Coronavirus sur le "Diamond Princess" : "C'est très dur d'être en quarantaine" mais "on essaie de ne pas déprimer", décrit une passagère française
Quatre Français, dont un membre d'équipage, sont présents à bord du "Diamond Princess", le paquebot placé en quarantaine à cause du Coronavirus 2019-nCov, au large du Japon. Linda raconte à franceinfo le quotidien sur le paquebot.
"C'est très dur d'être en quarantaine. Nous sommes angoissés", a témoigné lundi 10 février sur franceinfo Linda, une passagère française du Diamond Princess, le paquebot placé en quarantaine au large de à Yokohama, près de Tokyo, avec 3 700 passagers et membres d'équipage à bord. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a indiqué lundi dans un communiqué que quatre Français sont sur le paquebot : Linda et son mari Michel, une autre passagère et une jeune femme membre de l'équipage.
Sur ce navire de croisière, 135 personnes ont déjà été testées positives au coronavirus 2019-nCoV. Les époux ont été testés négatifs."On essaie de ne pas déprimer. On tient le coup", raconte Linda, 62 ans, en croisière avec son mari Michel, 80 ans. Le voyage de ces Français, originaires de Nouvelle-Calédonie, s'est transformé à l'annonce des premiers cas de contamination à bord. "Ça a été un choc", explique Linda. On n'est pas abandonnés, on essaie de positiver". Les choses se sont organisées grâce au capitaine du paquebot qui "gère son bateau comme un vrai père de famille".
Franceinfo : Comment avez-vous vécu la mise en quarantaine ?
Linda : C'est très dur d'être en quarantaine. Ça a été un choc lorsqu'on l'a appris. Ça s'est fait très rapidement. Vous imaginez, vous sortez d'un contexte de fêtes, de balades, de rigolades, parce qu'à bord c'est vraiment "La croisière s'amuse". Et le dimanche soir, veille du débarquement, vous voyez les garde-côtes aborder le bateau, des gens gantés, camouflés, monter à bord. Et le capitaine vous ordonne de rejoindre les cabines et de ne plus bouger. Là, on attend 3h du matin où on est contrôlé. On vient de faire un contrôle de température. Donc, pour mon époux et moi-même, on nous a dit "c'est négatif, c'est bon". Et 24 heures après, on nous annonce que des cas de coronavirus ont été trouvés à bord, que le bateau est placé en quarantaine. À partir de ce moment-là, plus personne n'est jamais ressorti des cabines. Donc nous sommes confinés chacun dans nos cabines. On porte des masques aux ouvertures des portes puisque tous les repas sont livrés en room-service. Donc, on ouvre la porte, on récupère le plateau. On doit prendre tous les jours notre température, la consigner par écrit et la signaler au médecin de bord dès que la température atteint 37,5 degrés. Les cas de coronavirus, au fur et à mesure qu'ils sont détectés, ils sont annoncés.
Depuis le 4 février, vous n'avez pas quitté votre cabine avec votre mari ?
Tous les deux non, parce que nous avons une cabine avec balcon et une ouverture sur l'extérieur, environ 16 mètres carrés. Donc, on a la possibilité d'aérer. Nous avons la lumière. On a un espace qui nous permet de nous dégourdir les jambes. Et c'est un choix de notre couple. On ne veut pas aller au-devant d'une contamination supplémentaire. Depuis trois jours sont organisées des sorties pour les cabines qui sont complètement cloîtrées. Il y a au milieu du navire des cabines qui n'ont ni aération, ni ouverture vers l'extérieur. Donc en priorité, ces personnes-là sont autorisées par le capitaine. C'est très réglementé. Il y a des horaires de sortie qui sont prévus, tous les deux ou trois jours, parce qu'ils font un roulement sur tous les ponts du bateau. Donc, en priorité, sortent ces cabines-là par petits groupes masqués, gantés et sous surveillance d'agents sanitaires japonais.
Certains passagers sur les réseaux sociaux ont peur, l'angoisse, le stress qui montent. Est-ce que c'est votre cas ?
Ah oui, nous sommes angoissés et inquiets. Nous sommes stressés aussi. On pleure régulièrement parce que tous les moyens qui sont déployés sont rassurants, parce qu'on se dit qu'on est pris en charge et qu'on n'est pas abandonné. Et en même temps, c'est très inquiétant. On se dit, il se passe quelque chose de grave pour que de tels moyens soient mis en œuvre, même si on essaie de positiver. D'autant que l'issue de la quarantaine est fixée au 19 février mais avec rien de certain à son issue.
Que faites-vous pour lutter contre ce sentiment d'enfermement ?
On fait un peu de sport dans notre cabine, on bouge, on fait des exercices, on essaie de se dépenser physiquement. On lit, on partage beaucoup, surtout via Messenger avec notre famille en Nouvelle-Calédonie qui est très présente, avec nos enfants. Quotidiennement, nos amis nous envoient des messages d'encouragement, nous appellent aussi. Ça aide. Ça fend le cœur. Mais c'est en même temps émouvant de sentir qu'il y a beaucoup de compassion et de soutien. Aujourd'hui, on a passé du temps à changer nos draps, parce que les agents d'entretien n'entrent plus dans les cabines. Donc là, le capitaine a annoncé qu'on nous fournissait des draps propres. Ca a meublé une partie de la matinée. On essaie de ne pas déprimer. On prend notre courage à deux mains. On ne peut pas se jeter par-dessus le balcon. Il faut faire face. On tient le coup.
Vous avez tout ce qu'il faut pour vivre au quotidien ? Produits d'hygiène, nourriture ?
Ah oui. Pour ça, il n'y a vraiment rien à dire. Il y en a même de trop. Franchement, le capitaine, on le sent. Il gère son bateau comme un vrai père de famille. Les repas, il y en a plus qu'il n'en faut. De l'eau nous est livrée à volonté tous les jours parce qu'il faut beaucoup s'hydrater. On est dans des milieux confinés avec la climatisation. On a les sinus qui brûlent, on a la gorge desséchée. Il y a des services téléphoniques. On demande un stylo ou un papier, on l'a. On demande des feuilles pour faire des pliages d'origami. Ils nous les livrent. Ils sont vraiment charmants et ils font tout pour être agréables. Moi, j'ai un traitement médical. J'avais prévu trop juste. Ils ont livré il y a deux jours, je crois, 600 kilos de médicaments à bord pour pallier les manques des uns et des autres. Moi, j'ai reçu le médicament aujourd'hui. C'est une prison. On a beau être dans une grande ville comme Tokyo, il y a des millions de personnes. Je vois devant moi des millions de voitures qui roulent. Mais on se sent seul, seul, seul, tout petit. On a peur d'être oublié. C'est très, très dur à vivre.
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