Covid-19 : "Idées noires, tristesse constante, les étudiants nous appellent à l'aide", alerte un médecin spécialisé
Des Ă©tudiants viennent consulter pour des pensĂ©es suicidaires plusieurs fois par jour alors qu'avant la crise, c'Ă©tait quelques cas par semaine, explique Caroline Combes, mĂ©decin-directrice du centre de santĂ© Ă©tudiant Ă lâuniversitĂ© Claude Bernard Lyon 1.
Quatre-vingt pour cent des jeunes de 15 Ă 30 ans disent avoir subi des prĂ©judices importants du fait de la crise sanitaire du Covid-19, que ce soit sur le plan de leurs Ă©tudes, de leur emploi ou de leur vie affective, selon un sondage Odoxa-Backbone consulting pour franceinfo, le Figaro et France Bleu publiĂ© mardi 19 janvier. "Les Ă©tudiants consultent depuis le mois de mars pour des Ă©tats anxieux", a expliquĂ© mercredi sur franceinfo la Dr. Caroline Combes, mĂ©decin-directrice du centre de santĂ© Ă©tudiant Ă lâuniversitĂ© Claude Bernard Lyon 1.
>> "On se sent comme dans une boßte dont on ne peut pas sortir" : le témoignage d'une étudiante.
franceinfo : Comment se traduit ce malaise chez les jeunes ?
Dr. Caroline Combes : Les Ă©tudiants nous appellent Ă l'aide. Ils consultent depuis le mois de mars pour des Ă©tats anxieux. Cela s'est un peu amĂ©liorĂ© Ă la rentrĂ©e de septembre-octobre et actuellement on constate plus des symptĂŽmes en lien avec la dĂ©pression. Perte de l'Ă©lan vital, perte du sentiment d'accomplissement personnel, des idĂ©es noires, une tristesse constante, une perte d'intĂ©rĂȘt dans les activitĂ©s qu'ils aimaient habituellement et pour certains des crises suicidaires qui nĂ©cessitent des hospitalisations et pour d'autres, dĂ©compensations de pathologies psychiatriques sĂ©vĂšres qui arrivent souvent entre 15 et 28 ans, comme la schizophrĂ©nie ou la bipolaritĂ© qui peuvent entraĂźner des dĂ©crochages.
Est-ce que certains ont du mal Ă se lever, Ă s'alimenter correctement ?
Oui, c'est tout le rythme de vie qui est bouleversĂ©. C'est le temps de sommeil, la maniĂšre de manger, le fait que l'Ă©cran soit au centre de toutes leurs activitĂ©s que ce soit le lien avec la famille, les amis, le lien avec les enseignants, avec les loisirs. Les vidĂ©os, les sĂ©ries, les jeux en rĂ©seau sont leurs principales activitĂ©s, ils n'ont plus envie de sortir mĂȘme quand le moral baisse et qu'on les informe que le sport peut-ĂȘtre une forme d'antidĂ©presseur naturel, leur perte de motivation ne les incite pas Ă en faire.
Est-ce que beaucoup sont dans une telle dĂ©tresse qu'ils arrĂȘtent tout et retournent chez leurs parents ?
Oui, pendant le premier confinement l'Observatoire de la vie Ă©tudiante avait dit qu'un Ă©tudiant sur trois avait prĂ©sentĂ© des signes de dĂ©tresse psychologique. Le CN2R, [Centre National de Ressources et de RĂ©silience], qui est un centre d'Ă©tude pour Ă©valuer la santĂ© mentale, avait objectivĂ© que 27% des Ă©tudiants avaient vĂ©cu une anxiĂ©tĂ© sĂ©vĂšre et Ă Lyon 1 nous avions fait une enquĂȘte et les Ă©tudiants avait perçu un sentiment de bien-ĂȘtre de 7 avant le confinement et de 5 aprĂšs le confinement en dĂ©cembre.
Un jeune sur cinq fume plus, un sur six boit plus. Est-ce qu'ils vous en parlent ?
Oui, on sait que les consommations de substances ont augmentĂ© et je pense qu'on a de la prĂ©vention primaire et secondaire Ă faire pour surtout indiquer que la prise d'alcool peut ĂȘtre un anxiolytique, comme la prise de cannabis et que le cannabis peut aussi ĂȘtre un facteur de dĂ©compensation de pathologies psychiatriques, notamment chez les patients qu'on dit vulnĂ©rables. C'est un facteur de prĂ©cipitation vers une hospitalisation et donc un dĂ©crochage.
Que leur dites-vous ?
On leur indique que le fait de consulter est confidentiel, qu'il n'y a pas de lien avec la famille et les enseignants. On leur propose des outils de gestion du stress et une prise en charge adaptée qui nécessite parfois un traitement ou une hospitalisation.
Qu'en est-il du risque suicidaire ?
Le risque suicidaire existait avant la crise, il y a 30% des Ă©tudiants qui disaient dans l'enquĂȘte de la LMDE, [La mutuelle des Ătudiants], avoir eu des pensĂ©es suicidaires au cours de 12 derniers mois. Ce que je constate c'est qu'au cours des consultations, ce motif-lĂ revient beaucoup plus frĂ©quemment sur plusieurs Ă©tudiants dans la journĂ©e alors qu'habituellement c'est de temps en temps dans la semaine. Mais depuis la rentrĂ©e, ce sont les idĂ©es noires le principal motif de consultation.
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