Coronavirus : il faut repenser l'hôpital avec "une organisation plus à l'écoute du terrain"
Bernard Granger, le responsable de l'unité de psychiatrie de l'hôpital Cochin, réagit ce lundi sur franceinfo à la tribune parue dans "Le Figaro" appelant à "libérer l’hôpital du fléau bureaucratique".
Alors qu'une tribune publiée dans le journal Le Figaro appelle à repenser l'hôpital après la crise du coronavirus, le responsable de l'unité de psychiatrie de l'hôpital Cochin, Bernard Granger, estime lundi 4 mai sur franceinfo "que la débureaucratisation - ce qui veut dire retrouver du temps médical, retrouver du temps pour la recherche - c'est quand même une des orientations sur lesquelles il faut réfléchir à l'issue de cette crise", avec "une organisation beaucoup plus à l'écoute du terrain".
franceinfo : Le message de cette tribune, c'est "à toute chose, malheur est bon" ?
Bernard Granger : Le malaise de l'hôpital ne remonte pas à cette crise, mais cette crise a fait peut-être prendre conscience, j'espère, des orientations à prendre pour que l'hôpital public aille mieux. On a vu que l'organisation quasi spontanée des différents services hospitaliers pour faire face à la vague de Covid-19 avait plutôt bien marché. Dans cette crise, tout n'a pas très bien fonctionné, mais ça, je crois que c'est souligné en France, alors qu'à l'étranger, c'était remarquablement organisé. Et comme nous le disons dans cette tribune, l'hôpital, finalement, s'est retrouvé sur ses pieds avec les médecins et les soignants qui soignaient et les administratifs qui les ont aidés et souvent avec enthousiasme et efficacité. Il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres, mais il s'agit que chacun travaille dans le domaine où il est compétent. Et je crois que les initiatives venues du terrain ont souvent été exceptionnelles.
L'hôpital a-t-il retrouvé une autonomie médicale qui aurait été oubliée ces dernières années ?
Depuis très longtemps, l'hôpital obéit à une philosophie de fonctionnement qui est très contestable. C'est "l'hôpital-entreprise", c'est l'obsession des économies et donc une dégradation de la qualité des soins et de la sécurité des soins. D'autre part, en matière de gouvernance, c'est une part beaucoup trop large accordée à la vision comptable des choses et à la non-écoute des préoccupations purement médicales. C'est un des fléaux [de l'hôpital]. Je crois que la débureaucratisation - ce qui veut dire retrouver du temps médical, retrouver du temps pour la recherche - c'est quand même une des orientations sur lesquelles il faut réfléchir à l'issue de cette crise. Parce qu'au cours de cette crise, beaucoup de ces procédures ont été accélérées, ont été simplifiées et ça a été un des facteurs du succès de la réaction hospitalière face au Covid-19.
Pensez-vous que cela puisse vraiment s'installer à long terme ?
Le grand danger, c'est qu'on retombe dans les mêmes travers. Et si nous avons fait cette tribune, c'est justement pour alerter de ce danger. Ce qui est exprimé là est largement partagé, y compris d'ailleurs par beaucoup de directeurs d'hôpitaux ou de personnes qui réfléchissent à l'hôpital. Mais il y a aussi des tendances bureaucratiques, technocratiques qui sont très lourdes à renverser. On le voit d'ailleurs dans tous les dysfonctionnements qu'il y a pu avoir au cours de cette pandémie en France. Ce qui a pesé dans le mauvais sens, c'est une organisation trop centralisée, qui manque de souplesse, qui est beaucoup trop technocratique. Nous ce que nous prônons, c'est une organisation beaucoup plus à l'écoute du terrain, beaucoup plus tournée vers la subsidiarité et qui laisse l'initiative à ceux qui sont les mieux placés pour prendre les décisions.
Il faudra aussi une meilleure rémunération du personnel de santé. N'est-ce pas un vœu pieux ?
Il y a eu des paroles dans ce sens de la part des plus hautes autorités de l'État. Lorsqu'on compare le salaire des soignants et des personnels hospitaliers en France, il est très largement inférieur à la moyenne de l'OCDE. Il y a une réflexion quand même très globale à mener pour éviter par ailleurs les gaspillages, pour éviter des systèmes de rémunération de l'hôpital qui ne favorisent pas toujours le juste soin au moindre coût. Mais le fait de mieux rémunérer les personnels me paraît être un impératif. D'ailleurs, c'est une des revendications qui étaient très nettement portées par le monde hospitalier avant même cette épidémie, et au cours de l'épidémie, on a vu quel était le courage, la prise de risque pour soigner, pour être au service de nos concitoyens. Je crois que, au-delà des discours, des applaudissements et des félicitations, il faut aussi aborder ce point sans dire qu'on n'aura pas les moyens de le faire. On peut se donner les moyens de le faire et je crois que c'est une des conditions majeures pour la survie de l'hôpital public.
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