Coronavirus : l'Agence du médicament et le Haut conseil de la santé publique donnent un coup d'arrêt à l'hydroxychloroquine en France
En France, en dehors des essais cliniques, l'usage de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 est pour l'instant autorisé à l'hôpital uniquement, et seulement pour les cas graves sur décision collégiale des médecins.
L'hydroxychloroquine ne pourra bientôt plus être administrée en France contre le Covid-19, ni à des patients gravement atteints, ni lors d'essais cliniques, après deux avis publiés mardi 26 mai. Dans le premier, le Haut conseil de la santé publique (HCSP), saisi par le ministère de la Santé, recommande de "ne pas utiliser l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19" hors essais cliniques, que ce soit seule ou associée à un antibiotique. De son côté, l'Agence du médicament (ANSM) a annoncé avoir "lancé" la procédure de suspension "par précaution" des essais cliniques évaluant l'hydroxychloroquine chez les patients atteints de Covid-19.
Ces deux avis suivent la parution vendredi d'une étude pointant l'inefficacité et les risques de ce médicament pour les malades du Covid-19. Publiée dans la revue de référence The Lancet, elle a déjà incité l'OMS (Organisation mondiale de la santé) à suspendre lundi les essais cliniques qu'elle mène avec l'hydroxychloroquine dans plusieurs pays, par précaution. Dans la foulée, le ministre de la Santé Olivier Véran avait saisi samedi le HCSP pour qu'il lui propose "une révision des règles dérogatoires de prescription", fixées par un décret.
Quant à l'un des principaux promoteurs de ce médicament, le professeur Didier Raoult, de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée-Infection à Marseille – qui l'utilise chez des patients atteints de formes mineures, en association avec un antibiotique de la famille des macrolides, l'azithromycine –, il a jugé lundi que l'étude du Lancet était "foireuse" et rejeté ses conclusions.
Ce que dit le Haut conseil de la santé publique
Dans son avis très attendu, le HCSP recommande "de ne pas utiliser l'hydroxychloroquine seule ou associée à un macrolide (une famille d'antibiotiques) dans le traitement du Covid-19". Il préconise également "d'évaluer le bénéfice/risque de l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans les essais thérapeutiques", et "de renforcer la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l'hydroxychloroquine dans le Covid-19".
Pour parvenir à ces conclusions, le HCSP a analysé "les publications sur le sujet, dont l'article du Lancet", ainsi que "les rapports des centres régionaux de pharmacovigilance rapportant des effets secondaires potentiellement graves, en particulier cardiovasculaires, en lien avec l'utilisation de ce médicament". Il a conclu "à l'absence d'étude clinique suffisamment robuste démontrant l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le Covid-19, quelle que soit la gravité de l'infection".
En France, les CHU d'Angers et de Bordeaux testent l'hydroxychloroquine, tandis qu'une étude menée sur 900 soignants doit évaluer si hydroxychloroquine et azithromycine sont efficaces en prévention. L'essai européen (Discovery) qui teste quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine, et qui suscitait beaucoup d'espoir, se révèle plus compliqué que prévu, notamment faute de patients. Il ne livrera probablement pas de conclusions avant plusieurs semaines.
Ce que dit l'Agence du médicament
De son côté, l'ANSM a annoncé avoir "lancé (...) une procédure de suspension des inclusions de patients dans les essais cliniques menés en France" sur l'hydroxychloroquine, ce qui veut dire qu'il ne sera pas possible d'ajouter de nouveaux malades dans les essais déjà en cours. Cette suspension prendra effet après un délai de 24 heures de procédure contradictoire auprès des organisateurs de ces essais.
Seize essais ont été autorisés en France pour évaluer l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid. "Les patients en cours de traitement avec de l'hydroxychloroquine dans le cadre de ces essais cliniques pourront le poursuivre jusqu'à la fin du protocole", précise néanmoins l'ANSM.
Cette décision fait suite à l'annonce lundi de l'OMS, qui a entraîné "la suspension des inclusions de nouveaux patients qui devaient être traités avec de l'hydroxychloroquine" dans le cadre de l'essai clinique international Solidarity.
Dérivé de la chloroquine (médicament contre le paludisme), l'hydroxychloroquine est prescrite pour lutter contre des maladies auto-immunes, le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. Elle fait partie des nombreux traitements testés depuis le début de l'épidémie de nouveau coronavirus.
Ce que font les autres pays
Les présidents américain Donald Trump et brésilien Jair Bolsonaro demeurent quant à eux convaincus des effets de l'hydroxychloroquine. Le ministère brésilien de la Santé a annoncé lundi qu'il maintiendrait sa recommandation d'utiliser l'hydroxychloroquine pour traiter le nouveau coronavirus, malgré la décision de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de suspendre temporairement les essais cliniques. Sous la pression du président Jair Bolsonaro, le ministère de la Santé a publié la semaine dernière un document qui étendait les recommandations d'utilisation de la chloroquine et de l'hydroxychloroquine, y compris aux cas bénins de Covid-19. Une décision qui a déclenché une vague de critiques dans la communauté scientifique du Brésil, pays le plus touché d'Amérique latine par l'épidémie.
Aux Etats-Unis, l'Agence du médicament (FDA) a autorisé l'utilisation, mais uniquement à l'hôpital "de manière adaptée, quand un essai clinique n'est pas disponible ou faisable". Et non à titre préventif, comme Donald Trump s'en est vanté.
Au Sénégal, de nombreux malades du coronavirus ont reçu de l'hydroxychloroquine en milieu hospitalier. Elle est utilisée aussi au Tchad, en Syrie, Algérie, au Maroc ...
En Russie, elle est aussi distribuée aux hôpitaux pour traiter les patients testés positifs ou soupçonnés d'être infectés.
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