Extension des cours criminelles : "On est dans des mesures de désengorgement" et non "en train d'investir dans la justice", dénonce le Conseil national des barreaux
L'Assemblée nationale a voté dans la nuit de jeudi à vendredi l'extension de l'expérimentation des cours criminelles, sans jury populaire. Une piste avancée par la garde des Sceaux pour la reprise progressive de la justice.
"Étendre l'expérimentation des cours criminelles" pour juger des crimes sans jury populaire, c'est l'une des mesures présentées par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, afin d'accompagner la reprise des activités judiciaires lors du déconfinement. "On est dans des mesures de désengorgement. On n'est pas en train de bâtir, d'investir dans la justice, dans des dispositifs qui existent déjà, et qui apportent des éléments de réponse", dénonce la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl, vendredi 15 mai sur franceinfo, alors que l'Assemblée nationale a voté la nuit précédente l'extension de l'expérimentation des cours criminelles, sans jury populaire.
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Interrogée sur le fait que cette mesure permet, selon le gouvernement, d'accélérer le temps de la justice, Christiane Féral-Schuhl critique précisément cette vision de la justice et constate que "c'est, encore une fois, une mesure d'économie, parce que ça fait longtemps que nous indiquons que l'on aurait pu investir dans les cours d'assises. On aurait pu élargir ce dispositif. On aurait pu avoir plus de jurés".
"On tranche le lien entre la justice et les citoyens"
Avec ces économies de temps, elle craint "la réduction de cette possibilité d'aller rechercher la vérité. On juge des humains qui risquent d'être privés de liberté". "Le mode procédural constitue une rupture de principe avec des valeurs fondamentales comme l'oralité des débats, entendre les témoins, entendre les enquêteurs, prendre le temps d'écouter les silences, les expressions, l'unicité du procès, tout ça est quelque chose de très important. Et là, on tranche le lien entre la justice et les citoyens", déplore l'avocate.
Ces cours criminelles constituent une espèce, soit de super-tribunal correctionnel, soit de sous-cour d'assises.
Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNBsur franceinfo
Elle dénonce la pré-qualification des faits et une sorte de hiérarchisation des crimes en fonction de la cour devant laquelle ils passent : "Par exemple, violer serait moins important que tuer puisqu'on va aller devant la cour criminelle pour un viol [mais devant la cour d'assises pour un meurtre ou un assassinat] alors que [le viol] est un crime [au même titre que le meurtre ou l'assassinat]."
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