiétude de nombreux restaurateurs malgré le déconfinement

Si le retour en terrasse est imminent, les restaurateurs ne sont cependant pas encore totalement sortis de l'auberge. 

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Employés nettoyant la terrasse d'un restaurant à Paris, le 29 mai 2020. (THOMAS COEX / AFP)

"C'est possible de déjeuner en terrasse ?" Voilà une question qui va à nouveau raisonner dans les restaurants dès le 2 juin. La deuxième phase du déconfinement dévoilée par le Premier ministre, Edouard Philippe, jeudi 28 mai, "doit nous permettre de reprendre une vie à peu près normale"... et le chemin des bars et des restaurants. 

Mais cette réouverture tant "attendue" par les français, comme l'a décrite le Premier ministre lors de son allocution, ne signifie pas pour autant une reprise totale pour les établissements fermés au public depuis le 15 mars. Notamment en Ile-de-France, un des trois territoires classés "orange" avec Mayotte et la Guyane, où seuls les établissements ayant une terrasse peuvent rouvrir à partir du mardi 2 juin. 

"Tout ce qui est perdu ne se rattrapera pas"

"Les angoisses, c'est maintenant qu'elles commencent", lâche Hubert Jan, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) et exploitant du bistrot Chez Hubert à Beg-Meil (Finistère). Même si la "bonne surprise" est la levée des 100 kilomètres permettant ainsi à plus de touristes de venir en Bretagne, le restaurateur ne cache pas son inquiétude quant à son chiffre d'affaires pour cette année et la suivante. "Tout était figé depuis deux mois, nous étions au chômage partiel et, maintenant, il nous faut refaire tourner nos restaurants avec moins de clients, quasiment autant de personnel et plus de contraintes sanitaires." 

Les frais de personnel représentent 40% du chiffre d'affaires d'un restaurateur rappell Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI), sur franceinfo. 

Si nous avons un chiffre d'affaires divisé par deux et c'est vraisemblablement ce qui va se passer, on ne pourra pas réemployer tout le personnel, en tout cas pendant la période des gestes barrières.

Didier Chenet, GNI

à franceinfo

Alors, certains réfléchissent à la pertinence d'une réouverture le 2 juin. C'est le cas de Stéphane Borderie, gérant de la brasserie le CK, située entre le Trocadéro et la place de l'Etoile, dans le 16e arrondissement de Paris. Sa terrasse offre six tables, soit une douzaine de couverts. "Est-ce que cela vaut le coup économiquement de rouvrir pour si peu de couverts, s'interroge le restaurateur. Tout ce qui est perdu est perdu, le chiffre d'affaires de cette année ne se rattrapera pas."  

Et puis, les clients seront-ils de retour ? "Beaucoup de clients habituels qui travaillent dans le quartier sont encore en télétravail", constate Stéphane Borderie. Alors, même s'il a demandé à la mairie de Paris une autorisation d'extension de sa terrasse, il se donne encore quelques jours pour calculer les risques de ce "pari à prendre". 

Une ouverture sous certaines conditions

Port du masque obligatoire pour le personnel, tablées limitées à 10 personnes, menu virtuel ou désinfecté... Les conditions sanitaires de réouverture sont drastiques. Pourtant, même si elles rajoutent un temps de main d'œuvre considérable pour le personnel, qui va devoir nettoyer et désinfecter régulièrement les zones de passage des clients, ces nouvelles règles ne soulèvent pas beaucoup de critiques. "D'autant que c'est nous qui les avons proposées au gouvernement", rappelle le président de l'UMIH. Il rapporte que seule la mesure de la distanciation physique a fait l'objet de négociation.  

Le gouvernement demandait que chaque table soit installée dans un espace de 4 mètres. Ce qui est beaucoup trop contraignant en terme de jauge. Nous nous sommes mis d'accord sur un mètre de distance entre chaque table.

Hubert Jan, UMIH

à franceinfo

De son côté, le chef étoilé du Quincangrogne à Dampmart (Seine-et-Marne), Franck Charpentier ne sait pas encore s'il va rouvrir, malgré un plan déjà minutieux. Un mètre cinquante à deux mètres entre chaque table de deux personnes, menu plastifié donné à l'aide d'une pince à chaque client qui le déposera lui-même dans un panier, carte des vins sous forme de QR code que chaque client pourra visualiser directement depuis son téléphone mobile, ou encore les fauteuils désinfectés entre chaque service... Cette réouverture devrait prendre trois jours plein au chef et à ses équipes pour mettre en route cuisine et terrasse.  

"Personne ne s'est soucié de la météo"

Mais Franck Charpentier est en colère contre l'ouverture partielle des restaurants franciliens, autorisés à ne servir qu'en terrasse. "Cette décision est complètement stupide et personne ne s'est soucié de la météo", alors qu'il est annoncé de la pluie pour le week-end prochain en Ile-de-France 

S'il peut servir jusqu'à 40 couverts en extérieur, sa terrasse située sur les bords de Marne n'est pas couverte et les moustiques s'invitent régulièrement. "Malheureusement, je ne pourrai pas faire rentrer mes clients en cas de pluie. Et la météo n'est pas clémente en fin de semaine prochaine", se désole le restaurateur qui est contraint de refuser des réservations pour la fête des mères, dimanche 7 juin.

Je ne peux pas prendre le risque d'ouvrir, de faire entrer de la marchandise et ensuite annuler toutes les réservations parce que je ne peux pas ouvrir les salles pour mes clients.

Franck Carpentier, restaurateur

à franceinfo

Il se donne encore une semaine pour savoir s'il attendra la troisième phase de déconfinement, et l'ouverture totale des restaurants en Ile-de-France le 22 juin, pour enfin accepter des réservations. 

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