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Covid-19 : les hôpitaux vont-ils connaître une nouvelle pénurie de masques et de médicaments lors de la seconde vague ?

Invité de France Inter lundi, Jean-Luc Mélenchon a accusé le gouvernement de n'avoir "rien organisé" pour faire face à une seconde vague de contaminations. Mais les acteurs de la santé interrogés par franceinfo assurent qu'ils bénéficient de stocks suffisants.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une infirmière au chevet d'un patient positif au Covid-19, le 22 octobre 2020 à Gonesse (Val-d'Oise). (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

"Ces gens n'ont jamais rien planifié ni organisé ! On leur disait : 'Il y a la possibilité d'une deuxième vague'. Qu'ont-ils fait pour s'y préparer ? Rien, absolument rien !" Invité de France Inter, lundi 26 octobre, Jean-Luc Mélenchon n'a pas masqué son agacement au moment d'évoquer l'action du gouvernement face à la nouvelle vague de contaminations au Covid-19 qui frappe la France. "De nouveau, nous allons avoir pénurie de masques dans les hôpitaux. De nouveau, pénurie de gants. De nouveau, pénurie de blouses. De nouveau, pénurie de médicaments. (...) Pourquoi n'ont-ils rien organisé ?", s'est interrogé le président du groupe La France insoumise à l'Assemblée nationale.

Alors que le nombre d'hospitalisations liées au coronavirus augmente jour après jour, l'ancien candidat à l'élection présidentielle a-t-il raison de tirer la sonnette d'alarme concernant les médicaments et équipements de protection à la disposition des hôpitaux ?

Une situation critique au printemps

Petit retour en arrière. En mars, lorsque la France prend de plein fouet la première vague de contaminations au Covid-19, le personnel hospitalier fait rapidement face à une importante pénurie de masques, faute de stock stratégique suffisant. Qu'il s'agisse de modèles FFP2, qui protègent le porteur contre l'inhalation d'agents infectieux, ou de simples masques chirurgicaux destinés à éviter la projection de particules potentiellement contaminées, les soignants font face à une rupture de stock qui provoque des situations inquiétantes. Outre les vols qui se multiplient, le personnel de santé d'un hôpital normand a ainsi été invité à "faire sécher" ses masques jetables avant de les réutiliser, quand de nombreux soignants détournent un masque de plongée destiné aux loisirs pour l'utiliser au milieu de patients infectés.

A l'époque, cette situation de crise concerne également d'autres équipements de protection individuelle (EPI), comme les charlottes, les surblouses à usage unique que certains lavent et remettent en service, ou encore les gants qui deviennent rapidement difficiles à trouver. Plus inquiétant encore, les stocks de certains médicaments utilisés en réanimation, comme les hypnotiques et dérivés des curare utilisés pour relaxer les muscles au moment de l'intubation, s'épuisent rapidement.

"Nous avons connu des moments de très forte tension, parfois à la limite de la rupture de stock", se souvient pour franceinfo Pierre Pinzelli, secrétaire général de Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). "Il a fallu faire preuve de beaucoup d'ingéniosité, et parfois mobiliser le tissu associatif et industriel autour de nous pour faire face à la situation", ajoute-t-il. Au plus fort de la crise, les soignants des hôpitaux marseillais ont ainsi enfilé par exemple des surblouses confectionnées par une association de couturiers à l'aide d'un stock de voile d'hivernage normalement destiné aux rayons des jardineries.

"Cette fois, nous avons pu anticiper"

Qu'en est-il aujourd'hui ? Tous les centres hospitaliers interrogés par franceinfo l'assurent : leurs stocks d'EPI et de médicaments devraient leur permettre d'aborder la seconde vague de contaminations au Covid-19 avec davantage de sérénité. Ces hôpitaux ont en effet pu profiter du ralentissement de l'épidémie durant l'été et de la montée en puissance de l'offre mondiale d'équipements de protection pour reconstituer leurs réserves. Comme toutes les structures de santé, ils ont été ainsi invités par le ministère à mettre de côté l'équivalent de trois semaines de consommation en période de crise, explique la Direction générale de la santé (DGS) à franceinfo.

De son côté, l'Etat s'est doté d'un stock stratégique d'EPI qui comporte notamment 1,172 milliard de masques dont 914 millions de masques chirurgicaux et 258 millions de masques FFP2, selon la même source. 

A Saint-Etienne (Loire), où les contaminations affichent pourtant un niveau record (1 049 cas sur sept jours pour 100 000 habitants dans la métropole, contre 350 de moyenne nationale), le CHU assure ainsi que le niveau des réserves des protections individuelles et médicamenteuse n'est "pas un sujet".

Même son de cloche du côté de l'Ile-de-France, où l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) assure à franceinfo que ses 39 hôpitaux disposent "de 4 à 5 mois de stocks calculés sur une consommation équivalente au pic de la crise au printemps pour les masques FFP2, les masques chirurgicaux et les surblouses." "Contrairement à la crise du printemps, nous avons pu anticiper, abonde-t-on du côté des Hospices Civils de Lyon. Les équipes achats et logistique ont travaillé d'arrache-pied tout l'été, ce qui nous permet d'avoir une situation actuelle de stocks suffisante sur la très grande majorité des références produits et d'assurer sur les semaines à venir des livraisons d'EPI aux équipes soignantes et médicales sans difficulté notable".

Tout est fait pour qu'il n'y ait pas de rupture : approvisionnements massifs, stocks de sécurité, imports, recherche de produits alternatifs, coopérations inter-hôpitaux…

Les Hospices Civils de Lyon

à franceinfo

"Certaines tensions d’approvisionnement persistent", nuance-t-on toutefois du côté du CHU de Nantes (Loire-Atlantique), où l'on cite des cas de "rupture de stock chez un fournisseur", ou encore quelques surprises quant à l'"allongement des délais de livraison". Des contrariétés auxquelles les hôpitaux nantais disent avoir échappé en "adaptant" leurs pratiques, "notamment en référençant de nouveaux fournisseurs et en anticipant les commandes".

L'utilisation des médicaments contingentée

Même si l'état de leurs stocks ne leur inspire pas d'inquiétude immédiate, les établissements de Marseille et d'Ile-de-France font toutefois état de difficultés pour s'approvisionner en gants. Interrogée par franceinfo à ce sujet, la DGS le concède : "Quelques tensions ont en effet été constatées sur certains approvisionnements en gants : cela vient à la fois de la hausse de la consommation pour la protection des soignants contre le virus, de la demande mondiale qui reste très importante et de l’acheminement des commandes qui est encore en cours".

Pour éviter une crise, le ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran indique avoir "signé une commande de 400 millions de gants en juillet", et précise que "d’autres commandes ont été passées" depuis. "Cela permet à la fois de répondre aux besoins en envoyant régulièrement aux établissements qui en ont besoin des gants ainsi que de reconstituer un stock", indique-t-on encore.

Enfin, les médicaments utilisés dans les services de réanimation ont également fait l'objet d'un réapprovisionnement. Durant l'été, les commandes 'hypnotiques (midazolam et propofol) et de curares (atracurium, cisatracurium et rocuronium) des différents établissements de santé ont ainsi été encadrées par l'Etat, afin de s'assurer d'une répartition des médicaments adaptée au nombre de patients effectivement hospitalisés en réanimation. L'article-49 du décret du 16 octobre concernant le cadre de l'état d'urgence sanitaire prévoit la possibilité pour l'Etat de reprendre complètement la main sur la répartition de ces médicaments si la situation l'exigeait.

L'Etat a d'ailleurs effectué des réserves pour se préparer à cette éventualité. La DGS précise ainsi à franceinfo que le stock national d'hypnotiques et de curares est dimensionné pour prendre en charge 29 000 patients en réanimation. Un niveau qui correspond à quatorze fois le nombre de personnes présentes en réanimation le 27 octobre (2 057), et plus de quatre fois le nombre de personnes admises en réa au plus fort de la crise au printemps (7 019 le 8 avril). De quoi peut-être rassurer Jean-Luc Mélenchon, même si les évolutions de l'épidémie invitent à l'humilité lorsqu'il s'agit de se risquer à des prédictions.

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