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Covid-19 : après la crise sanitaire, une explosion de la pauvreté se dessine

Perte de revenus, distributions alimentaires et bénéficiaires du RSA en hausse... L'impact social de la crise liée au coronavirus est lourd. De nouvelles mesures sont attendues mi-octobre pour y faire face.

Article rédigé par franceinfo
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Une distribution alimentaire des Restos du Coeur à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Pour elles, c'est la double peine. Sur le plan sanitaire, on savait déjà que les populations défavorisées étaient davantage exposées et touchées par la pandémie de Covid-19. Et sur le plan social aussi : la crise frappant la France depuis le printemps a plongé des milliers de Français dans la précarité, ou aggravé la situation de ceux qui s'y trouvaient déjà.

Combien sont-elles, ces autres victimes du Covid-19 ? Le taux de pauvreté de 2020 ne sera connu que dans plusieurs mois. Mais les associations craignent qu'un million de personnes ne viennent s'ajouter aux 9,3 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté en 2019. Alors que la crise dure depuis maintenant près de huit mois, un panorama inquiétant se dessine.

>> Lire aussi : "Je ne mange qu'une fois par jour" : des "nouveaux pauvres" racontent comment la pandémie les a fait basculer dans la précarité

Un Français sur trois a subi une perte de revenus

Le dernier baromètre de la pauvreté, publié par le Secours populaire fin septembre, donne un premier aperçu du phénomène. Selon ce sondage réalisé par l'institut Ipsos, 33% des personnes interrogées disent avoir touché moins d'argent entre le début de l'année 2020 et le mois d'août. Pour 16%, cette perte est même qualifiée d'importante.

Un constat supérieur à celui de l'Insee en juin dernier. Selon un autre sondage réalisé par l'institut, 20% des Français estimaient que la situation financière de leur foyer s'était dégradée durant le confinement. Et ce chiffre atteint 30% dans les ménages les plus pauvres.

La crise sociale a de multiples corollaires, mesurés eux aussi par le baromètre du Secours populaire. A commencer par l'inquiétude croissante : 57% des interrogés disent avoir déjà craint de basculer dans la précarité, soit trois points de plus qu'en 2019. Plus d'un Français sur quatre n'a pas pu partir en vacances pour des raisons financières. Et 44% des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l'école, à la suite du confinement et à cause de la crise sanitaire.

Les demandes d'aides en hausse

Résultat : les associations constatent sur le terrain une hausse des demandes d'aide alimentaire, et les distributions augmentent. De début-mars à la mi-avril, le Secours populaire a assuré en urgence l'alimentation de 1,3 million de personnes, "venues parfois après plusieurs jours de jeûne", indique l'association. Parmi ces demandeurs, 45% étaient jusque-là inconnus de l'association, précise le baromètre. "Un chiffre absolument énorme", s'alarmait Henriette Steinberg, secrétaire générale de l'association. "Mais j'ai bien peur que ce soit encore en train d'augmenter."

Localement, tous les acteurs se sont activés. Le département de la Seine-Saint-Denis a ainsi mis en place un fonds exceptionnel d'aide au logement, une aide de 450 à 480 euros pour 1 000 ménages. Entre avril et juin, 300 000 repas ont aussi été distribués, grâce à la réouverture d'une cuisine centrale habituellement dédiée aux collèges. Une opération en partenariat avec les assocations, qui ont elles aussi intensifié leur action au plus fort de la crise. En Auvergne Rhône-Alpes, la Fondation Abbé-Pierre est venu en aide pendant le confinement à 3 000 personnes, distribué plus de 10 000 tickets-service, a renforcé ses maraudes et mené plusieurs projets de mise à l'abri. 

Sur le marché de l'emploi, les indicateurs sont aussi au rouge. Dès juin 2020, l'Unedic publiait ses estimations : 900 000 suppressions d'emplois et 630 000 chômeurs supplémentaires. Même son de cloche du côté de la Banque de France, qui prévoit un pic du chômage supérieur à 11,5% mi-2021. Les départements anticipent aussi une explosion du nombre de bénéficiaires du RSA. Pour l'instant, cette hausse se chiffre à + 9,2% en août 2020 par rapport au mois d'août 2019, d'après les calculs de l'Assemblée des départements de France (ADF), rapportés par le Journal du dimanche.

Cette hausse atteindrait même 16,7% en Corrèze, 14% dans le Bas-Rhin ou dans le Loir-et-Cher, 11% dans les Bouches-du-Rhône... "Il est fort probable que la croissance actuelle du nombre de bénéficiaires du RSA s'accentue encore davantage dans les six à 18 mois à venir. La courbe d'évolution du nombre de bénéficiaires du RSA est généralement parallèle à celle du nombre de chômeurs", indique l'ADF.

De quoi affecter les budgets des départements. En Seine-Saint-Denis, où la hausse du nombre de bénéficiaires du RSA a été de + 4,7%, le montant dépensé pour cette aide a augmenté de 12%. Et dans le même temps, les recettes habituellement utilisées pour la financer ont baissé, faisant craindre un effet ciseau et poussant le département à demander une plus forte participation de l'Etat pour cette allocation. 

Le gouvernement très attendu

Début septembre, les associations s'alarmaient du manque de moyens prévus pour les plus pauvres dans le plan de relance présenté par le gouvernement. "Moins de 1% des 100 milliards débloqués dans le cadre de ce plan est dédié aux plus précaires", s'inquiétait le collectif ALERTE, fédérant 35 associations dont la Fondation Abbé-Pierre, l'Armée du Salut, ATD Quart Monde ou Médecins du Monde.

Vendredi 2 octobre, le Premier ministre rencontrait ces associations pour faire le point. "On attendait des réponses, on ne les a pas eues… On a le sentiment d'avoir été écoutés, mais maintenant il faut que des mesures soient prises", prévenait à la sortie de ce rendez-vous le président du collectif, Christophe Devys. L'enjeu, pour les associations, est aussi de relancer le plan de lutte contre la pauvreté présenté par Emmanuel Macron en septembre 2018, depuis réduit en miettes selon elles. 

"Beaucoup de gens passent entre les trous du filet de protection sociale, et nous on demande à ce qu'il y ait un plancher de sécurité", déclarait sur France Inter mercredi 7 octobre Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. Concrètement, les associations demandent l'extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans et une revalorisation des principaux minima sociaux. Rendez-vous a été pris avec le gouvernement, le 17 octobre, journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Jean Castex devrait annoncer de nouvelles mesures en réaction à ce constat inquiétant.

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