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Vrai ou faux Covid-19 : les inquiétudes liées à la création du pass sanitaire sont-elles fondées ?

Le dispositif, mis en place à partir du 9 juin, ne concernera que certains lieux ou événements rassemblant plus de 1 000 personnes. Il n'obligera pas à se faire vacciner ni à télécharger TousAntiCovid, car des alternatives existeront.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Des pancartes opposées à la création du pass sanitaire lors d'une manifestation à l'appel de l'association Ami entends-tu, à Paris, le 22 mai 2021. (JEROME LEBLOIS / HANS LUCAS / AFP)

Il est devenu la bête noire des conspirationnistes, mais inquiète aussi des personnes bien au-delà de ce cercle. Le pass sanitaire fera son apparition en France le 9 juin, à l'occasion de la réouverture de lieux comme les stades, les foires ou les salles de concert de moins de 5 000 places. Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, qui permet sa mise en place, a été définitivement adopté jeudi 27 mai après un dernier vote au Sénat.

Le terme de "pass" désigne en réalité deux choses à la fois. La limitation de l'accès à certains lieux aux seules personnes vaccinées, testées négatives au Covid-19 ou remises du virus, d'une part. Et, d'autre part, la création d'un système de QR code sur les attestations et dans l'application TousAntiCovid, pour permettre de prouver que l'on remplit ces conditions. Le principe de ce pass, et les modalités de sa mise en œuvre, soulèvent un certain nombre de questions légitimes et de fantasmes. Franceinfo met les choses au clair.

Non, il ne vous sera pas demandé au restaurant ou à la boulangerie

Des personnes refoulées des restaurants, des commerces, au prétexte qu'elles ne sont pas vaccinées ? C'est le futur que craignent un certain nombre de Français à en croire les réseaux sociaux, qu'ils refusent les vaccins contre le Covid-19 ou qu'ils n'aient simplement pas encore pu en bénéficier.

Mais le projet du gouvernement ne prévoit l'utilisation du pass sanitaire que dans des contextes plus restreints : les "lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels", selon le texte de loi définitivement adopté le 27 mai.

Certes, la nouvelle loi ne fixe pas de critères précis sur ce qui constitue un "grand rassemblement". Mais le site de l'administration française avait publié le 17 mai une liste des lieux qui seront concernés (qui rouvriront le 9 ou le 30 juin) : ce sera notamment le cas des stades, des salles de spectacles culturels (concerts, théâtres...), des festivals en plein air ou encore des bateaux de croisière. Le pass n'y sera demandé que quand plus de 1 000 personnes sont susceptibles d'y être accueillies. Le secrétaire d'Etat chargé de la Transition numérique, Cédric O, a confirmé ces modalités lundi 24 mai dans une interview au Parisien. Le 7 juin, sur franceinfo, il a précisé que les meetings politiques ne seraient pas concernés. La liste définitive sera sans doute publiée par décret d'ici au 9 juin, comme ce fut le cas pour les fermetures de commerces par exemple.

Pourra-t-elle être un jour élargie à des lieux plus petits ? Il faudrait alors changer la loi, et cela contredirait le discours tenu par l'exécutif. Fin avril, au moment d'annoncer la création de ce pass, Emmanuel Macron avait assuré qu'il "ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, (...) ou pour aller chez des amis". Par ailleurs, un commerçant ne pourra pas décider de contrôler de lui-même le pass sanitaire de ses clients : la nouvelle loi prévoit qu'une telle pratique soit punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Le pass sanitaire servira également en voyage, si le pays ou territoire où vous souhaitez vous rendre impose comme condition de présenter un test ou un certificat de vaccination. Sachez que de telles restrictions existent déjà dans de nombreux pays depuis le début de la pandémie : le pass français est simplement un outil supplémentaire, qui devrait être accepté ailleurs dans l'Union européenne, mais pas forcément partout dans le monde. Il sera également demandé pour les déplacements vers ou depuis la Corse ou les départements d'outre-mer. Là encore, ces déplacements étaient déjà restreints, mais l'arrivée du pass sanitaire permettra aux personnes vaccinées de ne pas avoir besoin d'un test.

Enfin, il ne faut pas confondre le pass sanitaire avec un autre nouveau dispositif, le carnet de rappel, qu'il faudra utiliser (sous forme papier ou numérique) pour accéder à l'intérieur des salles de sport, des bars et des restaurants, mais qui n'a aucun lien avec le fait d'être vacciné ou testé négatif. Cet outil doit permettre d'identifier et d'informer les cas contacts potentiels des clients ou usagers de ces lieux.

Non, il n'interdira pas l'accès à certains lieux aux non-vaccinés

Créer un pass sanitaire est-il une façon détournée de rendre la vaccination obligatoire ? Ce serait oublier qu'il existe une autre façon d'obtenir ce pass : passer un test de dépistage au Covid-19 moins de 72 heures avant de vous rendre dans le lieu où il vous sera demandé, et être négatif.

L'instauration de ce pass crée bien entendu une contrainte pour les personnes qui ne sont pas vaccinées, car un test (PCR ou antigénique) peut demander un peu de temps et d'organisation et reste un acte médical peu agréable. Cela ne revient pas pour autant à interdire de fait l'accès aux personnes non vaccinées à ces lieux. Qui ne sont par ailleurs pas des endroits indispensables à la vie de la plupart des Français (ceux qui y travaillent, eux, seront dispensés de pass sanitaire).

Par ailleurs, les personnes qui ont été touchées par le Covid-19 et ont guéri pourront aussi accéder aux lieux concernés, qu'elles soient vaccinées ou non. Elles devront présenter comme preuve de leur rétablissement un résultat de test positif datant de plus de deux semaines et de moins de six mois, a expliqué Cédric O sur franceinfo dimanche 23 mai.

Non, il ne vous forcera pas à télécharger TousAntiCovid

Bien sûr, le gouvernement continue d'encourager les Français à télécharger l'application TousAntiCovid, mise en avant comme la façon la plus simple de présenter son pass sanitaire. Mais si vous ne souhaitez pas, ou ne pouvez pas, télécharger l'application pour smartphones, il sera possible d'accéder aux lieux concernés en présentant un document sur papier, qui prouve votre vaccination, votre test négatif ou votre rétablissement.

Il faut, pour cela, que votre document contienne un QR code (ou plus exactement un code Datamatrix, le site Numerama explique la différence) qui sera scanné à l'entrée, comme serait scannée l'application. Depuis début mai, les attestations de vaccination et les résultats de tests sont censés inclure ce code.

Les personnes vaccinées avant mai, qui ont reçu un document sans code, peuvent récupérer le leur depuis jeudi 27 mai sur un site mis en ligne par l'Assurance maladie, puis l'imprimer si elles ne souhaitent pas l'ajouter à l'application. Et si vous n'avez pas du tout accès à un ordinateur ou une imprimante, l'Assurance maladie conseille de solliciter l'aide de votre médecin traitant ou d'un espace France Services. Attention, car un document sans ce code ne pourra pas faire office de pass sanitaire.

S'il fonctionne comme annoncé, il ne menacera pas le secret médical

La création d'un nouveau dispositif de contrôle, qui repose en partie sur le numérique, a ravivé les craintes de certains sur la possibilité d'un traçage des usagers. Mais plusieurs éléments doivent permettre d'écarter ces inquiétudes ou de les nuancer.

Tout d'abord, les informations sur vos dépistages et votre vaccination sont déjà collectées. Les résultats des tests remontent dans le fichier Si-Dep, ce qui permet notamment aux équipes de tracing de contacter les personnes positives, rappelle le ministère de la Santé. Les vaccinations, elles, remontent dans le fichier Si-Vac, ce qui permettra notamment d'avertir les patients concernés en cas de problème sanitaire lié au vaccin qu'ils ont reçu, explique l'Assurance maladie. L'utilisation de ces données est encadrée. Ajouter vos certificats à TousAntiCovid ne changera rien sur ce point.

Votre pass sera ensuite scanné quand vous tenterez d'accéder aux lieux où il sera exigé. Le texte adopté par les parlementaires prévoit que ce contrôle ne permette pas à la personne vérifiant le pass de connaître "la nature du document" qui vous permet d'entrer dans un lieu. Concrètement, la personne qui effectuera le contrôle ne verra que si le pass est valable ou non, mais pas si vous avez été vacciné, testé négatif ou si vous avez guéri du Covid-19, confirme à franceinfo le cabinet de Cédric O. Des informations comme le type de vaccin et le nombre de doses reçues n'apparaîtront pas sur TousAntiCovid-Verif, l'application destinée à scanner ces codes. Si ces informations figurent dans la section "carnet" de TousAntiCovid, l'application permet désormais d'afficher le code seul à l'écran. Cependant, plusieurs experts en sécurité informatique, notamment cités par le site NextInpact, relèvent qu'il est possible d'accéder à toutes les informations que TousAntiCovid-Verif ne montre pas en utilisant une autre application capable de lire ces codes, comme il en existe de nombreuses.

Par ailleurs, les personnes qui préfèrent présenter un papier devront faire scanner le code se situant sur leur attestation de vaccination ou de résultat de test, documents sur lesquels apparaissent noir sur blanc de nombreuses informations médicales. Interrogée à ce sujet par BFMTV, l'Assurance maladie conseille une solution pour le moins artisanale : plier la feuille, pour ne montrer au contrôleur que le code à scanner.

Reste une troisième interrogation : pourra-t-on savoir où votre pass a été contrôlé, et donc connaître une partie des lieux que vous fréquentez ? Le cabinet de Cédric O, cité par l'agence AMP News en avril, écartait cette possibilité : "Lors d'un contrôle, aucune donnée de santé n'est stockée par l'application TousAntiCovid-Verif", dont les professionnels se serviront pour scanner les QR codes. "Elle vérifie simplement la signature du certificat auprès du serveur". La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), gendarme français des données, a déjà laissé entendre dans un avis du 12 mai qu'elle serait vigilante sur cette question : "Le dispositif de pass sanitaire, y compris l'outil TousAntiCovid-Verif, ne devra pas engendrer la création d'une base de données centralisée regroupant les données traitées dans le cadre des vérifications des certificats". La loi prévoit que la Cnil soit à nouveau sollicitée avant la publication du décret qui fixera ces modalités.

Non, rien n'indique qu'il subsistera après l'épidémie de Covid-19

L'instauration d'un pass sanitaire préfigure-t-elle un monde où notre santé restreindrait nos déplacements ? Si nul ne peut prédire le futur, la mesure a une date de fin relativement proche : la loi n'autorise la mise en place de ce pass sanitaire que jusqu'au 30 septembre 2021. 

Cela ne veut pas dire qu'il n'existera plus au-delà, mais son maintien impliquerait d'adopter une nouvelle loi, et d'obtenir une nouvelle fois l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le texte précise que les mesures sanitaires, dont le pass, sont jugées "strictement proportionnées aux risques", et qu'il doit donc y être "mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires".

Dans son avis du 12 mai, la Cnil invite cependant à la vigilance face au risque de "créer un phénomène d'accoutumance" à de telles restrictions des libertés. Le gendarme des données juge lui aussi le pass sanitaire acceptable (sous conditions) dans la situation épidémique actuelle, mais pas en dehors.

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