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Covid-19 : ils s'appelaient Giuseppa, Jacqueline, Mohammed et font partie des 100 000 morts de l'épidémie en France... Voici leur histoire

Article rédigé par franceinfo - Charles-Edouard Ama Koffi, Louis Boy, Marianne Chenou, Fabien Jannic-Cherbonnel
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 27min
Depuis le début de l'épidémie, plus de 100 000 personnes sont mortes du Covid-19 en France. Un chiffre vertigineux, qui ne doit pas faire oublier l'histoire singulière de chaque défunt. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Derrière ce chiffre vertigineux de 100 000 morts, il y a des parents, grands-parents, frères ou sœurs emportés par le coronavirus. Leurs proches endeuillés ont confié à franceinfo leurs souvenirs, retraçant les vies de leurs chers disparus.

Jean était médecin à la retraite, il avait 77 ans. Josette était une ancienne commerçante, âgée de 70 ans. Claude, 75 ans, avait travaillé pendant un demi-siècle comme verrier. D'autres étaient maçon, ingénieur, médecin, photographe ou femme de ménage... Ils et elles se prénommaient João, Martine, Osange, Roger, Valérie...

Alors que la France a passé, jeudi 15 avril, le seuil des 100 000 morts depuis le début de l'épidémie de Covid-19, franceinfo dresse le portrait de certaines de ces victimes, à travers les souvenirs de leurs proches, pour ne pas oublier les humains derrière les chiffres. Plus de 150 familles ont répondu à notre appel à témoignages, nous racontant les vies de ces personnes emportées par le coronavirus. 

Mohammed Zarrouki, une "présence chaleureuse", mort en mars 2020 à 77 ans dans le Pas-de-Calais

Mohammed Zarrouki, sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Pour sa fille, Mohammed Zarrouki était "le phare de la famille". Zahra, l'une de ses six enfants, n'a pas de mots assez doux pour évoquer son père, fauché par le Covid-19 en mars 2020. "Il avait une aura… Une fois qu'on allait le voir, on était heureux. Il avait une présence rassurante, chaleureuse", se remémore-t-elle. Mohammed Zarrouki était un homme de plaisirs simples. Discret, il était attaché à sa routine : ses longues promenades, ses prières quotidiennes et ses visites aux copains. Un homme soigné, soucieux de son apparence : il taillait sa barbe avec précision et choisissait ses chaussures méticuleusement.

Originaire de Taliouine, au Maroc, Mohammed Zarrouki arrive en France dans les années 1970. Cet ancien berger apprend la langue française en autodidacte et devient ouvrier chez Renault. Bien qu'attaché à Arras (Pas-de-Calais), la ville où il a vécu, il retourne régulièrement au Maroc. C'est au cours d'un de ses nombreux allers-retours qu'il rencontre Fatma, avec qui il fonde sa famille. Durant les dernières années de sa vie, son engagement est tourné vers la création d'une nouvelle mosquée à Arras. Il organise des collectes sur les marchés pour la financer, sans argent public. Il devient au fil des ans une figure connue au sein de la communauté musulmane de la ville.

Diabétique, il contracte le virus au cours d'un séjour à Paris. Ses amis sont également contaminés, de même que son épouse et plusieurs de ses enfants. Il disparaît à 77 ans un jour de mars 2020. Une collecte en sa mémoire est organisée à Arras, au sein de la communauté pour laquelle il œuvrait. Plusieurs inconnus y ont participé. Comme un ultime symbole de son altruisme. "Beaucoup de personnes gardent en tête son sourire", assure sa fille Zahra. 

Claude Poiré, bon vivant, disparu en avril 2020 à 75 ans dans le Pas-de-Calais

Claude Poiré sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Hospitalisé alors que le pays entrait en confinement, le 17 mars 2020, Claude Poiré s'est éteint le 11 avril, deux jours après son 75e anniversaire. Il a travaillé pendant plus de cinquante ans comme verrier à la cristallerie d'Arques, près de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Il faisait les trois huit, avec un patron bienveillant. "Il cuisait la dinde dans les fours de la verrerie à Noël", se souvient avec humour Sandrine, sa fille unique. Bon vivant, il ne refusait jamais une bière ou un verre de vin. Ce grand têtu ("un vrai bélier", rit sa fille) détestait pourtant les conflits. Il était toujours très pudique avec ses proches, mais si fier de leurs réussites.

Viré des Beaux-Arts de Saint-Omer pour avoir jeté des morceaux de charbon sur un professeur, il avait trouvé une opportunité à la cristallerie après un bref passage en mécanique. Une fois à la retraite, ce passionné d'histoire avait passé ses journées devant des documentaires, enrichi par tous les voyages qu'il avait pu faire, en Birmanie, en Thaïlande, au Mexique ou encore au Brésil. Il se plaisait à se balader sur les bords du canal de Saint-Omer, qu'il rejoignait à vélo. "Mon père refaisait le monde avec sa bande de copains. Ils se racontaient toutes les bêtises qu'ils avaient faites pendant leur jeunesse", raconte Sandrine.

En mars 2020, il est tombé malade de retour d'un voyage en Espagne, sans vraiment comprendre comment il avait pu contracter le virus. Son épouse, également atteinte, n'a pu le revoir que trois semaines plus tard, alors qu'il était plongé dans un coma artificiel. Sa fille a dû se contenter de l'apercevoir depuis l'extérieur de l'hôpital au travers d'une vitre, mais a pu compter sur une équipe soignante très présente. La famille de Claude Poiré a d'ailleurs souhaité remettre une cagnotte aux infirmières de l'hôpital de Saint-Omer. "Il a été heureux, il a bien profité de la vie", résume sa fille.

Alexandre Pagès, un "papa poule", mort en septembre 2020 à 46 ans dans l'Aisne

Alexandre Pagès sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

"C'était un battant, il était fier d'être arrivé à réussir sa vie en partant de rien”. Aurélien Pagès ne tarit pas d'éloges à propos de son grand frère, Alexandre, disparu à 46 ans en septembre 2020, des suites du Covid-19. L'homme de radio est né dans la région parisienne en 1974, avant de partir dans l'Aisne, là où ses parents s'étaient rencontrés. Après le divorce de ses parents, il est d'un "grand soutien" pour ses deux petits frères, Maxime et Aurélien.

"Têtu", la force de caractère du futur animateur de radio est déjà présente durant son adolescence. A 16 ans, il parcourt 70 km à vélo par jour pour rallier une radio située à Fourmies (Nord). Passionné par le monde des ondes, Alexandre parvient à devenir animateur au gré des stages dans des stations locales. Ses études en fac d'économie l'emmènent en Isère, où il entre en tant que stagiaire compta chez Radio Isa. Il en prend la présidence en 2004, avant de fonder le groupe de radios indépendantes ISA Groupe. "Il était très humain, envers sa famille, ses amis et ses employés, explique son frère. Il avait le cœur sur la main."

Marié jeune, Alexandre Pagès a trois enfants d'une première union. Après un divorce et un remariage, sa seconde femme, Perrine Maingre-Pagès, actuelle présidente du groupe ISA, donne naissance à une petite fille. "C'était un vrai papa poule, se souvient-elle. Il avait de bonnes valeurs familiales, il a toujours été là pour ses enfants." Féru de voyages, il était parti en famille en Guadeloupe lors des vacances d'hiver de 2020. "Bon vivant", il "adorait la cuisine, notamment les barbecues qu'il aimait partager avec sa famille", raconte sa femme, qui évoque notamment sa fameuse "soupe de potimarron au lard".

En pleine force de l'âge, et "en parfaite santé" à 46 ans, il est contaminé par le coronavirus en septembre 2020, "probablement lors d'un déplacement professionnel". "Il prenait pourtant beaucoup de précautions", soupire son frère. Sa santé se dégrade rapidement, et il est pris en charge à l'hôpital de Soissons (Aisne), avant d'être transféré à Paris. Il s'éteint le 16 septembre 2020. Alexandre Pagès laisse "un grand vide dans la vie de ses proches", résume son frère.

Giuseppa et Filippo Volturo, "amoureux comme au premier jour", morts en novembre 2020 à 86 et 91 ans en Moselle

Filippo et Giuseppa Volturo sur une photo non datée transmise à franceinfo par leurs proches. (DR)

Les nonni (les "grands-parents", en italien) ont vécu ensemble plus de 60 ans et sont partis à quelques jours d'intervalle. Filippo et Giuseppa Volturo se sont éteints en novembre 2020, à 91 et 86 ans. Nés à Aidone, un petit village au cœur de la Sicile (Italie), ils s'y marient en 1954. L'histoire de la famille Volturo est celle de tant d'autres Italiens de l'époque : le travail de la terre d'abord, puis l'émigration vers la France pour la promesse d'une vie meilleure. Pour Filippo et Giuseppa, ça sera Guénange, en Moselle. Partis d'Italie avec un enfant sous le bras, ils en ont six autres en France. Filippo devient maçon-fumiste dans des usines du bassin minier ; Giuseppa élève ses enfants et s'occupe de son foyer.

Le nonno, comme l'appelle son petit-fils Michaël Havert, travaille beaucoup, cumulant jusqu'à trois jobs en même temps. "Il avait la tête dure, c'était quelqu'un d'obstiné, mais il était aussi très sociable", raconte Michaël. Bilingue, Filippo Volturo s'attache à transmettre sa culture italienne à ses enfants et petits-enfants. "C'était très présent dans les repas de famille, explique son petit-fils. On mangeait la pasta, on buvait du vin italien. J'ai gardé cette image de mes grands-parents qui accueillent tout le monde le dimanche." 

La nonna, elle, n'apprendra jamais le français, et restera "assez dépendante" de son mari, selon les mots de son petit-fils. Malgré une personnalité plus réservée, elle pique des colères incroyables lorsque la gent féminine s'approche de trop près de son mari. Cette "jalousie chronique" ne s'est pas arrêtée avec l'âge, faisant bien rigoler ces petits-enfants, relate Michaël Havert, pour qui ce trait de caractère vient souligner l'amour "comme au premier jour" qui unissait les époux Volturo.

A la retraite, le Sicilien "se rapproche de la terre et de ses racines". "Il avait toujours à cœur d'entretenir le jardin familial et son potager." Quand la santé de Giuseppa se dégrade, Filippo est là pour la soutenir. Le couple célèbre ses noces de diamant en 2014, grâce au soutien de l'Amicale des Italiens de Guénange. Quelques années plus tard, Giuseppa Volturo n'est plus en mesure de rester à la maison. Elle entre en Ehpad, à quelques mètres du domicile familial. Filippo vient lui rendre visite quotidiennement, sans faute. "J'ai des photos où ils sont à l'Ehpad, bras dessus bras dessous, leur amour apparaît dans ces moments-là, raconte, ému, Michaël Havert. Même à 90 ans, il l'embrassait comme au premier jour, ils étaient comme des petits jeunes."

Début novembre 2020, en pleine deuxième vague de l'épidémie, la mère de Michaël Havert reçoit un appel de l'Ehpad : la nonna a été testée positive au Covid-19. Très vite, son état s'aggrave, elle est hospitalisée. Le nonno est retrouvé semi-inconscient chez lui le 3 novembre. Victime d'un œdème pulmonaire, il est hospitalisé après avoir été à son tour testé positif au virus. "On suppose qu'il a été infecté après une visite à l'Ehpad", explique son petit-fils. Le 10 novembre, Giuseppa Volturo s'éteint. Filippo Volturo n'est pas informé de la mort de sa femme sur demande des médecins, pour éviter "un choc émotionnel". Le 16 novembre, il rejoint son épouse. "Ils ont eu une belle vie, soupire Michaël Havert. Mais ils avaient encore quelques années devant eux."

Nicole Chipot, "aimante" et sociable, disparue en novembre 2020 à 80 ans dans le Doubs

Nicole Chipot sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Nicole Chipot "aimait beaucoup s'occuper des autres". Née à Besançon (Doubs) en 1940, elle a été emportée par le Covid-19 en novembre 2020, à l'âge de 80 ans. Elle "n'a pas eu une vie facile", raconte sa fille, Sylvie Hienne. Discrète, un peu taiseuse, elle s'occupe beaucoup de son frère durant son enfance, alors que ses parents travaillent à la Poste. Elle rencontre son futur époux à Dole. Ils s'installent ensemble à Besançon et se marient en 1970. Sylvie naît en 1971, et trois ans plus tard, la famille s'agrandit avec un garçon.

Nicole souffre de plusieurs dépressions, qui l'empêchent de réintégrer le centre où elle était éducatrice, un crève-cœur. Son deuxième enfant est né avec une malformation : "Une hydrocéphalie qu'on n'opérait pas en ce temps-là." Le garçon meurt en 1978. Les funérailles ont lieu le jour où elle devait ouvrir une boutique de collants à Besançon. "Il faut quand même une sacrée force pour arriver à faire les deux", souligne sa fille. Au fil des années, "le contact avec la clientèle" l'aide à surmonter les épreuves. Nicole "aimait beaucoup le passage et discuter avec les gens".

Même si sa mère "gardait tout pour elle", sa fille a conscience de l'impact qu'elle a eu dans la vie des jeunes qu'elle a aidés lorsqu'elle était éducatrice, "comme une seconde maman". "Aimante", elle choie aussi les apprenties de sa boutique, "à qui elle laissait toujours un petit pécule". Nicole Chipot devient une grand-mère comblée par ses quatre petits-enfants. "Mon dernier garçon devait lui rappeler mon petit frère. Elle a toujours été très attachée à lui", se souvient Sylvie.

Sa santé se dégrade en vieillissant. Nicole tricote toujours, même si elle tremble un peu. Elle aime lire, se promener et discuter avec les gens... Elle est un brin gourmande : "Elle connaissait bien les produits des maraîchers". Elle adore Charles Aznavour et Michel Sardou. Elle se découvre une passion pour Jacques Chirac. "Je ne sais pas pourquoi elle l'aimait autant, on la taquinait là-dessus", rigole sa fille. Elle attrape le Covid-19 au début de la deuxième vague. A cause de ses comorbidités, elle se retrouve rapidement à l'hôpital. Elle meurt quelques jours plus tard. Nicole Chipot, "très croyante", a le droit à des funérailles à l'église, un soulagement pour sa fille, heureuse de "lui avoir offert une belle cérémonie".

Jacqueline Cormier, grand-mère couturière, partie en décembre 2020 à 89 ans dans l'Orne 

Jacqueline Cormier, sur une photo datée de novembre 2020 transmise à franceinfo par ses proches. (JESSICA KOMGUEN / DR)

Il y a d'abord Jacqueline Cormier la couturière. Elle apprend son métier dans une école de Sées (Orne). Elle n'arrête jamais vraiment de coudre. Mère de six enfants, puis grand-mère de quatorze petits-enfants et arrière-grand-mère de quinze bambins, elle passe des heures à confectionner pour eux des pulls, des robes ou encore des écharpes. "C'est ce qu'elle adorait. C'était sa vie, les enfants", se souvient Dominique, l'un de ses fils.

Après la couture, elle apprend l'agriculture, à la mort de son père, producteur laitier. Jacqueline et son époux reprennent l'exploitation normande paternelle, œuvrant pour la faire fructifier, enchaînant les journées rudes, avec une charge de travail lourde. Après des années de labeur, le couple prend sa retraite et retourne à Sées. Au cours de nombreux voyages en amoureux, ils visitent l'Espagne, l'Allemagne ou encore la Pologne.

En août 2020, à 89 ans, Jacqueline contracte la légionellose, une infection respiratoire grave due à l'inhalation de vapeurs d'eau contaminée. "Elle était pratiquement condamnée, mais avec sa volonté, elle s'en est sortie au bout de deux mois", raconte Dominique. Un léger problème respiratoire la contraint à séjourner à l'hôpital en décembre 2020. Elle y attrape le coronavirus, estime sa famille a posteriori.

Mais Jacqueline ne le sait pas encore. Elle retourne chez elle, puis se sent diminuée. De nouveau hospitalisée, elle succombe cinq jours après son arrivée. Elle est inhumée juste avant Noël. "Elle avait envisagé de réunir toute la famille pour ses 90 ans, souffle Dominique. Ce qui fait mal, c'est qu'elle aurait encore pu vivre quelques années."

Bernadette Paillot, une main verte, morte en décembre 2020, à 91 ans dans le Jura

Bernadette Paillot sur une photo datée d'août 2020 transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

La dernière fois que Joël Paillot a pu saluer sa mère Bernadette, c'était sur un parking, un jour de décembre 2020. Il se trouvait au milieu des voitures. Elle était sur le balcon de sa chambre d'hôpital, dans le Jura. Un coucou de la main de la mère répond à celui du fils et puis c'est fini. "La fois suivante, deux jours après, elle n'était plus consciente, se souvient Joël, son fils de 68 ans. Je l'ai vue en train de dormir, moi habillé comme un cosmonaute. Le lendemain, quand je suis arrivé, on m'a appris qu'elle était morte." Bernadette s'est éteinte à 91 ans.

Originaire du Jura, cette fille de paysans s'installe à 18 ans à Paris où elle travaille comme femme de chambre. C'est à cette époque qu'elle rencontre le futur père de Joël. Au milieu des années 1960, elle devient concierge dans l'immeuble où elle a posé ses bagages, puis dans quelques autres jusqu'en 1975. 

Au cours de ses années parisiennes, Bernadette aime chiner aux puces de Saint-Ouen et à Montreuil (Seine-Saint-Denis) pour assouvir sa passion pour la décoration d'intérieur. Puis, la retraite venue, elle retourne dans son Jura natal, à Saint-Lothain, et se découvre une passion pour les fleurs. "Elle en prenait une branche, qu'elle mettait en terre, et créait un nouvel arbuste, puis l'offrait à ses voisines, confie Joël. Elle n'arrêtait pas de tailler ses haies, de tondre, de soigner son jardin."

A la mort de son mari, en 1999, cette femme discrète avait gagné en indépendance. A l'automne 2020, une chute l'oblige à faire plusieurs allers-retours à l'hôpital. Lors de son dernier séjour, elle est testée négative au coronavirus à son arrivée, contracte le Covid-19 en novembre et succombe en décembre, d'après son fils. "Je regrette qu'elle ait dû quitter sa maison. L'idéal aurait été qu'elle meure chez elle."

Francis Montarello, retraité hyperactif, disparu en février à 72 ans dans les Bouches-du-Rhône

Francis Montarello sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Président d'associations, élu local, musicien, père et grand-père... La vie de Francis Montarello a été bien remplie. Hyperactif, ce retraité de 72 ans, mort du Covid-19 en février 2021, faisait encore "l'équivalent d'un mi-temps" auprès des associations dans lesquelles il était investi, explique sa fille Fanny.

Né à Marseille, il grandit "dans des châteaux et des maisons bourgeoises" que ses parents squattent après-guerre. Il commence à travailler en avril 1968. Un mois plus tard, il est déjà en grève sur les barricades. Animateur socioculturel dans les quartiers Nord de Marseille dans les années 1970, il devient responsable du secteur sport et culture d'une ville voisine, Gardanne. "Il voulait faire en sorte que les gens soient fiers de leur identité, de leur ville", explique sa fille. Il crée le festival Arts & Festins du monde dans les années 1980 pour "rassembler les familles" de la ville.

Francis Montarello n'hésite jamais à mettre ses deux filles à contribution dans ses projets : "On a eu des échantillons de pelouse partout dans la maison quand il travaillait sur l'équipement d'un stade, on a testé des dizaines de fauteuils de cinéma, on allait au festival d'Avignon pour voir la programmation", se souvient Fanny.

Même à la retraite, il reste une figure locale dans sa ville de cœur. "Acheter le pain lui prenait deux heures et demie. Il revenait avec tout un tas d'anecdotes", assure sa fille. Il passe aussi beaucoup de son temps à "retaper la maison familiale dans les Cévennes" pour y réunir tous ses proches. Il attrape le coronavirus en allant saluer sans masque des voisins. Après quinze jours de maladie, il est hospitalisé et placé en réanimation dans un petit hôpital près d'Aix-en-Provence, où il reste trois mois, avant de mourir, début février.

Katia Berranger, une "altruiste", partie en mars à 81 ans en Seine-Saint-Denis

Katia Berranger sur une photo prise dans les années 1960, transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Pour l'état civil, son nom était Catherine Berranger, mais tout le monde l'appelait Katia. C'est le prénom que lui avait donné son père, immigré russe. Il avait été jugé "pas assez français" à la mairie de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), où elle était née en 1940. A Montreuil (Seine-Saint-Denis), sa ville d'adoption depuis qu'elle s'y était installée avec son mari et ses quatre enfants en 1993, elle était une figure locale. Son temps était consacré aux autres. Présidente de l'association du quartier Théophile-Sueur-Ruffins, cette ancienne vendeuse de jouets aux Galeries Lafayette devenue assistante maternelle donnait des cours d'alphabétisation aux femmes étrangères. Elle avait également fait du soutien scolaire. "Elle était altruiste, aimait partager", confie Pierre, son dernier fils.

Dès les premiers mois de la pandémie, alors qu'elle et son mari étaient pourtant à risque, elle s'était inquiétée avant tout pour ses enfants, comme elle l'avait toujours fait. Au début des années 1990, tandis que le couple avait du mal à joindre les deux bouts, Katia, qui gérait alors les comptes familiaux, avait choisi de continuer à nourrir son mari et ses enfants plutôt que de payer le loyer. "Un jour, les huissiers sont venus et on a dû partir, se souvient Pierre. Je ne lui en veux pas, nous n'avons jamais manqué de rien." De la place des Fêtes à Paris, ils avaient alors déménagé à Montreuil.

C'est dans cette ville cosmopolite que Katia s'était épanouie. "Elle était comme un poisson dans l'eau", glisse son fils. Son franc-parler résonnait à la mairie et s'exprimait aussi dans les commentaires des pages Facebook qu'elle fréquentait régulièrement sur sa tablette. Malade depuis plusieurs années, Daniel, son mari, est mort au début du mois de mars. Avec la préparation des funérailles, les mouvements à son domicile s'étaient intensifiés et c'est peut-être à ce moment-là qu'elle a contracté le virus, estime sa famille.

A l'enterrement de son père, le 16 mars, Pierre, venu des Bouches-du-Rhône où il habite, a vu sa mère pour la dernière fois. Après des signes de fatigue et de fièvre, Katia avait été hospitalisée le 21 mars. Elle s'est éteinte le 25. Après sa mort, sa famille a découvert une lettre de la Sécurité sociale : elle informait Katia qu'elle pouvait bénéficier d'un rendez-vous pour être vaccinée.

Myriam Metzinger, gaie et dévouée, disparue en avril à 61 ans en Moselle

Myriam Metzinger sur une photo non datée transmise à franceinfo par ses proches. (DR)

Une femme pétillante et pleine d'humour. Pour ses enfants, pour ses amis, c'est la joie de vivre de Myriam Metzinger qui la résumait le mieux. Derrière ses cheveux blond platine et ses yeux "marécageux", à la fois verts et orange, cette ancienne aide-soignante originaire de Moselle, morte à 61 ans en avril, n'hésitait jamais non plus à dire ce qu'elle pensait. "Elle était une maman exemplaire", selon sa fille Julie. Myriam Metzinger avait ainsi accompagné pendant des années les sorties scolaires, tout en organisant les ventes de goûters pour l'association de parents d'élèves de Diebling et en emmenant régulièrement au stade ses enfants pour voir des matchs du FC Metz.

A 48 ans, elle avait repris ses études pour devenir aide-soignante. Les premiers stages avaient été une révélation. Tour à tour auprès d'enfants handicapés ou de personnes âgées dépendantes, Myriam Metzinger avait pris soin des autres. Toujours prête à rendre service, elle s'occupait de son père de 86 ans, alors qu'elle ne pouvait plus travailler pour raisons de santé. 

Elle n'avait pas hésité pas à se priver de tout lorsqu'il avait fallu payer les études de ses deux enfants. Cette maman poule les couvrait de cadeaux à chaque Noël et ne laissait jamais passer un soir sans leur envoyer un message de bonne nuit. Elle chérissait les vacances qu'ils passaient chaque année ensemble et rêvait du voyage à Marrakech qu'ils lui avaient planifié pour ses 60 ans, mais reporté à cause de la pandémie.

Myriam Metzinger aimait l'odeur de l'iode en bord de mer. Coquette, dynamique, et accro du shopping, elle adorait aussi décorer son appartement de Farébersviller, "une véritable jungle" remplie de plantes, raconte son fils Thomas. Malgré toute sa vigilance, allant jusqu'à désinfecter tous ses achats, elle avait contracté le Covid-19 en mars. Atteinte du variant identifié en Angleterre, elle s'est éteinte en avril, à l'hôpital de Metz, après plusieurs semaines en réanimation.

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