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Ile-de-France : des chauffeurs de bus exercent leur droit de retrait pour "ne pas être complices du transport du coronavirus"

Ces salariés estiment ne pas être assez protégés face au Covid-19. Face à un "danger imminent", ils ont décidé de ne pas prendre leur service.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié
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Image d'illustration (GLOW IMAGES / GLOWIMAGES RF)

"On a très peur", lâche Paul*, chauffeur de bus depuis plus de 30 ans au sein de l'entreprise Keolis Meyer. Comme lui, des salariés de trois entrepôts de bus franciliens, basés dans l'Essonne et le Val-de-Marne, ont exercé leur droit d'alerte et de retrait, lundi 2 et mardi 3 mars.

Selon le Code du travail, un salarié peut en effet refuser de travailler "lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé". "Le salarié peut quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer sans l'accord de l'employeur", précise le site Service-public.fr.

"Les lingettes n'ont jamais été distribuées"

"Il n'y a pas de masques, pas de gels, pas d'interdiction de vente à bord, pas de décision à l'égard des salariés résidants dans l'Oise, pas de mesures pour ceux qui viennent de l'étranger, pas de mesures pour désinfecter les bus", justifient, dans un courrier envoyé aux salariés, des représentants du personnel de Keolis Meyer.

Avec ces droits de retrait, la quasi totalité du trafic géré par l'entreprise est paralysé depuis plus de 24 heures. Seuls les transports scolaires sont assurés, informe la direction de l'entreprise à franceinfo.

"Aujourd'hui, le gel est en rupture de stock, les lingettes n'ont jamais été distribuées et les salariés n'ont jamais reçu la lettre de la direction précisant les recommandations", se désole Marc*, conducteur de bus depuis 12 ans et syndicaliste à la CGT.

"Rien n'est fait pour la sécurité des salariés"

Dans son entreprise, Transdev Strav, qui emploie environ 470 salariés, les dépôts de "droits de retrait" ont débuté lundi après midi. "En trente minutes, on en a eu une vingtaine et ça continue", se félicite Marc. C'est la première fois qu'il utilise son droit de retrait "pour un virus". D'habitude, ce sont pour des agressions, explique-t-il.

On eu des cas de coronavirus qui ne sont pas si loin que ça et si un salarié est touché c'est toute la société qui en quatorzaine mais la direction ne veut rien savoir.

Paul, chauffeur de bus

à franceinfo

Les salariés, comme Yann, élu FO et chauffeur depuis 2013 à Villepinte, critiquent aussi le nettoyage des bus. "Certains bus ne sont pas désinfectés pendant deux semaines, nous disent les employés de nettoyage. Ils n'ont aucune protection ni gant ni masque quand ils les nettoient avec seulement un chiffon et de l'eau. C'est impensable."

Marc pointe du doigt également un manque de dialogue entre les différentes instances. "Rien n'est fait pour assurer la sécurité des salariés et des usagers. Nous desservons essentiellement les gares et l'hôpital de Créteil. Or nous avons aucune consigne, aucune collaboration avec l'hôpital, s'inquiète Marc. Si jamais l'hôpital reçoit un patient malade qui a voyagé dans un de nos bus, on ne le saura pas."

"On voudrait des masques pour se protéger"

"On ne veut pas être les complices du transport du coronavirus au sein de la population et de nos familles", s'insurgent-ils. "On voudrait des masques pour se protéger", réclame Marc.

Nous ne voulons pas prendre en otage les usagers. On le fait pour notre sécurité mais aussi celle des usagers.

Yann, chauffeur de bus

à franceinfo 

Pour Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et des Transports, les salariés dont les entreprises appliquent les instructions sanitaires du gouvernement n'ont pas à utiliser leur droit de retrait.

Côté direction, on assure aussi être "vigilant". Philippe Crolet, directeur de Keolis Meyer, espère une rapide sortie de crise mais il reconnaît que "la discussion avec les représentants du personnel n'a pas permis de débloquer la situation malgré de nouvelles propositions de prévention supérieures à celles du gouvernement". En plus de la distribution de gel hydroalcoolique et de masques, la direction propose un nettoyage approfondi avec une désinfection des postes de conduite et des barres de maintien de tous les bus. Et le directeur de Keolis Meyer de rappeler :

Nous n'avons aucun salarié qui revient d'une zone à risque, aucun cas n'a été déclaré par les autorités sanitaires.

Philippe Crolet

à franceinfo

Selon les chiffres fournir par les syndicats à franceinfo, environ 60% des chauffeurs de Transdev Strav ont exercé leur droit de retrait dans le Val-de-Marne et 80% dans l'Essonne. Une nouvelle réunion avec la direction est prévue dans la soirée.

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

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