Covid-19 : ce que l'on sait de la situation en Martinique, qualifiée "d'extrêmement grave" par le ministre des Outre-mer
Le CHU de l'île est "saturé", au point que des soignants volontaires arrivent en renfort depuis l'Hexagone.
Dix jours seulement après un premier tour de vis, la préfecture de Martinique durcit déjà les mesures sanitaires sur l'île. Un confinement plus strict entre en vigueur mardi 10 août, dès le lendemain de son annonce. Les déplacements seront désormais restreints au-delà d'un rayon d'un kilomètre du domicile, contre 10 km jusqu'à présent. Les commerces ne répondant pas à des besoins urgents vont devoir fermer. Et les touristes sont invités à quitter la région, notamment pour libérer des chambres d'hôtel qui permettront d'accueillir des soignants envoyés en renfort de l'Hexagone mardi.
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Comme en Guadeloupe, ces nouvelles restrictions répondent à la circulation importante du Covid-19 dans une population encore peu vaccinée, et aux difficultés du CHU local. "La situation est extrêmement grave", a assuré mardi le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, qui doit se rendre jeudi en Martinique après un passage en Guadeloupe. "Ce sont des taux d'incidence que l'on n'a jamais connus dans ces territoires, mais aussi dans tous les territoires de la République confondus", déplore-t-il. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, est attendu en fin de semaine dans les deux îles. Franceinfo vous résume pourquoi la situation est jugée préoccupante.
Des contaminations toujours en hausse
La difficile situation de la Martinique se constate également aux différents indicateurs de propagation du Covid-19. Vendredi, le département affichait un taux d'incidence vertigineux (et inédit sur l'île) de 1 165 cas par semaine pour 100 000 habitants, seulement dépassé par la Guadeloupe (1 747 cas). En moyenne, près de 600 nouveaux cas sont confirmés chaque jour. Ce n'est pas une illusion liée au nombre de tests pratiqués, puisque le taux de positivité de ceux-ci grimpe au même rythme et approche les 20% (contre 4,3% en moyenne en France).
Ces courbes affichent cependant une hausse un peu moins rapide depuis la dernière semaine de juillet. Et montrent une amorce de baisse entre le 4 et le 6 août. Mais cette tendance demande à être confirmée. Et un tel niveau de circulation du virus garantit que les patients continueront d'affluer dans les hôpitaux dans les semaines à venir.
Une des pires situations hospitalières de France
"On est à saturation complète", s'est alarmé Benjamin Garel, directeur général du CHU de Martinique, mardi sur franceinfo. Fin juillet, déjà, le CHU de l'île était présenté comme saturé, et des soignants décrivaient une situation critique. La situation ne s'est pas améliorée depuis. Lundi, la Martinique comptait 35 nouvelles hospitalisations liées au Covid-19 en 24 heures, un chiffre qui n'est dépassé que dans les Bouches-du-Rhône, selon le tableau de bord du gouvernement. Pour la première fois depuis début juillet, ce chiffre marquait une baisse par rapport à la veille, mais rien ne dit qu'elle se confirmera.
Depuis une semaine, le rythme des entrées en réanimation est en moyenne de cinq par jour. Mais ce chiffre est en trompe-l’œil, car il est limité par le manque de lits, explique le directeur général du CHU : dans les lits d'hospitalisation classique, "il y a à peu près la moitié des patients qui dans les précédentes vagues auraient relevé de la réanimation. Aujourd'hui, on est incapables de les prendre."
Enfin, la Martinique connaît en moyenne cinq morts du virus par jour à l'hôpital, soit 10% de la mortalité totale en France en ce moment, et davantage que dans n'importe quel autre département.
L'impact des mesures sanitaires mettant toujours plusieurs semaines à se refléter dans les hôpitaux, on ignore encore si le premier confinement instauré fin juillet entraînera une baisse de la pression hospitalière. En attendant, la Martinique comme la Guadeloupe reçoivent l'appui de renforts venus du reste de la France. Des effectifs sont arrivés en juillet dans le cadre de la réserve sanitaire. Et un appel aux volontaires a été lancé dimanche par Olivier Véran. Les 240 soignants qui y ont répondu décolleront mardi vers les deux départements, accompagnés de 70 pompiers. Plusieurs patients ont déjà fait le chemin inverse et ont été évacués vers l'Hexagone.
Des mesures renforcées, les touristes invités à partir
A partir de mardi, la Martinique est donc sous confinement plus strict, dont les modalités sont détaillées sur le site de la préfecture. Entre 5 heures et 19 heures, il restera possible de sortir de chez soi, mais seulement dans un rayon d'un kilomètre (jusqu'ici, des restrictions s'appliquaient au-delà de 10 km). Seuls quelques motifs de déplacement seront acceptés pour sortir de ce cercle, et il faudra se munir d'une attestation. Un couvre-feu reste en place entre 19 heures et 5 heures. Les mesures doivent être réétudiées dans deux semaines.
Les commerces non alimentaires vont par ailleurs devoir fermer, à l'exception de certains permettant des achats d'urgence (l'informatique et l'automobile sont citées comme exemples). La préfecture encourage par ailleurs à pratiquer le télétravail le plus largement possible. Enfin, l'accès aux plages, ainsi qu'aux lieux de culture et de loisirs, va être interdit.
Une ambiguïté persiste sur le sort des touristes qui souhaiteraient rester malgré ces conditions difficiles. Lundi, le préfet de Martinique, Stanislas Cazelles, appelait "toutes les personnes en situation de tourisme qui sont vulnérables à quitter le territoire". Mais le site de la préfecture annonce, lui, "la fin des séjours touristiques en cours", sans préciser si cela concerne des personnes vulnérables ou non.
Par ailleurs, l'accueil dans les hôtels sera réservé aux professionnels, dont les soignants envoyés en renfort depuis l'Hexagone, et aux résidents, et "il en sera de même des locations saisonnières", a précisé le préfet, lundi. Pour autant, "ce n'est pas une expulsion du territoire" qui vise les touristes "mais une invitation à le quitter parce qu'ils ne sont pas en sécurité", a précisé Stanislas Cazelles mardi sur franceinfo. "Les compagnies aériennes sont prévenues et mobilisées, cela prendra plusieurs jours", a-t-il ajouté.
Une vaccination encore insuffisante
La flambée de l'épidémie cet été dans les départements d'outre-mer s'explique en partie par le faible taux de vaccination de la population, qui crée un environnement plus favorable à la transmission du virus. En Martinique, 21,2% de la population majeure est complètement vaccinée, contre 68,5% à l'échelle de la France, ce qui en fait le département le moins couvert avec la Guadeloupe. Une situation qui peut également expliquer la mortalité plus importante chez les malades martiniquais.
Si au printemps le manque de doses était mis en avant pour expliquer le démarrage compliqué de la campagne vaccinale, c'est la méfiance de la population qui inquiète désormais les acteurs locaux. "Il y a vraiment un déni très, très fort. Sur les réseaux sociaux circule énormément le fait que l'hôpital n'est pas en tension, explique Benjamin Garel, le directeur général du CHU de Martinique. On est assez désemparés par rapport à ce scepticisme." Il s'explique notamment par une méfiance envers les autorités, héritée de la colonisation et du scandale sanitaire du chlordécone, analyse Outre-mer la 1ère, qui pointe également des ratés dans la communication sur l'épidémie.
"Ce que je vois, c'est que la contrainte marche très mal", ajoute Benjamin Garel. La campagne de vaccination ne connaît cependant pas le même ralentissement que dans le reste de la France. Le nombre de doses administrées chaque jour est reparti en hausse (+7,1% en une semaine) alors qu'il baisse à l'échelle du pays. Et le nombre d'adultes complètement vaccinés augmente plus vite en Martinique (+6,8% en une semaine, contre +4,2% sur la France entière). Mais il reste beaucoup de retard à rattraper.
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