Les plaintes pour violences conjugales ont-elles augmenté de 36% pendant le confinement, comme l'affirme Marlène Schiappa ?
La secrétaire d'État chargé de l'Égalité a confondu le nombre de plaintes et les signalements sur France Inter.
"Il y a eu (...) 36% de plaintes en plus" explique Marlène Schiappa dans le premier bilan des violences conjugales pendant le confinement qu’elle a dressé sur France Inter jeudi 21 mai. Ce chiffre n’est pas interprété correctement, la cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi.
La secrétaire d’Etat a confondu plaintes et activité des forces de l’ordre
La hausse de 36% qu’évoque Marlène Schiappa ne correspond pas à une hausse des plaintes déposées pour violences conjugales, mais à la hausse des signalements et des interventions enregistrés par les forces de l’ordre. Une information que le secrétariat d’Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes a ensuite précisé à la rédaction de France Inter, mais l’erreur continue d’être relayée dans plusieurs articles de presse.
Ce n’est pas la même chose car tous les signalements ne font pas nécessairement l’objet d’une plainte. Le procureur de la République au tribunal de grande instance de Pontoise, dans le Val-d’Oise, Eric Corbaux, a même constaté “une diminution d’environ 20% des dépôts de plaintes”. Pour Françoise Brié, présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), ce paradoxe s’explique par “la difficulté de pouvoir échapper à la vigilance de son agresseur le temps de faire la démarche, mais aussi par peur du virus”.
Les signalements de faits de violence ont augmenté pendant le confinement
Si le nombre de plaintes n’a apparemment pas augmenté pendant le confinement, le nombre de signalements en ligne a bondi ces dernières semaines : “Il y a eu 5 fois plus de signalements sur la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr”, indique Marlène Schiappa. Un chiffre qu’elle avait déjà annoncé mi avril dans une interview à Franceinfo. De son côté, le 3919, numéro d’aide et d’urgence géré par la FNSF et soutenu par l’Etat, a enregistré deux fois plus d’appels au mois d’avril par rapport à l’an dernier : 9 906 appels cette année contre 5 098 en 2019.
Cependant, attention à ne pas sur-interpréter ces chiffres. Ce n’est pas parce que le nombre d’appels ou de sollicitations augmentent que les violences augmentent dans les mêmes proportions. Ernestine Ronai, co-présidente de la commission violences au Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, précise qu’en cette période de confinement cette hausse peut s’expliquer pour deux raisons : “parce que les femmes pouvaient difficilement sortir pour demander de l’aide, mais aussi parce que la forte information qui a été faite au sujet de ces numéros ont permis à plus de femmes de les connaître”.
La hausse du nombre de signalement ne provient pas que des victimes. Les appels de proches ou de voisins ont également augmentés : leur part est passé de 23% en février 2020 à 31% en avril 2020 selon les chiffres récoltés par la FNSF : “les gens ont été plus informés et plus attentifs mais aussi, du fait du confinement, beaucoup plus chez eux."
Prudence sur “la baisse du nombre de féminicides”
"Il y aurait eu moins de féminicides, je mets beaucoup de guillemets, (...) pour l'instant on en serait pendant le confinement en moyenne à 1 tous les 4,2 ou 4, 4 jours alors qu’habituellement on était à 1 tous les 3 jours ou 2,5 jours” note par ailleurs Marlène Schiappa. Mais la secrétaire d’Etat est prudente sur ces chiffres car “toutes les portes ne se sont pas encore ouvertes et je suis prudente sur les situations dramatiques que l’on pourrait découvrir".
Pour Françoise Brié, si la baisse du nombre de féminicides se confirme, cela pourrait notamment s’expliquer par un meilleur traitement judiciaire des violences conjugales pendant le confinement : “les tribunaux étaient moins engorgés par d’autres affaires du fait du confinement et du report de certaines procédures. Les réponses apportées ont globalement été plus rapides”. En cas d’éviction du domicile pendant le confinement, le gouvernement a mis en place la possibilité de placer les auteurs de violence dans des chambre d’hôtels. D’après Jules Boyadjian, du groupe SOS qui coordonne ce système, 86 hommes ont été hébergés momentanément dans une chambre d’hôtel, en attendant une prise en charge plus pérenne.
Sur l’année 2019, le collectif Nous Toutes a dénombré 151 féminicides, contre 122 à 125 pour l’Agence France Presse. Le gouvernement recense officiellement les féminicides depuis 2006 et n’a pas encore donné ses chiffres.
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