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Covid-19 : "Il y a urgence" à trouver l'origine du coronavirus, alerte un virologue, qui n'exclut pas la piste d'un accident de laboratoire

Comme le demandent un groupe de biologistes dans la revue Science, Etienne Decroly estime qu'il faut étudier la piste d'un accident de laboratoire. Une hypothèse jusqu'ici écartée.

Article rédigé par franceinfo
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Une habitante de Wuhan (Chine), épicentre de l'épidémie, se soumet à un test de dépistage du Covid-19, le 14 mai 2020. (STR / AFP)

Une vingtaine de scientifiques renommés affirment, dans une tribune publiée jeudi 13 mai par le magazine scientifique Science, qu'il ne faut pas écarter totalement la piste de l’accident de laboratoire dans la recherche de l'origine du Covid-19. Selon ces biologistes, les preuves du contraire n'existant pas, l'hypothèse mérite d'être étudiée. Étienne Decroly, virologue, chercheur au CNRS, se dit vendredi sur franceinfo "heureux" que la position qu’il tient depuis des mois soit "rejointe par d’autres scientifiques".

franceinfo : Concernant l'origine du SARS-CoV-2, toutes les hypothèses n'ont pas été explorées ?

Étienne Decroly : Il faut absolument qu'on résolve cette question et malheureusement, on est toujours complètement dans le flou. Il faut savoir qu'il y a plus de 80 000 échantillons qui ont été prélevés en Chine pour retrouver des preuves d'une transmission zoonotique [de l'animal à l'homme] et que malheureusement, dans ces 80 000 échantillons, tous se sont révélés négatifs. Un an et demi après le début de l'épidémie, on n'a toujours pas trouvé les indices potentiels du chemin qu'auraient pu prendre ces virus qui circulent naturellement dans les espèces de chauves-souris, justement, dans la province du Wuhan, pour atterrir finalement dans l'espèce humaine.


La Chine joue-t-elle la transparence ?


L'hypothèse gêne évidemment un petit peu les autorités chinoises. Mais ce n'est pas parce qu'une hypothèse est gênante qu'elle doit être écartée d'un revers de main parce qu'il faut bien comprendre que l'enjeu n'est pas seulement ici et maintenant de pouvoir savoir ce qui s'est passé dans le passé. Mais l'enjeu est surtout de pouvoir regarder vers le futur de manière plus sereine.

Si on ne comprend pas les mécanismes qui sous-tendent l'émergence de cette épidémie aujourd'hui, le risque que la communauté internationale prend, c'est finalement de rejouer des situations similaires dans les années à venir.

Etienne Decroly, virologue

à franceinfo

Cela veut dire que si ce virus vient d'un mécanisme zoonotique, il faut identifier ce mécanisme pour surveiller mieux les populations qui transmettent ces virus éventuellement aux populations humaines. Et si c'est un accident de laboratoire, ce qui pourrait arriver, il faut que la communauté scientifique régule davantage et mieux les expériences qui se font en laboratoire.


A-t-on une chance de connaître l’origine de cette épidémie ?


D'abord, il y a urgence parce que ce sont des virus ARN et donc les traces, petit à petit, disparaissent et que plus on attend, plus cela va être difficile. Il faut aussi comprendre que c'est un rapport de force. Cette lettre qui est signée par des scientifiques de renom dans le domaine de la virologie, Américains et autres, est tout à fait significative pour renforcer finalement le poids de ce qu'avait dit le directeur de l'OMS. C'est qu'il était nécessaire de poursuivre les enquêtes. Ce qu'il faut maintenant, c'est que sur la base du nouvel équilibre des forces scientifiques, véritablement que l'ensemble des efforts soient dirigés de manière à soutenir l’OMS dans sa capacité à pouvoir enquêter réellement sur le terrain de manière à éviter de rejouer des situations similaires.

Vous vous sentez moins seul ?


Je suis heureux de voir que la position qu'on tient depuis quelques mois est rejointe par d'autres scientifiques. J'espère surtout que dans l'avenir, grâce à ces changements finalement de position d'une partie de la communauté scientifique, on va pouvoir tenir un débat qui est plus serein et mieux protéger l'ensemble des populations de l'émergence future de pandémies.

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