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Covid-19 : pourquoi le gouvernement estime que le couvre-feu est une mesure efficace

Si la situation sanitaire continue de s'améliorer en France, le confinement sera levé le 15 décembre pour être remplacé par un couvre-feu national de 21 heures à 7 heures. 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une rue vide dans Paris sous couvre-feu, le 17 octobre 2020. (ALAATTIN DOGRU / ANADOLU AGENCY / AFP)

Décembre ne sera pas une fête. Si la situation sanitaire s'améliore en France, le confinement décrété pour juguler l'épidémie de Covid-19 sera en effet levé le 15 décembre... pour être remplacé par un couvre-feu de 21 heures à 7 heures du matin. Et celui-ci ne tolèrera que deux exceptions, les réveillons du 24 et du 31 décembre, a précisé le président de la République Emmanuel Macron, dans son allocution du mardi 24 novembre où il égrenait les modalités du déconfinement. Profitez donc de la bûche de Noël et du champagne de la Saint-Sylvestre, il n'y aura (en principe) pas d'autres soirées pour enterrer 2020. Mais pourquoi le couvre-feu est-il privilégié à ce point par le gouvernement pour lutter contre la propagation du virus ? 

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Parce que la diminution de l'épidémie est "plus marquée dans les métropoles sous couvre-feu"

Dans son dernier bulletin épidémiologique publié le jeudi 19 novembre, l'agence sanitaire Santé publique France s'attarde ainsi sur l'impact du couvre-feu, qui avait démarré le 17 octobre dans neuf métropoles (Paris, Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Saint-Etienne, Rouen, Montpellier, Toulouse), en même temps que les vacances de la Toussaint. 

En analysant les résultats, semaine après semaine, Santé publique France constate que les indicateurs de la pandémie ont commencé à s'inverser une dizaine de jours après le premier couvre-feu décrété dans les grandes villes. "La temporalité" entre la mise en application "du premier couvre-feu, et l’inversion de la tendance une dizaine de jours plus tard, est en faveur d’un effet direct des mesures", estime l'agence.

"Les résultats actuels permettent de constater une diminution franche de tous les indicateurs, plus marquée dans les premières métropoles mises sous couvre-feu".

Santé publique France

dans son bulletin épidémiologique du 19 novembre

Parce que le taux de positivité baisse pour les 22 métropoles

Pour appuyer ses propos, Santé publique France publie un graphique montrant, sur les trois dernières colonnes, la diminution du taux d'incidence (nombre de nouveaux cas pour 100 000 habitants sur une semaine) dans les grandes villes françaises entre la 44e et la 46e semaine de l'année, soit la période qui va du 26 octobre au 15 novembre. Sur la dernière colonne, le rouge (taux d'incidence au-dessus de 400) cède presque partout la place à des oranges ou des jaunes, marquant le reflux de l'épidémie. 

Sur la métropole du Grand Paris, où le couvre-feu a été décrété le 17 octobre, le taux d'incidence passe ainsi de 542 (dans la semaine du 26 octobre) à 369 (dans la semaine du 2 novembre), puis 195 (semaine du 9 novembre).

Evolution des taux d'incidence dans 22 métropoles du 13 juillet au 15 novembre 2020. (SANTE PUBLIQUE FRANCE)

 

Le pic épidémique de la seconde vague semble désormais franchi dans toutes ces grandes villes, même si certains chiffres restent élevés. "En semaine 46, se réjouit encore Santé publique France dans son dernier bulletin, les taux de positivité (nombre de personnes positives sur le nombre de tests réalisés) des personnes testées par RT-PCR étaient en baisse pour les 22 métropoles. Le taux moyen de positivité était de 16,7%, il variait de 7,0% (métropole de Brest) à 27,6% (Grenoble)".

Dès le 30 octobre d'ailleurs, les spécialistes des données, comme Guillaume Rozier, notaient sur Twitter l'infléchissement des courbes, notamment à Saint-Etienne, Lille, Grenoble ou Marseille.

Parce qu'il pourrait y avoir un impact par "résonance"

Difficile, néanmoins, d'isoler une cause unique lorsque l'épidémie recule, et de l'attribuer au seul couvre-feu. Santé publique France s'interroge, par exemple, sur le rôle joué par les congés d'octobre, qui ont débuté le 17 octobre, en même temps que le couvre-feu à Paris, Lyon ou Marseille. Sans apporter de réponse.

"Il n’est pas possible de mesurer l’impact les vacances de la Toussaint qui ont pu influencer favorablement la situation en réduisant la transmission du fait de fermeture des établissements scolaires."

Santé publique France

dans son bulletin épidémiologique du 19 novembre

L'agence de santé note aussi que la baisse des indicateurs a été très rapide dans les villes touchées plus tardivement par le couvre-feu (comme Nice, où il a été décrété à partir du 24 octobre). Pour Santé publique France, le premier couvre-feu décrété à la mi-octobre dans les grandes villes aurait eu des effets psychologiques dépassant le périmètre des agglomérations concernées. Il a pu avoir "un impact au-delà de celles-ci par 'effet de résonance', entraînant une modification des comportements dans un périmètre plus large que celui ciblé", écrit-elle. "Cette période a également été marquée par une communication sur la gravité de la situation qui a pu contribuer à ce phénomène", ajoute-t-elle. Ce n'est donc pas le couvre-feu lui-même qui aurait été efficace, mais le message et les consignes qui l'accompagnent.

En attendant une éventuelle étude plus poussée sur les effets du couvre-feu dans l'Hexagone, l'impact de cette mesure a été analysée en Guyane (où le couvre-feu avait été instauré à 17 heures au début de l'été) dans un article (en anglais) mis en ligne le 12 octobre par l'institut Pasteur. Selon les chercheurs, le couvre-feu "aurait permis de réduire de près d'un tiers le taux de reproduction effectif [du Covid-19], en le passant de 1,7 à 1,1", avait expliqué à France Culture Pascal Crépeyenseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) à Rennes.

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